Un ancien président d’un Etat voisin avait demandé à ses responsables des infrastructures routières de ne construire désormais que des routes pour une durée d’un siècle. En plein conseil des ministres, il poussait un coup de gueule devant une dégradation poussée de certains axes routiers de son pays, construits seulement depuis quelques années.
En Mauritanie, l’état de dégradation des routes est connu de tous, des conducteurs mais aussi des piétons, surtout ces dernières années. Face à cette situation, le président Mohamed Cheikh El Ghazwani doit faire sienne cette instruction pour ne pas dire cette injonction, les routes bitumées coûtent très cher, pense Youssouf Ismail Bâ, ingénieur de génie civil. Et pour cause, nos routes se dégradent rapidement, la qualité du bitume laisse à désirer . Quelqu’un a dit que notre bitume est soluble dans l’eau, il n’a pas totalement pas tort. On peut en citer celle entre Aleg et Boutilimit dont le coup d'envoi de la réhabilitation a été donné le 9 décembre 2019. Depuis lors, on attend toujours le démarrage effectif des travaux, avec une cohorte de morts et de blessés. Les mécaniques et les passagers en pâtissent tous les jours. L’ingénieur rappelle le temps vachement long que la réfection du tronçon Nouakchott-Rosso, une de nos premières routes nationales, a pris.
Plus près de nous, nombre des routes de Nouakchott sont très dégradées ; y circuler appelle à une grosse prudence et d’acrobaties. Et pour illustrer son propos, notre ingénieur cite l’axe allant du carrefour de la plage des pêcheurs au port de l'amitié (PANPA) en passant par le Wharf. Pour Youssouf Bâ, l'état de cette route est plus que préoccupant ; elle peut même être considérée comme un danger public. Des nids de poules, des crevasses, des bosses et autres jonchent cet axe hautement stratégique de la capitale fortement affecté par l’érosion marine aussi. En effet, rappelle M. Bâ, l’essentiel des gros camions, porte-chars, remorques y passent en transportant les marchandises vers les magasins et différents marchés de la capitale. Y passent et repassent également les camions et conteneurs de Tasiast, de MCM en provenance de leurs mines respectives. A y regarder de près, cette route ne semble pas avoir été dimensionnée au trafic et aux véhicules qui y passent...L’axe est également stratégique parce qu'il est le point de départ du corridor Nouakchott -Bamako qui se prolonge vers l'Afrique de l'ouest, explique M. Bâ. C’est donc une certaine image de la Mauritanie qu’il donne à tous ceux qui l’empruntent, se désole l’ingénieur qui avance cette explication: « Si nos routes se dégradent si rapidement c'est que les entreprises qui les construisent ne respectent pas les cahiers charges (normes techniques comme résistance , trafic, pesée des véhicules...) et les bureaux de contrôle ne s'acquittent pas de leur mission". Et Bâ d'enchainer: construire ces infrastructures exige du sérieux et du patriotisme parce qu’on met en jeu la vie des citoyens ; les entreprises ne doivent pas ignorer que les marchés qu’elles emportent et exécutent sont les leurs.
Il faut rappeler qu’en février 2020, ce cadre avait attiré l’attention des autorités sur la dégradation inquiétante du talus du pont de l’aéroport d’Oum Tounsy. Une autre fenêtre du pays pour les nombreux visiteurs qui l’empruntent. La dégradation du pont, construit en moins de dix ans constituait un danger pour le président de la République et son cortège qui y passe souvent avec ses hôtes, ses ministres et d’autres mauritaniens en partance ou de retour de voyage. Quelques mois plus tard, son plaidoyer a payé. Effectuant une visite de prise de contact avec ses différents services, le nouveau ministre, en route pour l’aéroport, constate l’état de dégradation du talus. Quelque temps après, les travaux de réfection ont été réalisés sur le pont , ce qui laissait présager une certaine volonté politique d’améliorer les infrastructures. Notre lanceur d’alerte avait éprouvé une satisfaction morale.