Depuis quelques temps, le ministère de l’éducation et de la réforme affiche une volonté sans faille de combattre la fraude dans les examens et concours nationaux. C’est une décision louable avec les premières sanctions prises lors des derniers concours d’entrée en première année au collège et du BEPC. Poursuivant cette œuvre louable, le département a publié, à la veille de la tenue du baccalauréat, un communiqué mettant en garde les candidats contre toute tentative de triche, faute de quoi, ils s’exposent à des bannissements. Espérons que ces menaces seront mises en exécution pendant cet important examen national. Il y va de la responsabilité des surveillants en première ligne de ce combat.
Mais, il faut reconnaître que ce n’est pas facile, le mal est profondément ancré dans le système, depuis l’école primaire jusqu’à l’université. Et tout le monde est complice, en particulier les enseignants qui laissent faire, voire encouragent même par leur laxisme pendant la surveillance des compositions et des examens. Ils le font parfois pour cacher leurs insuffisances, pour faire comme les autres ou pour éviter que leur établissement ne soit indexé, soit enfin pour éviter de renvoyer les enfants dans la rue et subir l’ire de leur direction ou des parents. Il a été constaté dans certains établissements que des surveillants sortent des épreuves, une fois distribuées pour les faire traiter en dehors de la salle au profit d’un ou des candidats qui, s’ils en ont l’occasion, les passent à des proches. En effet dans nos salles de classes, les apprenants ont fini par s’épauler dans la triche. Il est facile de remarquer que durant de longues minutes voire des heures, des candidats couchés sur leur table, attendent un brouillon de quelque part. Sans la vigilance du surveillant de la salle, ce sont plusieurs feuilles qui circulent entre les tables et les rangées. Les téléphones, avant d’être interdits dans les salles d’examens sont venus « performer la triche ». Nos enfants seraient devenus comme les Sous-Doués qui passent le bac, ce fameux film de Claude Zidi sorti en 1980. Dès lors dénoncer un enfant ou le renvoyer de la classe pour triche fait du surveillant la risée de tout le monde et les parents de l’enfant n’hésitent pas à s’attaquer à lui. Imaginez l’attitude des enseignants qui servent dans leur milieu natal, avec des cousins et voisins...Les parents n’hésitent pas à pousser le bouchon jusqu’à tenter d’influer sur les correcteurs des examens voire même les secrétariats. Un parent d’élève nous surpris quand il a avoué avoir sollicité un général pour faire modifier les résultats de son fils admis au bac afin de lui trouver une bourse pour faire médecine à l’étranger. En effet, certains pays exigent une note supérieure, semble-t-il, à douze voire treize au bac pour accepter certains étudiants. Heureusement que sa tentative a avorté, les responsables concernés ont refusé de se plier. C’est dire peut-être que d’autres auraient réussi ce genre de forfaiture.
Pour encourager cette triche, le jour des examens, certains parents prennent d’assaut très tôt le matin, les alentours des centres d’examens pour « soutenir » leurs enfants, en apportant les gâteaux, les boissons, voire des cigarettes. Mais, en réalité, s’ils sont là, c’est surtout pour guetter des failles dans le dispositif de surveillance. Ils n’hésitent pas à interpeler les surveillants et le chef de centre, s’ils accèdent à celui-ci pour demander de la complaisance avec les candidats. A l’intérieur du pays, si ce ne sont pas les autorités qui s’y mêlent, ce sont des parents d’élèves qui égorgent des moutons ou cabris pour les examinateurs. C’est dire que le système est bien huilé dans nos écoles et dans nos familles. Normal donc de voir nos fonctionnaires et autres compatriotes se livrer aux détournements de deniers publics car la mauvaise graine est semée depuis l’école. Aussi, il semble établi chez nous que voler n’est illicite, surtout quand il s’agit de biens publics.
C’est dire que le défi que le ministère de l’éducation s’est engagé à relever est particulièrement délicat, le mal est très profond et il touche presque tout le monde avec comme conséquence une baisse de niveau destructrice de notre système éducatif, mais également une perte de certaines valeurs. Si le ministère de l’éducation veut éradiquer ce fléau, il doit oser dégager tout ce beau monde qui squatte les alentours des centres d’examens, opérer des choix rigoureux et sans complaisance des surveillants mais également sanctionner les « mauvais surveillants » car il y en beaucoup aussi. La fameuse réforme de l’éducation dont on parle doit y réfléchir à deux fois.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».