Depuis plusieurs décennies, l'industrie du tabac fait des efforts frénétiques pour se présenter comme un partenaire au développement. Toutefois, le premier indice d'ingérence de l'industrie du tabac en Afrique, lancé ,ce mercredi 27 octobre 2021, en ligne, apporte les preuves concrètes que les compagnies de tabac influencent les gouvernements pour compromettre les politiques visant à protéger la population de leurs produits mortels.
Bien que ce fait soit connu depuis un certain temps, l'indice offre des preuves tangibles qui aident à élucider ce que la communauté de la lutte antitabac a toujours décrié, à savoir que même si elle se présente comme responsable, l'industrie du tabac fera tout pour maximiser ses profits, même si cela entraîne la mort de plus de 8 millions de personnes dans le monde chaque année.
L'article 5.3 de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) vise à protéger les politiques de lutte antitabac contre l'influence de l'industrie du tabac. Il oblige les Parties à "protéger leurs politiques de santé publique relatives à la lutte antitabac contre les intérêts commerciaux et autres de l'industrie du tabac."
Bien que les gouvernements de certains pays comme l'Ouganda, le Kenya et le Gabon fassent de bons progrès dans leurs efforts pour limiter l'ingérence de l'industrie du tabac, comme le montre l'indice, il est clair qu'ils sont confrontés à des tentatives croissantes d'infiltration de l'industrie du tabac et ont besoin de plus d'engagement et de motivation pour rester sur leur lancée.
À un moment où les gouvernements africains travaillent sans relâche pour contenir la pandémie de COVID- 19, l'indice révèle que l'industrie du tabac a exploité cette situation pour entreprendre des initiatives de responsabilité sociale des entreprises (RSE), en fournissant des ressources aux pays dans le cadre du soutien pour la riposte au COVID-19.
‘’Aujourd'hui, nous félicitons des pays comme l'Ouganda, le Kenya et le Gabon qui se sont distingués dans l'indice, et nous encourageons des pays comme la Zambie, la Tanzanie, le Mozambique et l'Afrique du Sud qui doivent consentir beaucoup plus d'efforts et d'engagement pour limiter les ingérences de l'industrie dans leurs politiques de santé.
Nous ne pouvons pas continuer à observer l'industrie du tabac arracher la vie à nos concitoyens. L’indice propose des solutions simples et pratiques à ces problèmes. Les gouvernements peuvent protéger leurs politiques de santé de l'ingérence de l'industrie du tabac en établissant un code de conduite guidant les interactions entre les fonctionnaires et l'industrie, et en veillant à la stricte application de ces codes s’ils sont déjà disponibles’’, a indiqué Léonce SESSOU, Secrétaire Exécutif de l'Alliance pour le Contrôle du Tabac en Afrique (ACTA) à l’occasion du lancement de l'indice d'ingérence de l'industrie du tabac en Afrique 2021.
Enfin, les gouvernements peuvent veiller à ce qu'en aucune circonstance, l'industrie du tabac ne puisse bénéficier d'un traitement préférentiel ou entreprendre des activités de responsabilité sociale des entreprises qui facilite l'ingérence. Il est temps que les gouvernements renforcent leur volonté politique et s'assurer que les politiques de santé ne soient pas entravées par l'industrie du tabac. Une telle démarche constitue un pas important vers la garantie de la bonne santé et du bien-être de leurs populations.
Le rapport de l’Indice recommande la mise en œuvre complète de l’article 5.3 de la CCLAT de l’OMS et des directives, en particulier dans les pays africains, pour aider à combattre l’ingérence de l’industrie du tabac, notamment les manœuvres de cette dernière pour saboter le processus politique et législatif en exagérant l’importance économique de l’industrie du tabac, en manipulant l’opinion publique pour obtenir une apparence de respectabilité, en fabriquant un soutien par le biais de groupes de façade et en intimidant les gouvernements par des procès ou des menaces de procès.
L’Afrique rassemble ses forces pour une lutte antitabac plus efficace
La lutte antitabac est non seulement un problème de santé publique critique, mais aussi un déterminant clé du développement à travers l’Afrique où la guerre contre ce produit addictif est loin d’être terminée. Une régression a cependant été faite et d’importantes batailles ont été gagnées. Cette reconnaissance de l’impact économique plus large du tabac a été transmise 26 octobre, aux séances d’ouverture de la 1 ère Conférence africaine sur la lutte antitabac et le développement. L’événement virtuel réunit des centaines de chercheurs, de décideurs, de défenseurs, d’experts en santé publique et de médias de tout le continent.
Ouvrant officiellement la conférence, le professeur Emmanuel Nnadozie de l’African Capacity Building Foundation (ACBF), n’a pas hésité à déclarer : « Le tabac menace la main-d’œuvre actuelle et future de l’Afrique.» Le professeur Nnadozie a salué l’impressionnant échange d’apprentissage entre les pays africains, le renforcement significatif des cadres juridiques pour la lutte antitabac et a particulièrement noté le rôle des tribunaux en Ouganda et au Kenya dans la «protection des politiques publiques contre les intérêts particuliers » en rejetant les contestations de l’industrie du tabac à la législation antitabac.
Le professeur William Bazeyo, président de la conférence et directeur de la CTCA, a décrit la conférence continentale comme la réalisation d’un rêve amorcé lors de la création de la CTCA il y a 10 ans.
Les orateurs de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont rappelé aux délégués le niveau élevé de soutien des pays africains à sa Convention-cadre mondiale pour la lutte antitabac.
Le Dr Adriana Blanco Marquizo du Secrétariat de la CCLAT a souligné que 44 des 47 pays de la Région afro de l’OMS avaient signé la convention. « Ils ne se contentent pas de faire des paroles en l’air », a-t-elle déclaré. « Il y a un engagement clair. »
Au total, 36 des 47 pays africains ont adopté des lois pour réglementer le tabac. Il y a encore 11 pays où la population n’est pas protégée par les lois antitabac. Au total, 36 pays africains ont restreint le tabagisme dans les lieux publics – certains dans tous les lieux publics et d’autres de manière moins complète. Il existe 24 pays africains avec des lois exigeant de grands avertissements graphiques sur les risques pour la santé de fumer sur l’emballage des produits.
Synthèse THIAM Mamadou