Au terme de la première phase du projet « sécurité alimentaire et prévention des conflits face aux changements climatiques dans six bassins versants du Gorgol et du Guidimakha », un atelier s’est tenu à Kaédi le 8 décembre dernier pour en tirer les conclusions, après sa mise en œuvre par le consortium GRDR(Groupe de recherche et de développement rural), GRET et TENMIYA. La cérémonie était présidée par le wali du Gorgol, monsieur Ahmedna ould Sid Ebba, accompagné du vice-président du Conseil régional, du hakem, des maires des localités concernées et des autorités sécuritaires. Dans son mot ouvrant les travaux, le wali a invité tous les acteurs à s’inscrire dans le large programme du président de la République, en rentabilisant au maximum les investissements pour le bien-être des populations. Et de louer la disponibilité de l’AFD et l’expertise du consortium pour la réalisation de cette première phase dont « les résultats », dira-t-il,« cadrent bien avec les objectifs visés ». Le représentant du GRDR a situé, quant à lui, le contexte de l’atelier et son objectif, avant de passer la parole respectivement au vice-président du Conseil régional et au maire de Kaédi qui ont, tour à tour, invité les participants à capitaliser au mieux les conclusions de l’atelier, avant de leur souhaiter la bienvenue.
Sur financement de l’Agence Française de Développement (AFD) dans l’optique d’améliorer la sécurité alimentaire par la relance de l’irrigué dans les territoires ruraux du Gorgol et du Guidimakha, les investissements consentis au cours de ce projet communément appelé « SAP3C » visent à améliorer la capacité productive des terres du diéri à travers l’aménagement des bassins versants, la réhabilitation et l’extension de divers aménagements hydro-agricoles, suivis de mesures d’accompagnement en vue d’une gestion durable. Les communes bénéficiaires sont Néré Walo, Kaédi, Tokomadji et Toufoundé Civé, au Gorgol ; tandis que le choix, au Guidimakha, se portait sur la commune de Diaguily. Toutes ces activités réalisées dans un diéri longtemps confronté à un phénomène important de déprise agricole ont mis en évidence, au cours de la campagne 2020-2021, une nette amélioration des marges brutes dans les itinéraires techniques agro-écologiques qui demandent, contrairement à la pratique traditionnelle, beaucoup plus d’investissements et d’innovation, notamment dans la fabrication et le traitement des bio-fertilisants et des bio-pesticides.
Outre ses aspects d’aménagement visant à réhabiliter des terres restées longtemps inexploitées, le projet SAP3C a permis la restauration de l’environnement par la promotion de l’agro-écologie et à la réduction des risques de conflits fonciers, en mettant en place des ententes foncières, toutes choses qui contribuent à la cohésion sociale. Cette première phase, qui a duré 42 mois alors qu'elle était initialement prévue pour 36, était articulée sur trois volets qui naviguaient de l’aménagement (restauration des terres dégradées) à la gestion durable des ressources naturelles et à la prévention des conflits, en passant par l’accompagnement agro-écologique. Débutée en 2018, cette phase a également mis en branle toute une ingénierie sociale qui a permis d’impliquer l’ensemble des acteurs institutionnels et des usagers, afin de dégager un processus pertinent de gestion et de suivi, de la phase diagnostic à la mise en œuvre. Une démarche qui a abouti à l’émergence de facilitateurs endogènes et de conseillers agricoles dont les apports respectifs et la méthode ont été salués par tous les maires des communes d’intervention et appuyés par les bénéficiaires dans leur ensemble.
Résultats obtenus
Par une approche méthodologique dépouillée qui a tenu compte des contextes spécifiques de chaque commune d’intervention, les résultats satisfaisants obtenus ont non seulement amélioré les rendements, ainsi qu’en ont témoigné les bénéficiaires, mais aussi introduit, dans leurs pratiques, une nouvelle approche leur permettant de contrôler toute la chaîne de production, du choix de la semence à la récolte, en passant par le semis et les traitements bio. Avec à la clé des rendements a priori insoupçonnables. En effet, grâce aux études de faisabilité qui ont précédé les différents aménagements, tantôt faits d’ouvrages de rétention, par-ci, et, par-là, de cordons pierreux, 52 hectares de terres de diéri sont non seulement restaurées, au Guidimakha, avec une bonne production céréalière des ménages, mais ont aussi permis de lutter contre l’ensablement du walo et de sécuriser le périmètre rizicole.
Au Gorgol, 300 hectares de diéri ont été restaurés à Toufoundé Civé au profit des activités agricoles, d’élevage et de pêche, alors que dans les localités de Rindiaw (commune de Kaédi) et de Jooké (commune de Néré Walo), respectivement 22 et 42 hectares sont restaurés, ralentissant notablement le ruissellement des eaux de pluie. Ces actions ont aussi permis de régénérer le couvert arboré et herbacé, ainsi que de lutter contre l’ensablement des champs et des mares du walo. Grâce aux différentes concertations réalisées en amont de la mise en œuvre, les populations, sans distinction, peuvent accéder aux nouvelles terres aménagées.
Perspectives
Dans les deux prochaines années, la phase 2 du SAP3C entend consolider les acquis, poursuivre l’extension des sites à aménager et organiser au besoin la végétalisation et la lutte anti-incendie (pare-feu). Avec l’approbation des conventions GRN en Juillet 2021 par les conseils municipaux de Kaédi et de Néré Walo, l’accompagnement pour établir au niveau institutionnel un plan d’action est prévu afin de rendre opérationnels et autonomes les comités à travers des formations et appui/conseil.
Même si les défis sont divers et importants : diminution de la pluviométrie, érosion du sol et multiplication des ennemis de culture, entre autres problèmes qui constituent des facteurs limitants l’exploitation du diéri ; il est à noter qu’en certaines localités, le recul de l’agriculture fait du diéri un espace en mutation où les constructions s’érigent en lieu et place des zones culturales. Nonobstant le phénomène d’urbanisme galopant qui éloigne les usagers des zones de culture et rétrécit en même temps l’espace vital, le diéri reste et demeure en sa vocation agropastorale pouvant bien changer le regard des uns et des autres à travers une résilience soutenue face aux changements climatiques.
Biry Diagana
CP Gorgol