Le jour de la fête, bon nombre de Nouakchottois, pour ne pas s’encombrer et peiner à dépecer leur mouton se rabattent au marché de bétail de la capitale qui s’étire du Carrefour Nancy au marché situé non loin du château d’eau d’El Mina. Là, ils achètent le mouton ou le cabri, c’est selon le poids de la poche, se le font égorger et dépecer par des bouchers dont certains s’érigent en spécialistes d’un jour.
Le jeudi matin, aux alentours de 6H, cet endroit était déjà noir de monde. Ils venaient de presque tous les quartiers de Nouakchott pour se faire leur paquet avant de retourner à la maison assister à la prière d’El Aid. Le prix du mouton était cher même si, il faut l’avouer, il suffit de négocier selon sa bourse pour s’en tirer. On y trouve du gros, du gras et du petit, avec une présence en grand nombre de très petits cabris exposés aux acheteurs. Il y’en avait donc pour toutes les bourses. Les revendeurs proposaient leurs prix toujours élevés, au premier coup, mais conscients qu’après la fête la crise demeure, ils se ravivent et finissent par céder aux avances des visiteurs ; ils sont toujours gagnants ; le bétail n’a commencé à être débarqué que la veille de la fête.
Si à cette foire d’abattage, il y a des spécialistes pour vous dépecer, en quelques minutes, votre mouton, par contre vous pouvez y rencontrer de véritables amateurs pour ne pas dire de profanes, venus, tôt le matin, avec leurs couteaux, coutelas et accoutrements ; non seulement ils vous prennent votre argent -2000 Um -si vous vous ne leur laissez pas le cou de la bête et autres boyaux, mais vous gâchent surtout votre temps. Soit parce que leur matériel n’est pas adapté soit parce qu’ils ne savent pas comment s’y prendre. On a même vu un gars dépecer avec un petit couteau de cuisine destiné le plus souvent à couper le pain avant d’y mettre un condiment. Vous y perdez votre latin. Et pour masquer leur incompétence, ils se constituent en équipe. L’un va à la recherche d’un client, l’autre ou les autres s’affairent autour du mouton pour se partager ensuite le petit montant ou les morceaux de viande laissés par le client ou parfois soustraits frauduleusement. Tout y passe, en cette journée de la fête, pourvu qu’on ramène quelque chose à la maison.
A côté ce travail, prolifère un petit commerce. On rencontre de petits enfants venus proposer des cordes, des sacs, des adultes, offrir des couteaux, des femmes vendre du thé et des rafraichissants… Des "grilleurs" de viande y campent aussi.
Enfin, il faut relever les nombreux désagréments que rencontrent les visiteurs de ce marché de bétail, le jour de la fête. Une véritable pagaille dans la circulation des axes traversant ou menant à cet endroit. Des embouteillages énormes et inadmissibles s’y forment. Des conducteurs pressés et parfois inconscients bloquent, pour rien toute la circulation, font monter la tension et finissent par échanger des coups de gueule ou de poings. Les forces de l’ordre y étaient invisibles alors qu’il y avait une véritable menace sur la sécurité et même de la santé du citoyen, car il s’agit d’un abattage sauvage et clandestin, avec tous les risques que cela comporte. La société des abattoirs de Nouakchott brillait par son absence.
La prévarication et la gabegie ont-elles encore de beaux jours devant elles ? Jusqu’à quand le détournement des deniers publics restera-t-il le sport favori de nos (ir)responsables ? La lutte contre de telles pratiques que tout gouvernement chante à tue-tête ne serait-elle qu’un vain mot ?