Les représentants du collectif des propriétaires de la cuvette de Koylal, située dans les encablures du village de Feralla, département de M’Bagne ont déclaré qu’ils rejettent la solution préconisée par le gouvernement parce qu’elle est « partisane ».
Ils tenaient, ce samedi 20 mars, une conférence de presse, au siège du FONADH pour informer l’opinion nationale et internationale de l’expropriation de leur terre par l’Etat mauritanien au profit des prétendus rapatriés du Sénégal, indique d’emblée, Cherif Bâ, porte-parole du collectif.
Dans un exposé introductif, M Cherif Bâ, entouré des membres de la délégation venue de M’Bagne et comprenant Thiam Moussa Mamadou et de Moussa Sabirine, a brossé le processus d’expropriation de la cuvette entamée en 1990 dans la foulée des évènements de 1989. « Pour exproprier les populations, l’Etat avait usé de la présence des rapatriés du Sénégal dans la zone alors qu’il s’agit de populations originaires des villages voisins comme Debay Doubel, M’Bagne, Bakhde, de Hijaj, lesquelles ont partagé avec nous, tout depuis la nuit des temps et qui disposent de leurs propres terres ». Si on a installé ces populations et créé une coopérative dénommée Ibn Khaldoum, c’est pour provoquer les propriétaires traditionnels et semer les germes de la tension », a-t-il ajouté. Il rappelle qu’à l’époque, « personne ne pouvait s’y opposer sans risque d’être expulsé, emprisonné, humilié ou exécuté. »
Poursuivant son propos, il martèle : « la preuve est là, le gouvernement reprend l’aménagement en pleine période de culture grâce au projet PARIIS, financé par la Banque mondiale, sans en parler aux propriétaires riverains. » Comme cela ne suffisait pas, embraye M Bâ, « le représentant du ministère de l’intérieur, Birane Wane vient proposer aux propriétaires traditionnels de partager leurs terres avec la coopérative Ibn Khaldoum qui dispose d’un titre foncier sur la cuvette », avant d’ajouter que « notre position ne favorise pas le consensus, il faut céder une partie de ces terres aux autres, ce que nous avons rejeté catégoriquement », rapporte M. Bâ
Cherif se félicite de la position de la Banque Mondiale, bailleur de fonds du projet PARIIS dont la mission s’est rendue récemment sur les terres en question pour écouter les différentes parties et dont le communiqué va dans le sens de l’apaisement.
Abondant dans le même sens, Thiam Moussa Mamadou et Moussa El Hadj Sabirine ont déploré l’attitude des bénéficiaires du projet en question avec lesquels « nous avons vécu depuis belle lurette et qui n’ignorent pas que les terres nous appartiennent et qui, soutenus par les autorités, sont venus en force de M’Bagne, de Doubel, de Hijaj, de Bakhde comme pour nous provoquer ; nous n’avons jamais eu de problèmes de cohabitation avec les populations Haratines avant les évènements de 1989 et depuis, force est de constater que le pouvoir les instrumentalise pour nous exproprier, ce que nous n’allons jamais accepter, parce que ces terres ont été acquises au prix du sang ; nous disons et répétons que nous nous attendons à tout, cette forfaiture ne passera pas, nous mettons le gouvernement en garde contre les énormes risques de l’escalade qu’il est en train de créer, nous sommes mauritaniens, nous aussi ». Intervenant, un représentant de la communauté de Dar El Barka, venu témoigner sa solidarité aux propriétaires de Koylal a fait avoir que ce qui s’est passé hier à Dar El Barka peut survenir, à tout moment et partout dans la vallée ; il leur a demandé de ne pas céder à provocation du pouvoir qui cherche à créer la zizanie entre les populations de la zone et les Haratine. N’acceptez pas de nous faire diviser, vous qui avez vécu depuis la nuit du temps », a-t-il martelé.
« Alors que beaucoup de partis politiques et de mouvements de la société civile sont venus nous soutenir sur le terrain, nos acteurs politiques et nos élus ont choisi de faire profil bas, ce que nous ne pouvons pas comprendre parce que nous avons toujours répondu à leur appel pendant les élections et avons les mêmes terres et les mêmes problèmes », indique Moussa Sabirine qui appelle les bénéficiaires à ne pas sacrifier les bons rapports presque familiaux, de voisinage et d’entr’aide entre les populations locales.
Créée en 1990, la Coopérative Ibn Khaldoum recense 160 membres, tous rapatriés et issus des villages voisins de la cuvette, affirment les représentants des propriétaires.
A la question de savoir ce que les représentants sont venus chercher à Nouakchott, s’ils souhaitaient rencontrer les ministres impliqués voire le chef de l’Etat, Cherif Bâ répond : « nous n’avons pas besoin de les rencontrer parce que nous connaissons déjà leur position, leur solution est partisane ; nous sommes venus informer l’opinion nationale et internationale. » Dans ce cadre, précise-t-il, nous avons rencontré les partis politiques de la majorité et de l’opposition, certaines chancelleries basées à Nouakchott.
Rappelons que c’est en pleine saison de culture que les responsables du projet PARIIS ont choisi de reprendre les travaux d’aménagement de la cuvette, après près de dix ans d’interruption. Et pour manifester leur opposition, les populations des villages voisins des contrées de Yirlabe et de Hebibaye, propriétaires de ces terres ont choisi de tenir un sit-in sur les lieux lequel a été dispersée la manifestation par les forces de l’ordre. Et depuis lors, elles se battent pour mettre fin à ce qu’elles qualifient d’ « expropriation déguisée», craignant que le site ne tombe sous peu, entre les mains d’agrobusiness.
Il est à regretter que le gouvernement se prend toujours mal avec l’exploitation des terres de la vallée, il y a toujours eu un déficit sinon une absence totale de communication avec les populations locales qui crient à l’« expropriation et à la provocation ». Faire un développement sans les intéressés est toujours contreproductif. « Si vous voulez aider quelqu’un, demandez-lui d’abord ce qu’il veut», disait un grand penseur.
Signalons que la cérémonie s’est déroulée en présence des élus dont Nafissa Bâ, députée de Tawassoul, du maire de Niabina/Garlol, Aliou Sarr, du coordinateur de SPD, Bala Touré et des acteurs de la société civile dont Sarr Mamadou, secrétaire exécutif du FONADH.