On rapporte ces derniers temps que le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, en application d’un plan nouveau de réorganisation de la ville de Nouakchott, serait entrain de démolir des constructions établies sur des espaces squattés. On le dit résolu à mener les choses jusqu’au bout…En a-t-il les moyens, c’est-à- dire le laissera-t-on faire ? On se souvient que le ministre de la santé- Nedhirou – plein d’énergie et de bonne volonté, s’était essayé à redresser le secteur de la santé…Les lobbies, à l’œuvre, ont eu raison de l’homme au bout du compte.
J’observe que d’autres ministres, isolément, tentent de lutter, à leur manière, pour redresser les choses mais, à mon avis, c’est peine perdue, hélas ! Parce qu’ils s’y prennent par le mauvais bout et ne comprennent pas que c’est tout l’appareil administratif qui est atteint, miné en entier… Ils ne comprennent pas que, il eût fallu, pour que tout se redressât en même temps, un vaste mouvement d’ensemble, impulsé d’en haut, car la pagaille est partout installée …Il en va ainsi du secteur de la santé où les médecins entretiennent une confusion entre leurs cliniques privées et le temps de travail dévolu au service public; confusion également entre métier de pharmacien et celui de commerçant depuis ould Deh; mentalité d’épicier, dirait Gemal.
Dans la Fonction publique foisonnent de faux diplômes–chose reconnue de tous - auxquels pourtant aucun ministre n’ose s’attaquer, pour avoir les mains liées; Ba Coumba en avait fait les frais, on s’en souvient…
Si nous prenons l’Education nationale –à deux vitesses- les écoles publiques sont désertées par les enseignants du public au profit des écoles privées pour de l’argent extra, exactement comme pour le corps médical qui se rue vers les cliniques privées ! Les examens et concours sont objets de gestion népotique et clientéliste flagrante connue de tous. Il n’y a plus personne dans les bureaux… pour toute prestation de service de droit, si l’on a encore de la chance à trouver un interlocuteur, il faut ramper à défaut de casquer. 3000 dossiers du foncier dorment dans les tiroirs des juges, à cause de toutes sortes de trafic au service des domaines et des préfectures.
Je n’ai pas évoqué l’Armée dans son ensemble, ni les sociétés comme la Somelec, la Snde, nos centres d’état-civil…
Un des signes cliniques des plus visibles et des plus caractéristiques de ce désordre général, partout installé, s’observe dans la circulation. Pas de ronds points, pas de respect de la droite, pas de visite technique et brûler des feux rouges est devenu presque la norme... En pleine circulation vous voyez une montagne avancer vers vous, c’est une Khaima ou une baraque ; vous observez des chargements de fers à béton déborder sur les flancs des voitures, mettant tout le monde en danger, ou des mendiants en plein milieu de chaussée, sans que rien de tout ça ne gêne plus personne…
Si je devais parler au ministre de l’Habitat, je lui dirais allez -y molo…Non seulement vous perdez votre temps , mais en plus vous risquez des ennuis…Parce que dans notre pays, on n’aime pas les hommes qui cherchent à bien faire , qui soient consciencieux …
Nos lois sont faites pour quelques jours, au plus pour quelques semaines… Chez nous il n’y a pas de suivi, il n’y a pas de contrôle, il n’y a pas de sanctions ! La loi c’est pour les autres, trait de mentalité bedouine…
Comprendre, encore une fois, que pour que les choses se redressent, il faut un vaste mouvement d’ensemble, impulsé d’en haut, soutenu par une volonté politique affirmée de changement; je n’ai pas, hélas, le sentiment que c’est le cas…Sans cette condition c’est une partie perdue d’avance, dirait feu Yehdih !
Samba Thiam
Président des FPC