Le Premier ministre a procédé, la semaine dernière, à la déclaration de sa politique générale devant le Parlement mauritanien. Et comme on s’y attendait, il s’est livré à la rhétorique traditionnelle du genre : autosatisfaction tous azimuts. À ses yeux, le bilan de son gouvernement est largement reluisant, les engagements du président de la République s’exécutent comme il se doit et, comme l’a si bien relevé le député de Nouadhibou, Thiam Ousmane, au terme dudit discours, on a le sentiment que tout va très bien, qu’il fait bon vivre en Mauritanie… alors que les populations connaissent, au quotidien, de grosses difficultés : hausse incessante des prix, mauvaise gouvernance et tutti quanti. Du coup, nombre de mauritaniens peuvent ressentir l’idyllique tableau dressé par le PM comme une flagellation. Le PM leur semble sur une autre planète, s’adressant en conséquence à des citoyens d’ailleurs.
Le discours vient comme un démenti à l’endroit de ceux qui ruaient dans les brancards en affirmant que le président de la République s’était déclaré mécontent, lors d’une réunion restreinte avec quelques membres du gouvernement et le délégué de Taazour, de la piètre exécution de ses engagements électoraux. Mais, a contrario de l’autosatisfaction du PM, on pourrait citer l’exemple patent de la réhabilitation de la route Boutilimit-Aleg – une centaine de kilomètres sans difficultés particulières de terrain – dont les travaux lancé depuis 2019 ne sont pas près de s’achever, tandis que les entreprises contractantes n’ont été ni dessaisies ni frappées de pénalités. Et comme pour apporter de l’eau au moulin des détracteurs du pouvoir, de présumés détournements de deniers publics ayant défrayé la chronique au cours des dernières semaines sont venus au mauvais moment. Des voix se sont élevées jusqu’en l’Hémicycle pour déplorer la persistance de telles pratiques. On comprendrait donc aisément que le président de la République soit réellement mécontent…
Lenteurs, lourdeurs, persistance des pratiques déplorables enregistrées sous son prédécesseur, notamment le recyclage des anciens pontes d’Ould Abdel Aziz, la gabegie, les exclusions de certaines catégories de citoyens, les injustices… Des maux dont le président Ghazwani s’est pourtant engagé, dans tous ses discours, particulièrement celui récent de Ouadane, à éradiquer. Entre une volonté de bien faire et la réalité, il y a souvent un gap évident. Et si l’on connaît cette situation, c’est, nous semble-t-il, parce que le président de la République ne s’est pas résolu à user du bâton. Mais, pour extirper le mal mauritanien – l’enrichissement à tout prix – il faut sévir contre les prédateurs. La fondation de la Commission d’enquête parlementaire, fin Janvier 2020, le placement sous contrôle judiciaire de plusieurs hauts responsables cités dans le désormais célèbre « Dossier de la Décennie », suivi du placement en détention préventive d’Ould Abdel Aziz, avaient suscité l’espoir de voir la gabegie reculer. Hélas, trop pesanteurs pèsent encore sur le pouvoir. Comme on dit si bien, lorsque ceux qui renflouent une fosse sont plus nombreux que ceux qui creusent, celle-ci peut bien s’élargir mais certainement pas s’approfondir.
Notons enfin que le PM n’a réservé qu’une portion très congrue à la politique, alors qu’il a annoncé pour imminent le démarrage des concertations entre la majorité et l’opposition, dont les partis attendent la désignation, par le chef de l’État, du président de la commission de supervision. La balle est dans son camp depuis quelque temps.
DL