À l’instar des autres pays du Monde, la Mauritanie a célébré, le 28 Juillet, la Journée mondiale de lutte contre l’hépatite B, sous le thème, « L’hépatite ne peut plus attendre », un évènement décrété par l’OMS pour lutter contre cette maladie silencieuse grave, très présente en Mauritanie où, supérieur à 12%, le taux de prévalence dépasse parfois les 17%. Un chiffre énorme par rapport à l’objectif fixé par l’OMS à l’horizon 2030 : ˂ 1%. « C’est une maladie très grave», indique d’entrée, le professeur Moustapha Mouhamedou Mounah, directeur de l’Institut National d’Hépato-Virologie (INHV) de Nouakchott. Une structure qui a joué un rôle déterminant dans le dispositif de riposte contre le COVID.
Une épidémie très présente en Mauritanie
Dans un discours prononcé à l’occasion de ladite journée, la docteure Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, tire la sonnette d’alarme.« En Afrique, plus de 90 millions de personnes vivent avec l’hépatite, soit 26 % du nombre total de personnes atteintes par celle-ci dans le Monde. Plus de 124 000 Africains meurent chaque année des conséquences d’une hépatite non détectée et non traitée ». Et d’ajouter : « Près de 4,5 millions d’enfants africains âgés de moins de cinq ans souffrent d’une infection chronique au virus de l’hépatite B, soit 70 % de la charge mondiale d’hépatite dans cette tranche d’âge ». Elle invite donc tous les pays à « améliorer au plus tôt l’accès aux services visant à prévenir, diagnostiquer et traiter la maladie. […] L’OMS a fixé comme objectif mondial de réduire la prévalence de l’infection par le virus de l’hépatite B, chez les enfants âgés de moins de cinq ans à moins de 1 %.Il a été atteint, même si la région africaine reste à la traîne avec un taux de 2,5 %. »
Pour la directrice régionale de l’OMS Afrique, « la majorité de ces cas pourraient être évités en éliminant la transmission mère-enfant du virus, pendant ou peu après la naissance et dans la petite enfance ». Au nombre des interventions-clés visant à lutter contre l’hépatite B, la directrice évoque « la vaccination à la naissance et dans la petite enfance, le dépistage des femmes enceintes et la fourniture d’un traitement en temps utile ». De ce fait, « l’OMS encourage les pays à intégrer la prévention de la transmission mère-enfant de l’hépatite B dans l’ensemble des soins prénataux, conjointement avec le programme de prévention de la transmission mère-enfant du VIH et de la syphilis. »
Donner de la lisibilité à la maladie
Fondé en 2014, l’INHV fut inauguré en 2019. Son objectif est de donner de la visibilité à cette maladie qui fait tant de dégâts chez nous. « La Mauritanie est un des rares pays de la sous-région à disposer de ce genre de structure », se réjouit Ould Mouhamedou Mounah. « L’INHV s’appuie sur quatre axes : la prévention (vaccination et sensibilisation, dépistage), les soins, la recherche et la formation. Il s’agit là », selon son directeur,« d’une entreprise de riposte globale ; les autorités sanitaires ont mesuré toutes les menaces que fait peser cette maladie sur le système de santé du pays ». (Voir missions INHV en encadré 1).
C’est au moment où l’Institut amorçait son envol que la pandémie COVID est survenue. « Nos activités ont été plombées par deux vagues successives de celle-ci. Analyses PCR, hospitalisation des malades, ça n’a pas été facile mais, Dieu merci, on vient d’être déchargé de cette dernière, cela nous soulage et nous permet de nous consacrer à notre mission fondamentale. […] Malgré ces contraintes sur notre parcours, l’Institut a quand même réussi à organiser une campagne de dépistage gratuit qui a permis de toucher plus de trois mille personnes. À l’analyse des résultats, 12% sont porteurs du virus de l’hépatite B, les autres ont été vaccinés », signale le patron de l’Institut.
Face à cette situation, l’accent doit être mis sur l’accessibilité au dépistage pour tous ceux qui n’ont pas accès à l’assurance-maladie, au bilan prénatal pour toutes les femmes, à la vaccination et au suivi de toutes les porteuses du virus. Il faut aussi faire bénéficier les enfants de la sérovaccination à la naissance : « une personne vaccinée », renseigne Ould Mouhamedou, « c’est une famille sauvée et un environnement protégé ». Et de souhaiter, de ce constat, l’introduction de cette vaccination à la CNAM, d’autant plus que son coût est élevé (2700 UM).Mais les enfants ne sont pas inscrits pas sur le carnet de leur famille dès leur naissance, alors qu’ils ont besoin de cette sérovaccination au plus tôt. « Une étude nationale est en perspective pour voir comment pourrait-on trouver une solution à ce problème », indique le professeur Moustapha Mohamedou Mounah.
Éliminer l’hépatite B
C’est l’objectif fixé par l’OMS et l’état actuel de cette maladie en Mauritanie reste un problème de santé publique. Comme les autres formes de l’hépatite, la B est causée par un virus avec différents modes de transmission.« Elle peut conduire au cancer du foie », prévient le directeur de l’INHV, « une maladie très grave donc et dont la prise en charge peut s’avérer onéreuse. L’hépatite B s’aggrave singulièrement quand elle se combine à l’hépatite D, une forme très rare mais bien présente chez nous (30 à 40%) ».
