J'ai connu le sous-lieutenant Elyzaid Ould MBarek en 1988 à Paris lors d'un bref séjour à la "caserne Mortiers», un lieu de passage pour stagiaires étrangers; lui entamant un stage de cavalerie à Saumur et moi en artillerie sol-sol classique à Draguignan, dans le Var. Ce colosse, sortant de Saint-Cyr est un officier compétent aux connaissances militaires solides; un Hartani qui n'a jamais agité la banderole de la discrimination positive, ni jouer à "l'oncle Tom" pour attirer l'attention sur lui afin de bénéficier de quelque privilège que ce soit. Au contraire, il est parmi ces personnes, comme moi, qui pensent que le biologique peut s'adapter au culturel, autrement dit que la notion d'appartenance épidermique n'est qu'une théorie circonstancielle, transcrite et transmise par un déterminisme qui nous transcende. Toujours est-il qu’Elyzaid a été promu au grade de général de brigade l'an passé seulement. Désormais il fait partie de par son cursus, son rendement, de l'intelligentsia militaire qui œuvre pour la promotion et surtout à l'arrimage de notre Armée au diapason du savoir-faire à tous les niveaux, tant national qu'international. Actuellement il occupe le poste prestigieux de Joint Task Cder Force à Bangui, concrètement, il est commandant des Forces onusiennes en République Centrafricaine. La Mauritanie a obtenu ce poste suite à un concours auquel ont pris part d'autres Nations, car notre postulant est plus qu'outillé. Je vous demande de retenir votre souffle : il est le seul diplômé militaire de Paris1 Sorbonne (Panthéon) avec une licence en Histoire obtenue en 1987; il a un master 2 en Géopolitique décroché à l'Université Mohamed 5, au Maroc, et enfin il est breveté de l'Ecole de Guerre de Kenitra, toujours au Maroc....Voici pour le casting...
Pour autant que sa prise de fonction à Bangui a soulevé un tollé surtout sur les réseaux sociaux. Certains anciens militaires négro-mauritaniens l'accusent de les avoir torturés à la 2éme Région Militaire lors des douloureux événements de 1990-1991. Elyzaid n'est pas le seul dans ce cas de figure. Ainsi nous avons tous entendu le message audio de l'ex-sergent Ibrahima Ngaïdé qui vit actuellement en banlieue parisienne et que je connais personnellement. Ce garçon modéré, de moralité convoitée, marié à Bébé Sakho, issue d'une illustre et probe famille bambara de Mbout, est encore capable de pardonner, sans pour autant oublier. Ainsi il s'est refait une nouvelle vie, d'ailleurs comme beaucoup de mauritaniens de la diaspora, en décrochant un Master en management Sécurité tout en poursuivant des cours de Sciences Po à Grenoble.
L'accusation portée contre le général de brigade Elyzaid ne constitue pas un cas isolé, encore moins un précédent. Déjà, il y a quelques années, le colonel Sid’Ahmed Ould Boilil a été contraint de quitter le territoire français en catimini pour ainsi "échapper à la justice" de Paris. Il en fût de même pour le capitaine intendant Ely Oud Dah, actuellement colonel de son Armée. Ce petit jeu pernicieux qui n'honore aucune partie des composantes identitaires mauritaniennes, va-t-il pourrir notre besoin de vivre ensemble jusqu'à quand? Comme en médecine, nous tenterons de dégager les symptômes, engager le diagnostic et prescrire les sédatifs pour qu'enfin la plaie puisse cicatriser. Nous aurions souhaité que les mauritaniens puissent tourner la page d'un différend qui plombe, croyez-moi, l'avènement de lendemains meilleurs pour tous.
Un "baptême de feu" insolite pour de jeunes officiers
A peine sorti de Saumur en Août 1988 comme sous-lieutenant cavalier, voilà que surgissent les incidents de Sonko et Diawara, eux-mêmes hérités du climat délétère issu de la tentative du coup d'Etat d'octobre 1987 et qui vont semer la discorde entre le Sénégal et la Mauritanie en 1989. Beaucoup de jeunes officiers tels Elyzaid, Ely Ould Dah, pour ne citer que ces deux, ont été 'traumatisés" par la lourdeur de l'atmosphère des événements. Pour un sous-lieutenant ou un jeune lieutenant recevant des ordres explicites de sa hiérarchie, à vouloir extirper des aveux, à interroger ses frères d'armes, ce qui est le rôle d'un gendarme, s'avère déjà un exercice délicat.
Ce qu'on est convenu d'appeler "passif humanitaire", provoqué d'abord par l'agissement d’extrémistes négro-mauritaniens, en poussant à la faute leurs compatriotes extrémistes Arabo-mauritaniens, restera une tâche que seule la bonne volonté des uns et des autres pourra cicatriser. Malgré les indemnisations sous Maawiya, ou feu Ely Mohamed Vall et surtout sous Mohamed Abdel Aziz, malgré les palabres et les prières pour la réconciliation, les invectives, le lynchage médiatique, la haine persistent encore. C'est probablement qu'on n'a pas encore décelé l'épicentre du "séisme’’. Faut-il vraiment être un vulcanologue de renom pour le détecter? En tout cas ce différend intercommunautaire fait la part belle à tous les extrêmes, plombe l'émergence d'un destin commun, brise l'allant patriotique des habitants de la vallée, les empêche de changer de "logiciel", les maintient au statut de "tutorat" des Flam. Mais il entame également le moral des Arabo-mauritaniens surtout en Europe, et en Amérique, fait d'eux de victimes innocentes à leur tour, même si elles proches des accusés.
Et pourtant il n’y a que deux responsables à ce passif : Maawiya, alors chef suprême des Armées et les Flam. Si Maawiya est sous la protection des services de renseignements israéliens donc intouchable tant qu'il sera en vie, les "Flamistes", quant à eux, prennent en otages les gens de la vallée, qui par naïveté épidermique ou par "patriotisme" ethno-centrique préfèrent la fidélité perverse à l'allant salvateur qui a toujours caractérisé les foutanké. Alors, après le général Elyzaid, à qui le tour? Car à défaut d'un sursaut qui prône l'arrêt de la haine, le militantisme victimaire aura encore de beaux jours à humecter.
Ely Ould Krombelé
France