On n’entend pas parler de la place que pourrait tenir la Société civile mauritanienne au dialogue/concertations que les acteurs politiques mauritaniens s’apprêteraient à organiser sous peu. Ni de celles de personnalités indépendantes, toutes cependant susceptibles de servir au moins de « régulateurs » lors de ces assises. Seuls les camps politiques se font face. Au Sénégal, on a vu le rôle joué par Amadou Moctar Bow qui présida les Assises nationales de son pays et celui des hommes d’église en RDC, au Congo, au Bénin ou au Togo… Grâce à leur charisme et leur indépendance d’esprit, des figures emblématiques ont contribué à établir des consensus entre les acteurs politiques. En Mauritanie, les personnalités indépendantes ont émergé sous Ould Abdel Aziz et constitué un pôle au sein d’abord du Front National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) puis du Cadre de l’Opposition Démocratique (COD). Certaines de ces figures ont joué un rôle significatif par leur contribution intellectuelle et leur charisme, ce qui a poussé le pouvoir à les ranger dans le camp de l’opposition. Ould Abdel Aziz avait ainsi fini par élargir le nombre de ses opposants même s’il parvenait par ailleurs à attirer certains de ses plus farouches opposants dans son giron, ce que son successeur a réussi beaucoup mieux encore, à la veille et pendant la campagne présidentielle de 2019. Ould Abdel Aziz se contentait d’user de la carotte et du bâton, arrosant les uns et privant les autres de marchés dont ils bénéficiaient naguère de l’État et même de partenaires privés étrangers.
En dépit ce « débauchage », quelques figures de la Société civile continuent, vaille que vaille, à maintenir la tête hors de l’eau. Elles ne manqueront certainement pas de tenter de peser sur les débats… si leur contribution à un débat franc, dépassionné et surtout inclusif est sollicitée. Ils pourraient ainsi et comme le souhaitent les patriotes mauritaniens contribuer à la refondation du Pacte républicain.
‘’ONG-cartables’’
Mais, si une partie de cette Société tente toujours de tenir, en cette période difficile, son rôle de régulateur, c’est bien plus à la politique du ventre que se livre la plus grande partie. Les régimes successifs surent s’offrir des faire-valoir en octroyant à diverses ONG des récépissés et des marchés de complaisance à tour de bras, alors qu’elles ne faisaient, en réalité, pas grand-chose. Feu Habib Mahfoudh, le premier directeur du Calame, les avait qualifiées d’« ONG-cartables ». Et il n’est pas surprenant de les retrouver à toutes les rencontres dont les dialogues politiques. Badges au cou, boubous flambants neufs et sacs à mains, ils ne s’illustrent qu’activés à applaudir ou brouiller les pistes.
Pourtant la Société civile est plus qu’utile à un État de Droit ; elle en constitue même un facteur d’équilibre, renforçant la promotion de la démocratie et l’enracinement de la culture citoyenne. C’est loin d’être le cas en Mauritanie. Un rôle qu’elle peine à accomplir dans la mesure où nombre de ses acteurs n’ont de visées que politiques ou pécuniaires. Ils ne se sont engagés au « civil » que pour leur carrière politique ou gagner des marchés sans gros efforts.
Voilà pourquoi les organisations de la Société civile n’ont presque jamais pesé sur les décisions du gouvernement, sinon très peu. Elles n’ont pas brillé comme le « Balai citoyen » au Sénégal ou au Burkina, Filimbi en RFC... Malgré la dégradation des conditions de vie des citoyens, les spéculations récurrentes des produits dans les marchés, la corruption et le clientélisme, très rares sont les OSC qui osent manifester dans la rue. Elles craignent pour leur gagne-pain, tant les rares subventions sont distribuées à la tête du client, à la loyauté au pouvoir ou au regard des liens tribaux, voire familiaux.
Dans ces conditions, comment les OSC peuvent-elles ne serait-ce que penser, avant de s’imposer en partenaires des moments politiques ou sociaux importants ? Les voilà complètement zappées des tractations, alors que leur rôle est crucial pour aider les camps adverses à trouver des consensus et donc à avancer. Va-t-on faire appel à certaines de leurs figures ? Attendre et voir...
Dalay Lam