Dans la foulée du dernier remaniement gouvernemental, le président Ghazwani a chargé son ministre secrétaire général de la Présidence, Yahya Ahmed El Waghf, de superviser le dialogue politique entre la majorité et l’opposition démocratique. Une décision attendue depuis plusieurs mois par celle-ci qui commençait à s’impatienter, après avoir désigné ses membres appelés à siéger dans la commission de supervision et soumis leur liste à la Présidence. Cette nomination intervient dans un contexte politique et social difficile. Après un remaniement qui ne fait pas que des heureux, doublé d’une dégradation continue des conditions de vie de l’écrasante majorité de ses concitoyens, le président Ghazwani tente de repartir d’un autre pied.
Alors que le camp de la majorité estimait que l’opposition n’était prête pour le dialogue et qu’elle peinait à accorder ses violons, les leaders de cette dernière reprochait au pouvoir de ne pas se hâter. « La balle est dans le camp du pouvoir », affirmaient-ils en diverses interviews au Calame. Aujourd’hui, elle est à nouveau en jeu, le Président a fait son choix. On attend donc la réaction de l’opposition qui tenait à impliquer davantage celui-ci dans un processus apparaissant, jusque-là, comme un jeu entre les partis politiques. Le président de la République donnait l’impression de vouloir rester au-dessus de la mêlée, ce qui ôtait, aux yeux de l’opposition, toute caution ou garantie quant à la mise en œuvre des résolutions qui sortiraient des concertations. Elle souhaitait la désignation d’une personnalité consensuelle et indépendante.
De sérieux atouts
Après avoir traîné les pieds en avançant un certain nombre de contraintes – festival à Ouadane des villes du Patrimoine, décès accidentel de Kane Hamidou Baba, un des leaders de l’opposition… –Mohamed El Ghazwani a porté son choix sur une personnalité qui monte en puissance dans la galaxie du pouvoir. Le voilà donc alourdi, en sus de son poste de ministre-pivot à la Présidence, de la responsabilité de superviser les concertations avec l’opposition. Même si cette dernière tarde à réagir, une chose est certaine : Ould Waghf dispose de sérieux atouts pour rassurer les protagonistes. L’homme connaît bien l’échiquier politique national, possède un argumentaire susceptible de convaincre l’opposition au sein de laquelle il compte de nombreux amis, voire confidents. De 2008 à 2019, il fut de toutes les batailles de celle-ci, présidant ses coordinations et confectionnant beaucoup de ses documents et feuilles de route. Fort de son ouverture d’esprit, Yahya Ould Waghf connaît également bien l’Union Pour la République (UPR), dont il assura la vice-présidence, et les autres partis de la majorité. Arrivé à l’UPR en Décembre 2019, il était vite devenu incontournable en son sein, au point qu’il aurait même, affirment certains, bien pu le piloter. On le vit sur tous les fronts pour défendre le gouvernement de Ghazwani alors que nombre de hautes personnalités se faisaient tout petit. Argumentaire et panache à l’appui, l’homme mesure certainement tout l’enjeu des concertations, le contexte national, sous-régional, régional et international. Enfin, et c’est ce qui compte le plus, il jouit de la confiance du président de la République. Une sérieuse carte, donc, que cet homme de Letfetar. Il ne manquera pas d’user de tous ces atouts pour s’acquitter de la mission que vient de lui confier Ghazwani. L’opposition qu’« il avait abandonnée en plein vol », se souvient l’un de ses responsables – c’était à la veille de la présidentielle de 2019… – le trouvera-t-elle suffisamment «indépendant et rassurant » ? Wait and see! Les acteurs politiques n’ont en tout cas plus de temps à perdre, l’agenda électoral n’attend pas. À défaut de pouvoir trouver des solutions aux problèmes quotidiens des Mauritaniens, le président Ghazwani sort une nouvelle carte. Espérons qu’elle ne sera pas une énième diversion…
Dalay Lam