Évoquer l'histoire de nos maisons d'arrêt ne fera pas couler beaucoup d'encre. Les autorités coloniales construisirent, dans les années vingt, les trois premières maisons d'arrêt à Rosso, Kaédi et Méderdra. Celle de Méderdra, « Kassou », abrita nombre de pensionnaires, dont de dignes notoriétés, comme l'érudit poète M'hammed ould Ahmed Youra ou Cheikh Hamahoullah ; et d'autres plus tristement célèbres, comme les fameux voleurs Deigdag, Ould El Karbiya ou Ould Amoullat. C’est la révolte du « Mahsar », en Juin 1967, qui mit fin à ce pénitencier. Révoltés par la détention arbitraire d'un des leurs, Baba ould Boubacar, les Oulad Ahmed ben Damane déferlèrent vers la prison. Mohamed ould Amar ould Ely en neutralisa la sentinelle et força la grande porte pour entrer avec ses compagnons. Réussissant à faire fuir les autres gardes, ils libérèrent tous les prisonniers. Et la foule d’occuper en suivant la préfecture dont le chef et ses hommes avaient fui vers Rosso. Le gouverneur, feu Samory ould Biya, fit alors appel à l’émir du Trarza –H'bib ould Ahmed Salem, lui aussi décédé depuis – pour calmer les révoltés. Puis les locaux de la prison constituèrent, quelques années durant, des cachettes pour les enfants en école buissonnière, avant d’abriter la brigade de gendarmerie de la ville.
Les prisons d'Atar, Kiffa, Sélibaby et Aleg furent ouvertes dans les années trente et quarante. Celle d'Aleg abrita le fameux Ould M'seïka qui y fit un fort court séjour. Sa célèbre réponse au commandant français est restée dans les mémoires. À celui-ci l’informant que passer l'hivernage à Aleg était un vrai calvaire, en raison des moustiques, celui-là répondit qu'un tel avertissement ne pouvait s’adresser qu’à celui qui y passerait l'hivernage. Et, quelques jours plus tard en effet, Ould M'seika accomplit une spectaculaire évasion digne d'un film de Rambo.
Durant les années cinquante, les colons élevèrent les prisons de Nouadhibou, Aïoun et Nouakchott. Celle de Nouakchott était au Ksar, non loin de l'actuel hôpital « Mère et enfant ». Surnommé Baïla, ce sinistre lieu enferma surtout des prisonniers d'opinion. Entre 1958 et 1962, la majorité de ses pensionnaires était constituée de militants d’Ennahda, un parti d'opposition panarabe. Entre 1970 et 1974, ce fut au tourdes Kadihines. Notamment d’Ould Ichidou qui s’en évada et resta en cavale jusqu'à l'accord de 75. En 1991, on y consacra une aile aux femmes et une autre aux mineurs, avant de les assigner dans des prisons spécifiques. En 2003, le régime d'Ould Taya y séquestra des leaders islamistes, à l’instar d’Ould Dedew.
La « prison centrale » de Nouakchott fut établie au début des années soixante. Des prisonniers d'opinion et de droit commun y côtoyèrent des responsables accusés de détournements de biens publics et des djihadistes. Elle connut deux grandes évasions qui permirent à plusieurs récidivistes de prendre le large. Ce fut une des raisons de la construction d’une nouvelle maison d'arrêt à Dar Naïm. Conçue pour six cent cinquante pensionnaires, celle-ci en reçut, à plusieurs reprises, plus de huit cents. Parmi ses évasions ou tentatives d’évasion, celle de 2017 offrit à une dizaine de condamnés à de lourdes peines un variablement court séjour dans la nature.
Trois grandes prisons ont été ouvertes au 21ème siècle : Aleg, Bir Mogreïn et, il y a à peine un mois, Nbeïka ; avec l’objectif d’y interner les grands condamnés et les plus dangereux bandits. La récente recrudescence de la criminalité à Nouakchott a décidé les autorités de vider la prison de Dar Naïm. Voici quelques jours, trois caravanes de bagnards ont quitté la capitale sous haute garde pour se diriger vers ces trois derniers lieux de détention. Des rumeurs faisaient état d’une éventuelle fermeture de la prison de Bir Mogreïn. Des sources de bonne foi affirme cependant qu'elle sera plutôt destinée à la garde préventive de malfaiteurs décidée par les pouvoirs publics pour parer au développement de la criminalité. En tout cas, wait and see.
Mosy