"Socrate a-t-il bu la ciguë ?, non le bateau sacré n'est pas encore venu de Délos", s'exprimait le romancier sénégalais, le désormais légendaire Cheikh Hamidou Kane dans " L’Aventure ambiguë". Socrate...ce philosophe de l'antiquité qui prétendait accoucher les esprits comme sa mère Phénarète, une sage-femme qui, elle, accouchait les femmes...C'est par une subtile méthode qu'il appelait "maïeutique", que le sage Socrate permettait à ses disciples, dont le célèbre Platon, qui pourtant a passé sept ans d'études auprès des prêtres égyptiens, de découvrir la vérité, par eux-mêmes, de dégager les réponses appropriées qui couvent en chacun de nous, par un simple raisonnement introspectif....Aussi selon le non moins célèbre épistémologue français Gaston Bachelard, "rien ne va de soi, rien n'est donné, tout se construit" avec des questions qui, cependant, nécessitent des réponses intelligibles découlant ainsi de l'ordre naturel des choses......
Personnellement, depuis quelques temps, deux questions me taraudent l'esprit en ce milieu du mois de novembre 2021 et dont le traitement pourrait avoir une incidence sur l'évolution de notre situation intérieure ou impacter sur la fiabilité de notre logiciel sécuritaire au-delà de nos frontières. Là il n'est point besoin d'"accoucher des esprits’’ pour trouver des réponses adéquates car nous faisons confiance à ceux qui nous gouvernent. Même si le 21ème siècle est l'ère de toutes les extravagances, même si l'intelligence artificielle surpasse désormais l'imagination fertile de l'homo sapiens ou homme pensant. Et voilà que tout change à grande vitesse. Tenez, en géopolitique, les alliances jadis relevant du domaine de l'orthodoxie doctrinaire ou vis versa, se muent en deals circonstanciels pour se faire ou se défaire comme un château de cartes. Certes le monde dans sa globalité commence à se redessiner mais de manière dangereuse. Le répit dans la confrontation Est-Ouest après la chute du mur de Berlin il y a environ 30 ans, n'était qu'un leurre, me semble-t-il. Les Etats-Unis, qui craignent un éventuel leadership chinois au niveau mondial, tentent de contenir la prééminence de l'empire du Milieu. La Russie éternelle, rebutée par l'Europe, est de retour sur la scène internationale et n'entend surtout pas jouer la figuration. Au contraire, ses bâtiments de guerre, ses sous-marins nucléaires lanceurs d'engins balistiques intercontinentaux baignent sur et dans tous les océans. Des puissances intermédiaires telles la Turquie et l'Iran sous-traitent les conflits en Syrie, en Irak, au Liban, en Libye, en Somalie et au Yémen. La Turquie d"Erdogan, pourtant membre de l'OTAN, veut voler de ses propres ailes, en boudant souvent le parapluie américain et en courtisant tantôt Moscou, rien que pour défendre ses propres intérêts.
Appétits aiguisés
On aura constaté que toutes ces nations s'intéressent désormais au continent africain riche en minerais, en gisements qui aiguisent tous les appétits. L'actuelle crise entre "civils et militaires" au Soudan pour la conquête du pouvoir, la guerre fratricide entre rebelles tigréens (soutenus surtout par Israël) et le pouvoir central éthiopien, n'est ni plus ni moins qu'un débordement de la rivalité entre les USA d'une part, les Chinois et les Russes d'autre part. Le "think thank" américain, appelé l"Atlantic council", réactivé sous la présidence de Joe Biden, ne ménage aucun effort pour fédéraliser le Soudan et l'Ethiopie afin de les vassaliser, et empêcher ainsi l'installation de bases militaires portuaires russe ou chinoise. L'Atlantic council compte étendre son hégémonie en Afrique, du golfe d'Aden au golfe de Guinée et enfin sur le grand Sahara, du golfe de Syrte en Libye jusqu'au pays Bamiléké, au Cameroun. Tout près de nous, la France n'a-t-elle pas pensé un moment à la partition du Mali, entre le Nord et le Sud? Alors à quand le tour de la Mauritanie? Car le retrait des troupes françaises du Nord du Mali, pour se redéployer surtout dans la zone des trois frontières (Mali, Burkina, Niger), n'est qu'un repli stratégique à mon humble avis. Un, c'est pour sécuriser davantage l'exploitation de l'uranium du Niger, gisement indispensable au "tout nucléaire " que Paris veut adopter dès 2022. Deux, la France veut se prémunir de toute arrivée éventuelle des paramilitaires russes de Wagner, qui s'installeront sans doute au centre du Mali, avant de lorgner certainement vers le Nord du pays qui, parait-il, regorge de richesses minières. Ainsi la France évitera d'être prise en étau, entre les djihadistes et les paramilitaires de Wagner.
Il y a aussi la mutation structurelle de l'Armée algérienne. Pour la première fois de son histoire, Alger est disposé à déployer ses militaires hors des frontières du pays, si Bamako le lui demandait. N'oublions pas que Moscou et Alger sont des alliés stratégiques, tous adversaires de la France et par extension des Etats-Unis et d'Israël. Enfin le conflit du Sahara occidental prend une dimension inquiétante, le Maroc étant l'allié privilégié d'Israël, ce qui contraint l'Algérie à s'appuyer davantage sur sa bonne coopération militaire avec la Russie. Un conflit ouvert entre les deux plus grands pays du Maghreb n'est plus à exclure. Ce changement géopolitique dans la sous-région oblige la Mauritanie à se redéployer, à revisiter sa doctrine. Si la société de sécurité Wagner investit le Mali en même temps, tout le logiciel sécuritaire de la sous-région est à reconsidérer, y compris le G5 Sahel ce "machin" de la France dont même les USA, pourtant alliés de Paris, veulent endiguer les prestations.
