Zéro inspecteur négro mauritanien admis : la faute aux candidats !
Résultats du concours recrutant trente inspecteurs de police : tous issus de la même communauté ! L’indignation de l’opinion a atteint son paroxysme. Apres l’Armée de l’Air et la Magistrature, c’est au tour, cette fois, de la Police de ne pas admettre les négro mauritaniens au sein de ses cadres. L’unité nationale et la cohésion sociale tant galvaudées dans les discours et les innombrables projets aux milliards d’ouguiyas de budget en prennent un sacré coup avec cette « flagrante discrimination ethnique ». Et les observateurs de s’inquiéter de que celle-ci n’ait pas faibli depuis l’élection d’Ould Ghazwani. Exacerbée dans les années de braise et la décennie d’Ould Abdel Aziz, l’exclusion des négro mauritaniens a pris, ces dernières années, des proportions alarmantes. Rien ne semble être entrepris pour corriger cette situation désormais érigée en règle. L’espoir de la convivialité s’effrite, le changement ne semble pas pointer à l’horizon.
Pour Mohamed ould Maouloud, président de l’UFP, « peu importe que cette discrimination soit délibérée, planifiée ou non, le fait est là dans toute sa laideur et cela concerne un des corps piliers de l’appareil d’État. Trente admis, pas un seul négro-africain ! C’est une dérive discriminatoire très grave, un nouveau coup porté contre notre unité nationale. Comment s’étonner, alors, qu’il avive les sentiments d’exclusion ou de révolte ? Qui en est responsable ? Le concours, pourront certainement dire de concert les plus cyniques et les plus naïfs. Autrement dit, admettre l’absurdité raciste dans sa forme la plus exécrable selon laquelle les négro-africains seraient moins intelligents que leurs compatriotes. Dans le cas contraire, il faut chercher ailleurs.
D’abord en amont. En avançant, par exemple, que les négroafricains ne se seraient pas présentés au concours ou en trop petit nombre. Au demeurant, un fait à charge, en soi, révélant un obstacle discriminant. Car, tout comme les autres jeunes souffrant du chômage, les jeunes négromauritaniens sont portés à se précipiter par centaines, voire milliers à la moindre offre d’emploi. Il y aurait donc un obstacle discriminant dans la conception des concours décourageant leur candidature ou les éliminant d’avance. Le problème serait-il en aval ? Dans la correction des épreuves ou l’élaboration des résultats ? Des voix s’élèvent fréquemment pour dénoncer, à tort ou à raison, l’interventionnisme et autres manipulations dans les concours organisés par la Fonction publique.
Dans tous les cas, il est inadmissible que les autorités continuent à laisser aller une telle dérive discriminatoire. Le fait est trop grave pour ne pas mériter un examen profond et urgent, sur la base d’une enquête objective apte à en révéler les causes réelles et à mettre en œuvre des rectifications nécessaires », déplore Ould Maouloud dans une tribune intitulée « Non, ce n’est pas la faute aux concours ! Stop à la dérive discriminatoire ! »
Face au tollé, la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) s’est fendue d’un communiqué estimant que « le recrutement des inspecteurs de police a été transparent et seuls ont prévalu les critères de compétence ». Et de rejeter les controverses sur les réseaux sociaux autour de ce concours, précisant que tout ce qui avait été dit sur les critères de peau, région, genre et quota était loin d’être objectif ou transparent. Selon la DGSN, les éléments avancés pour justifier la mise en cause du concours sont contraires au principe de l’égalité dans les occasions offertes à tous les citoyens remplissant les conditions juridiques considérées, basées sur la compétence et les capacités sans distinction.
La direction ajoute qu’elle a reçu 150 dossiers de candidature pour en retenir 133, après étude et vérifications. Et d’affirmer que « le concours s’est déroulé conformément aux conditions d’organisation et de professionnalisme en vigueur, sous la supervision d’une commission composée de grands cadres du secteur. Une fois à l’intérieur de la salle, les candidats ont eu à répondre à un certain nombre de questions en arabe et en français, tirées au hasard par souci d’équité et d’uniformisation des critères, en garantissant à chacun ses chances de réussite. […] La sélection de nos cadres n’est tributaire ni du genre, ni de la couleur, de la région, de la tribu ni encore du quota, mais sur la seule base des compétences et la capacité de la personne à s’acquitter de la noble mission de servir le pays et le sécuriser ».
