La Banque Mondiale estime,dans un récent rapport, que malgré les progrès réalisés au cours de la dernière décennie, l'environnement juridique en Mauritanie reste discriminatoire à l'égard des femmes. En 2020, le pays se classait au 177e rang mondial dans l'Indice sur les femmes, l’entreprise et le droit. « Cette discrimination juridique se retrouve dans des domaines aussi divers que l’inaccessibilité à certains emplois, l’incapacité juridique à être chef de famille, le manque de protection contre l’inégalité d'accès à un prêt bancaire ou à un emploi, sans compter les inégalités de salaires et de droits de propriété ».
Le rapport s’alarme de la pratique du mariage précoce qui a de nombreuses conséquences négatives. « Un tiers des filles mauritaniennes sont mariées avant d’avoir 18 ans et un quart d’entre elles ont un enfant avant leur majorité. Le mariage des enfants, les grossesses précoces et leurs conséquences sur l'éducation des filles demeurent les causes principales des inégalités hommes-femmes en Mauritanie. Alors que d’autres pays du Sahel commencent à prendre des mesures juridiques pour mettre un terme à cette pratique, la Mauritanie n’a pas progressé dans la réduction des mariages d'enfants. Au contraire ». Le rapport constate une augmentation du nombre de filles mariées trop jeunes, par rapport à la génération précédente.
« La Mauritanie est un des pays d’Afrique de l’Ouest qui a le moins de femmes présentent dans la vie publique », indique le rapport. « Même si les femmes mauritaniennes ont des droits électoraux équivalent à ceux des hommes, et ont vu leur représentation au parlement augmenter de 3 % à 20 % entre 2000 et 2018, leur voix et leur représentation restent limitées en raison de pratiques discriminatoires. Les normes sociales sont souvent à l'origine des désavantages auxquels les filles et les femmes sont confrontées et tendent à les cantonner dans leur rôle d’épouse, de mère et de femme au foyer ».
Le rapport propose une série de réformes pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes. Il recommande avant tout de supprimer les obstacles juridiques pour améliorer les opportunités socioéconomiques des femmes. Notamment par l’introduction dans la loi du principe de « à travail égal, salaire égal ». Mais aussi en garantissant aux femmes les mêmes des droits au divorce que les hommes et en les protégeant financièrement en cas de divorce, en reconnaissant la valeur de leurs contributions non monétaires ou de leur travail non rémunéré.
Le rapport suggère ensuite de lutter contre le mariage des enfants et les grossesses précoces, en mettant en place des mesures pour que les filles poursuivent leur scolarité jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire. Il note d’ailleurs que cet investissement dans l’éducation des filles sera le plus efficace à moyen et long terme pour réduire le coût économique des inégalités de genre.
Enfin, le rapport encourage la Mauritanie à renforcer son cadre institutionnel et les initiatives en faveur de l’autonomisation et la représentation des femmes.
« En prenant les mesures nécessaires pour donner aux femmes les moyens de développer leurs compétences professionnelles et de travailler, le gouvernement réussira à accroître la productivité de tous les citoyens et à stimuler le développement économique à long terme », explique Paula Tavares, spécialiste principal des questions de genre à la Banque mondiale et co-auteur du rapport. Le rapport, qui consacre aussi un chapitre spécial aux inégalités hommes-femmes, constate que la Mauritanie pourrait augmenter sa richesse de 19 % si les femmes avaient davantage d’opportunités de participer pleinement à l’activité économique.