Alors dans ce cas de figure, quel sera le seul et unique rempart à la décomposition de notre pays ? N'est-ce pas notre Armée? Raison pour laquelle je me permets de poser une équation pour l'instant rien qu'à deux inconnues:
1/ Le choix du futur chef d'Etat-Major des Armées:
Nous savons que deux généraux de division sont admis à valoir leur droit à la retraite en cette fin d'année 2021: il s'agit du chef d'Etat-Major général des Armées et du directeur des Douanes. Certes le général de division le plus ancien, qui commande actuellement la Garde Nationale, peut aspirer au poste de Cemga. Mais dans l'Armée Nationale, le choix de la mutation, de l'avancement des officiers généraux relève du domaine exclusif du chef suprême des Armées, sur proposition le plus souvent du ministre de la Défense.
Quel que soit le futur chef d'Etat-major des Armées, nous souhaiterions qu'il portât l'appellation de général de corps d'Armée. C'est une appellation qui sied bien à la situation du pays dont la majorité des troupes combattantes est sur le terrain. Le titre de général de corps d'Armée était donné dès 1800, soit une année après le coup d'Etat du 18 brumaire (9 novembre) 1799 aux généraux en campagne, l'empereur, Napoléon Bonaparte étant lui -même général d'Armée. Le titre de général d'Armée donne un ascendant psychologique au Cemga. C'est une appellation que portent tous les Cemga des pays limitrophes. Et puis il serait souhaitable, vu l'immense tâche du Cemga de le seconder par deux adjoints: un adjoint aux opérations et un adjoint chargé de la logistique (matériel, intendance, hydrocarbures etc...)
Quel que soit le futur chef d'Etat-Major National qui sera nommé, il ne peut nous promettre que "des larmes et du sang "selon l'expression de l'ancien premier ministre anglais lors du deuxième conflit mondial. Ainsi pour parer à toute surprise, le futur chef doit être un homme sage, d'expérience, soucieux de la situation morale donc matérielle et opérationnelle de ses subordonnés, surtout les militaires du rang et les sous-officiers. Un chef doit maîtriser l'évolution de la géopolitique et la géostratégique mondiales, jauger les fluctuations des relations internationales car la plupart des coups que nous subirons seront d'origine exogène. Les coups tordus ont commencé d'abord par la petite victoire des Flam si toutefois ces "forces africaines de Mauritanie" étaient à l'origine de la relève du général Elyzaid ould Mbarek qui a quitté la Centrafrique il y a quelques jours. Après Elyzaid, pour l'instant présumé encore innocent, accusé à tort ou à raison car n'ayant jamais été jugé, que nous préparent ensuite ces Flam? Certains de ses militants n'ont-ils pas dit qu'ils sont prêts à se "rallier même avec le diable pour détruire la Mauritanie"?
2/ L'Armée face à la nouvelle donne géostratégique:
Depuis environ 2012, la Mauritanie n'a fait l'objet d'aucune attaque terroriste, Dieu merci. En effet, l'efficacité de notre cordon sécuritaire, la vigilance de nos forces armées déployées sur tout le territoire national ont permis de juguler l'infiltration de l'ennemi. Certes l'opération Barkhane, qui opérait dans le nord du Mali, a empêché le gros des terroristes de se restructurer, de prendre des initiatives ou de circuler librement. Le groupe du Macina dirigé par Amadou Koufa, et dont les combattants circulent à motos, fait figure encore de parent pauvre du djihad. Mais la situation peut s'envenimer en 2022 de par le redéploiement de la force Barkhane avec le retrait de 2100 soldats sur les 5100 hommes et femmes qui sécurisaient l'ensemble du territoire malien. Si d'ici là les forces algériennes ou les paramilitaires russes de Wagner n'occupaient pas les positions évacuées par les français, les différents groupes terroristes auront le champ libre pour mener des actions jusqu'en Mauritanie. C'est une nouvelle donne à laquelle les futurs Cemga et son cemgaa doivent réfléchir dès à présent. Si le Mali entend avoir sa propre Ecole de Guerre, désertant ainsi les bancs du G5 Sahel c'est que l'Algérie et son allié russe ont déjà accordé leur bénédiction.
La nouvelle donne géostratégique qui a poussé les américains à quitter l'Afghanistan dans la précipitation sans même prévenir leurs alliés de l'OTAN; à poignarder la France suite à l'achat mort-né de sous-marins par l'Australie, a pour objet, à mon humble avis:
a/ Contenir la puissance de la Chine dans le pacifique-Sud, en protégeant en premier Taiwan, ensuite l'Australie et la Nouvelle-Zélande, sans oublier le support de la Grande Bretagne,
b/ Empêcher les Russes et les Chinois de s'installer dans la corne de l'Afrique, pour ne pas contrôler la nouvelle route de la soie,
c/ Pour cela il faut disloquer le Soudan, l'Ethiopie et avoir un droit de regard sur le grand Sahara, jusqu'aux portes de l'Afrique de l'Ouest. La rive droite du fleuve Sénégal intéresse le lobby sioniste, car cette portion de terre mène directement à un pays Arabe et musulman appelé Mauritanie. Entre le Sud-Soudan et le Sud-Mauritanie il n'y a que l'épaisseur d'un lapsus. /....