Une esclave en guise de complément de dot ?
Lors d’un mariage à Ouadane, on aurait entendu la formule selon laquelle « la dot comprend le don d’une esclave, en plus d’un cheptel de cent chamelles et un cheval ». Reprise par un communiqué de SOS-Esclaves, cette nouvelle rocambolesque est vite devenue virale, défrayant la chronique et suscitant moult controverses, nonobstant le silence cinglant des autorités qui devraient pourtant réagir, en tout état de cause, pour lever l’équivoque. « C’est d’autant plus grave que l’opinion s’est trouvée, ces derniers temps, en face de verdicts déconcertants, voire aberrants, rendus par des tribunaux en charge de juger les crimes d’esclavage. Il s’y ajoute la déception causée par la lenteur de l’exécution des programmes et mesures destinés à lutter contre l’exclusion et la marginalisation administratives, économiques et politiques des Haratines, leur paupérisation et l’esclavage foncier allant crescendo ».
Première organisation à révéler cette affaire, SOS Esclaves a ainsi fortement condamné « une apologie claire et nette de l’esclavage » que les dispositions de la loi 031/2015 criminalisent. Et de demander aux autorités mauritaniennes d’engager « une démarche globale pour lutter contre ces pratiques réactionnaires qui mettent en cause tous les efforts nationaux à instaurer une société égalitaire » et d’entreprendre « les investigations nécessaires pour s’assurer que ces déclarations rétrogrades n’aient pas été suivies de faits ». Le cas échéant, SOS Esclaves demande l’application des dispositions de la loi 031/2015 à l’encontre des responsables de ces criminelles pratiques.
Soucieux de la stabilité, de l’unité et de la paix civile, gages de tout développement, le groupe Edebay El Yewm, composé de syndicalistes, politiques et acteurs de la Société civile a réagi tout aussi vigoureusement à cette situation préoccupante : « Si cette information se confirmait, elle constituerait un recul gravissime dans les droits de l’Homme, en général, et dans la lutte contre l’esclavage et de ses séquelles, en particulier, pourtant consacrés par la promulgation d’un puissant arsenal juridique et la mise en place d’une juridiction spécialisée ainsi que des départements ministériels inédits ».
Les défenseurs des droits de l’homme, politiques, syndicalistes et membres de mouvements associatifs sont ainsi unanimes à s’élever contre toute tentative d’atteindre aux droits fondamentaux de l’homme, ainsi que « toute action ou propos visant l’apologie de cette pratique ignominieuse et/ou sa perpétuation ». Ils engagent « l’État à assumer toutes ses responsabilités, en tant que garant du respect des lois et, par-delà, des dispositions de la Constitution faisant de l’esclavage un crime imprescriptible contre l’humanité. […] Les autorités doivent diligenter immédiatement une enquête indépendante et impartiale en vue de mettre la lumière sur cette question. […] Au cas où cette affaire serait confirmée, ses auteurs seront sévèrement punis, conformément aux prescriptions de la loi 31/2015 en vigueur ». Et de réclamer, enfin, « la mise en œuvre de mesures idoines, rapides et concertées, pour mettre fin aux dysfonctionnements structurelles inhérents aux pratiques de l’esclavage et de ses séquelles multidimensionnelles ».
Quant à la famille Egthafna Cheikh Saad Bouh incriminée dans ce scandale sans précédent, elle a qualifié de « mensonge » l’information donnée par SOS-Esclaves concernant l’octroi d’une femme hartani comme dot à Ouadane. Cette rumeur « sans fondement poursuit d’autres visées », selon le communiqué de la célèbre famille maraboutique, rendu public lundi 29 Mars 2021.
Pour sa part, la Commission nationale des Droits de l’homme a diligenté sa propre enquête. Accompagnés par un représentant des Nations Unies, deux membres de la CNDH se sont déplacés à Ouadane et ont interrogé les parties prenantes dans ce mariage. Leur conclusion était nette et sans bavure : A aucun moment, on n’a parlé d’esclave au cours de la cérémonie.