Le traitement de l’hépatite B est disponible et gratuit à l’INHV ainsi que le traitement de la coïnfection B-Delta. Le traitement de l’hépatite virale C (thérapie nouvelle) reste, quant à elle, peu fréquente. Signalons ici que le traitement de l’hépatite B coûte 60 000MRO par patient et par mois ; plus d’un millier de personnes en profitent à l’INHV. Combiné à la D, son coût atteint neuf millions d’ouguiyas par personne pour une durée de 96 semaines. « Plus de quarante patients en bénéficient auprès de l’Institut », précise le directeur de l’INHV, avant d’insister : l’élimination de l’hépatite B passe assurément par le dépistage précoce, une prise en charge des malades et la sérovaccination à la naissance. « Nous profitons de l’occasion que vous nous offrez », dit-il, « pour lancer un appel pressant à la population, surtout aux patients souffrant d’hépatite ou de cancer du foie, à se faire vacciner le plus rapidement possible ; les dispositions ont été prises en ce sens par les autorités ».
Des ressources humaines et matérielles à renforcer
Comme le disait tantôt le directeur, les deux années de la pandémie COVID ont fortement impacté sur le fonctionnement de l’INHV, obligé de prendre en charge les personnes atteintes par ce nouveau virus. Outre l’appui du ministère de la Santé, sa tutelle, « l’INHV a pu bénéficier d’un certain nombre de soutiens, comme celui de l’ambassade d’Allemagne », indique le professeur Mounah qui souhaite au demeurant l’obtention rapide « d’un appareil de séquençage des virus pour approfondir la recherche sur l’hépatite B dans le pays, d’une unité de prise en charge des personnes malades et de suivi des patients ».En attendant, l’INHV dispose d’une unité d’imagerie médicale pour les diagnostics, d’une unité de santé publique, de deux blocs opératoires avec un matériel pointu, de deux salles d’hospitalisation d’une capacité de 30 lits au total, d’un laboratoire avec des outils très performants (biochimie, biologie moléculaire, Typage HLA), d’une pharmacie...
Tout ce dispositif est piloté par un « personnel de qualité mais insuffisant en nombre », affirme le directeur. « Nous osons espérer que les choses vont rapidement évoluer pour permettre à notre établissement de s’acquitter de sa mission ». En ce qui a concerné le COVID, le directeur de l’INHV est resté très exigeant sur les conditions de prélèvements et de leur acheminement, « pour éviter de faux négatifs », explique-t-il. L’institut dispose en effet d’une salle de prélèvements accolée à celle d’extractions, ce qui permet de limiter les risques.
Partenariats prometteurs
Afin de bénéficier des expertises d’autres établissements de soins ou de recherches, l’Institut a rapidement entrepris de nouer, pour ses premiers pas, des partenariats prometteurs avec : le Colombia Institute Whashington (USA), pour la mise en place d’un Plan national d’élimination de l’hépatite B en Mauritanie ; l’« Assistance publique des hôpitaux de Paris » qui organise des missions de soins à l’INHV, financée par la coopération de Monaco ; et, enfin, la Fondation espagnole pour le traitement des cancers par immunothérapie. Un médecin de l’INHV a déjà bénéficié de la formation au sein de cette fondation. « Ces partenariats vont aider à la formation et au renforcement de nos ressources humaines », se réjouit le professeur Mounah, avant de lancer un dernier appel, face à l’ampleur des défis et aux risques que fait peser l’hépatite B sur la population, aux partenaires et bonnes volontés nationaux pour la fourniture de tests dont le prix varie entre 400 et 600 MRO. Et de rappeler et saluer, au passage, le geste du patron de la BCI, Isselmou Tajedine, qui a offert à l’INHV, en pleine épidémie COVID, un appareil de suivi des patients en réanimation. « Nos osons espérer que ce geste suscite l’émulation des bonnes volontés du pays ».
Encadré 1
Missions de l'INHV
Assurer les activités de prévention et de dépistage de l’hépatite notamment pour les populations-cibles ; servir de référence nationale et internationale de traitement ; assurer une veille sanitaire efficace ; coordonner les différentes activités nationales de lutte contre l’hépatite ; assurer une collaboration avec les structures internationales de référence dans le domaine de prévention, de la prise en charge, laboratoire et recherche inclus.
Encadré 2
Différents types d'hépatite
Hépatite A et E ou VHA et VHE. Ce sont des virus présents dans les matières fécales des personnes atteintes ; hépatite B ou VHB ; hépatite C ou VHC ; hépatite D ou Delta.
Encadré 3
Modes de contamination
Le virus de l'hépatite B se transmet par voie sanguine, via notamment l'injection de drogues, mais également par contact sexuel, ainsi qu’à la naissance, si la mère est infectée. La plupart des adultes sont atteints d'hépatite B pendant une courte période puis guérissent relativement vite. Cette phase correspond à ce que l'on appelle « l'hépatite B aiguë ». L'hépatite B provoque souvent peu de symptômes. Les patients ne savent donc pas toujours qu'ils ont été en contact avec le virus mais 5 à 10% des patients contaminés à l'âge adulte ne l’éliminent pas. L'hépatite B devient alors chronique et peut, à terme, provoquer une cirrhose ou un cancer du foie.
DL