Préparatifs des concertations politiques : A petit trot ?

12 May, 2022 - 01:58

Depuis la première réunion du comité préparatoire des concertations nationales, la sous-commission mise en place pour les thématiques et la liste des invités ne chôme pas. Les représentants des camps de la majorité et de l’opposition travaillent d’arrache-pied pour harmoniser les vocables des uns et des autres. En effet, si les acteurs sont tous d’accord sur le principe qu’il faut débattre de l’ensemble des questions nationales, il n’en demeure pas moins qu’ils n’ont pas forcement la même vision de l’avenir de la Mauritanie, donc du contenu à mettre derrière les mots. C’est d’ailleurs ce qui a toujours été problème lors des derniers dialogues et qui rend méfiant le pouvoir actuel. Certaines questions étaient considérées comme des lignes rouges, notamment la question de l’armée et de l’unité nationale où sont rangées les vérités sur le passif humanitaire, l’esclavage et la cohabitation entre les composantes beïdane et noires…

Mais selon les différentes intentions exprimées par les uns et les autres, aucun sujet ne serait tabou. Histoire d’embarquer ou de rassurer certains camps qui tiennent à ce que les questions considérées jusque-là comme celles qui fâchent soient mise sur la table : pour eux, il faut refonder la Mauritanie sur d’autres bases. Il faut oser donc se parler les yeux dans les yeux, mettre tout en question mais sans passion. C’est peut-être pourquoi la feuille de route concoctée au début du processus par les acteurs politiques va-t-elle être réactualisée. Elle avait été, semble-t-il, conçue dans la précipitation, certains acteurs politiques de l’opposition n’y étant pas représentés.

Cela dit et même si ceux-ci et d’autres de la Société civile s’estiment écartés par ceux qui ont enclenché le processus, des confidences renseignent que personne ne sera laissé en rade. Pourvu qu’on fasse un bon tri ! On se rappelle que lors des dialogues d’Ould Abdel Aziz, le vocable « Société civile » avait servi de fourretout pour coopter des individus et organisations qui n’avaient rien à faire dans ces conclaves, sauf y semer la diversion et la zizanie. On se rappelle  aussi des réactions hostiles au discours prononcé par le président Balas au Palais des congrès lors de la cérémonie d’ouverture du deuxième dialogue. Il avait fallu l’intervention d’Ould Abdel Aziz en personne pour permettre à Balas de poursuivre son propos. L’homme avait évoqué le passif humanitaire et l’urgence de le régler. Des esprits étroits avaient alors poussé une bronca pour protester. On connaît la suite avec les candidatures à leadership négro-africain et haratine de Kane Hamidou Baba et de Biram Dah Abeid qui non seulement dénoncent l’«exclusion  de la composante noire par le système » aux gouvernes du pays depuis son indépendance mais reflètent surtout un malaise et une grande méfiance entre les composantes nationales.

 

Un second souffle ?

Espérons que tous ces comportements resteront derrière nous : la Mauritanie a besoin d’avancer. Et l’homme que le président de la République a choisi pour présider le comité préparatoire de ces concertations dispose des atouts nécessaires. En plus de connaître les acteurs politiques qui l’environnent, Ould Waghf maîtrise également les enjeux et le contexte du pays. C’est pourquoi sa désignation n’a pas suscité de contestations au sein de l’opposition. Celle-ci avait réclamé l’implication du président de la République pour la mise en œuvre des recommandations des concertations. À en croire certaines confidences, l’homme a fait montre de bonnes dispositions lors de la cérémonie de lancement du comité préparatoire. Il mesure toute la confiance que le président Ghazwani place en lui, quelques mois avant d’importantes échéances électorales qui ressemblent fort une espèce d’élection de mi-mandat. Elles interviendront de fait à la veille de la présidentielle 2024. Du coup, les concertations qui se tiendront sous peu pourraient redorer le blason du pouvoir empêtré dans la gestion délicate du fameux Dossier de la décennie qui mit à si rude épreuve son prédécesseur mais également de la pandémie COVID 19 et de la situation sociale difficile des démunis. Le combat contre la gabegie, son cheval de bataille, n’a pas porté ses fruits, la deuxième pandémie persiste – pour ne pas dire s’accélère – en dépit des belles intentions proclamées par le Palais et le gouvernement. Le Président n’a pas réussi à se passer des hommes usés par son ex-alter ego dont le régime est jeté aux gémonies depuis fin Décembre 2019. Malgré les efforts affichés par les autorités, les prix des produits de base ne cessent d’augmenter, mettant à cran les couches défavorisées, tandis que les « mauritaniens d’en haut » – son oligarchie… – se la coulent belle en des villas somptueuses poussant comme des champignons dans les quartiers cossus de Tevragh Zeïna qu’on devrait rebaptiser Dubaï et en de véritables limousines dans les rues dudit quartier. En acceptant, dans ce contexte, d’engager le dialogue après de longues hésitations, le pouvoir pourrait occuper l’opinion pendant des jours, voire des semaines, jugent certains observateurs. Et donc souffler un peu, en quelque sorte.

 

                                           Dalay Lam