N’étant, ni ministrable, ni même électeur, ni élu, ni éligible, étant détenteur d’une nationalité étrangère, je suis en tout point dans une neutralité qui me confère une prise de distance par rapport à toute position partisane et par rapport à tout intérêt moral ou matériel en rapport avec la personne dont cet article est l’objet. Ce n’est qu’un témoignage pour l’histoire et pour la bonne conscience.
Je connais Kais Saïed, depuis les bancs de l’université à la Faculté et des sciences juridiques et politiques de Tunis, à l’époque « faculté de droit et des sciences économiques ». Nous avons été dans les mêmes filières, en droit public ; plus tard en fin du Diplôme d’Etudes approfondies, je m’inscrivis au Doctorat d’Etat et il réussit, quant à lui, les concours de l’enseignement supérieur.
Kais Saïed brillait dans sa discipline, et nul ne pouvait contester la maîtrise de ce droit constitutionnel dont il était devenu une référence.
Ses écrits et son expertise en témoignent. Il aimait les livres, le savoir et la recherche qui lui permirent, d’ailleurs, de devenir un enseignant hors-pair fort apprécié de ses étudiants. Et pour cause, Kais forçait pour ses étudiants et pour tout interlocuteur, le respect ; non pas celui dû à un quelconque statut d’enseignant, mais celui qu’imposaient, de facto, la maîtrise de son savoir, son attitude d’écoute et l’attention qu’il accordait à tous.
Kais n’était point un être ambitieux, en tout cas pas au sens de cette ambition qui privilégiait l’intérêt personnel au détriment de la communauté. Ainsi, il accordait la primauté au savoir sur les biens matériels attendus de l’ascension dans la carrière ;contrairement à bien des enseignants qui avaient fait de l’accession aux grades de l’enseignement supérieur un objectif professionnel.
Son objectif, à lui, c’était la science. Et qui connait Kais, lui attacherait toujours, étudiant, cette image du livre sous le bras et, professeur, de l’inusable porte-document qu’il emporte avec lui, qu’il vente ou qu’il pleuve.
Devenu personnalité publique, puis politique par la suite, je le rencontrais parfois autour d’un café et nous discutions des problèmes de ce monde. Et depuis tant d’années, cet ami, affable n’a pas changé d’un iota. Kais Saïed de la faculté des années 90, était le même que celui que je rencontrais, imbu de savoir, d’attention et de respect.
Cet homme est un exemple de droiture et d’intégrité morale. Il déteste le mensonge et la trahison et que par-dessus tout, il aime tellement son pays que souvent, quand, il en parlait, durant ses moments difficiles qu’il traversait, un spleen dans sa voix le trahissait.
Oui, je connais Kais Saïed. Et de cet homme fier, je ne regretterai qu’une chose, que devenant Président de la République, je n’aurai plus le plaisir (fonction oblige), d’entendre autour d’un café, sa belle diction qu’accompagne le droit profil d’un homme, droit, de droit.
Ely Mustapha
Professeur d’Université
Consultant international