L’élection présidentielle a vécu. Premier constat : deux semaines de vacarme et des meetings à n’en plus finir n’auront pas convaincu les citoyens d’aller accomplir leur devoir civique. Moins de 45% des mauritaniens en âge de voter ont fait le déplacement. Les hommes d’affaires, les banquiers, les notabilités et les petits roitelets locaux ont, pourtant, tous été mis à contribution. Avec un seul mot d’ordre : tirer le taux de participation vers le haut. Des milliers de personnes ont été ainsi déplacées pour le vote. C’était la course à celui qui ramènerait la « meilleure » urne. Dans certains bureaux de vote à l’intérieur du pays, le nombre de votants fut, pile poil, égal à celui des inscrits. Aucun absent, ni voyageur, ni malade. Et ce ne sont pas seulement les personnes qui ont fait le déplacement. Des milliers de cartes d’identité ont été envoyées aux quatre coins du pays. L’essentiel était que le taux montât, au fil des heures, pour atteindre 100%, par endroits. Des miracles comme seule sait en produire la démocratie mauritanienne.
Second constat : avec plus de 81% des suffrages exprimés, le président candidat est, incontestablement, le grand vainqueur de la consultation. Avec une confortable majorité à l’Assemblée nationale, il peut, désormais, voir venir les cinq prochaines années. Mais à quel prix ? Le taux de participation, dont on a fait le principal enjeu de cette élection, en l’absence de l’opposition, a-t-il atteint un seuil de « légitimation » ? L’élection a-t-elle soldé la crise politique que nous vivons depuis 2008 ? Avec un taux de participation de 56 % des inscrits (soit environ 19 points de moins que lors des dernières municipales et législatives), peut-on dire qu’Ould Abdel Aziz est mal élu ? Que le mot d’ordre de boycott, lancé par l’opposition, a porté ?
Avec une telle démobilisation de l’électorat, l’opposition peut-elle regretter, a contrario, de ne pas avoir pris part au scrutin ? Aurait-elle dû investir l’arène, pour tenter de porter un coup au pouvoir d’Ould Abdel Aziz, l’affaiblir et éviter qu’il ne rentre, dans son second mandat, « comme dans du beurre » ? Quand finira-t-elle par comprendre que les marches et les meetings, certes signes de vitalité démocratique, ne servent que le régime en place ?
Les thuriféraires de celui-ci vont, certainement, pavoiser le pays des 82% de votants pour leur champion ; d’autres ne lui reconnaîtront que 43% des inscrits, quand d’autres encore s’inquièteront de son maigre score de 34% auprès des mauritaniens en âge de voter – à peine un sur trois ! – un piètre actif que contesteront, sans aucun doute, les derniers, évoquant diverses fraudes... Une telle cacophonie peut-elle déboucher, à terme, sur une négociation généralisée des conditions existentielles de notre démocratie ? Peut-être vaut-il mieux parier, en effet, sur les résultats de la Coupe du Monde…
Ahmed Ould Cheikh