Passée comme une lettre à la poste devant la conférence des présidents en début de semaine, le projet de loi réprimant l’infraction « d’atteinte aux symboles de l’Etat » a fait l’objet d’un examen au cours d’une réunion de la commission justice, intérieur et défense de l’assemblée nationale, présidée par le député Mohamed ould Rzeizim, ce jeudi.
Les élus membres de la commission ont suivi une présentation du texte par le ministre de la justice, Mohamed Mahmoud ould Cheikh Abdallahi ould Boyé.
Dans sa mouture actuelle, ce projet de loi paraît très vague, avec de forts gros risques d’interprétation élastique, dans le traitement de toute forme de critiques visant le président de la République, qui devient une atteinte aux symboles du pays, au même que les couleurs et l’hymne national.
Ainsi, au-delà du souci légitime de la lutte contre les dérives, diffamations et autres insultes sur la toile, les auteurs du nouveau projet de loi semblent déterminés à étouffer toute forme d’expression démocratique émanant des citoyens mauritaniens. Une démarche en violation flagrante avec les dispositions de la constitution, loi fondamentale de la République.
Une véritable dérive dont la conséquence est un énorme tollé sur la toile.
Un concert de dénonciations qui trouve des échos chez certains hommes politiques et spécialistes du droit, qui plaident pour un amendement du projet de loi.
A titre d’illustration, cette position clairement exprimée par le Pr Lô Gourmo, vice-président de l’Union des Forces de Progrès (UFP/opposition). Cet homme politique, juriste de grande réputation, parle de « l’urgente nécessité de rendre le texte conforme aux principes fondamentaux de la République, qu’il est susceptible de compromettre dangereusement dans certaines de ses dispositions essentielles ».
Avec un coup d’œil sur le rétroviseur, il revient sur le type d’abus potentiels dont le nouveau texte liberticide pourrait être à l’origine.
Le vice-président de l’UFP rappelle notamment l’embastillement il y a quelques années, d’un des grands cadres du pays (Isselmou ould Abdel Kader/ pour trahir un secret de Polichinelle) ancien ministre, ex gouverneur, pour avoir « critiqué » la transformation du Bataillon de Sécurité Présidentielle (BASEP) « en milice, au service politique d’un homme ».
Il se demande ainsi si « la dénonciation du comportement de certaines forces de l’ordre le long de la vallée du fleuve ou ailleurs, constitue une infraction de cette nature ? La condamnation du clanisme, du tribalisme, du régionalisme, de l’ethnocentrisme, constitue-t-elle une atteinte à l’unité et la concorde nationale? »
Après plusieurs années d’une démocratie bancale, la Mauritanie semble désormais rattrapée par les démons des régimes d’exception, incapables de s’accommoder du débat démocratique et de la confrontation d’idées, qui perçoivent les « ennemis » du peuple à travers toutes les voix discordantes et recourent systématiquement aux lois liberticides dont la fonction est de couvrir tous les abus
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».