Le Calame : Les partis politiques représentés au Parlement ont concocté une feuille de route en vue d’un dialogue politique. Que vous inspire-t-elle ? Les thèmes retenus vous paraissent-ils pertinents ?
- Mohamed Mahmoud Bakar : D'abord, personne n'a parlé de « dialogue », mais plutôt de « concertation », un terme qui ne contient pas la charge du mot « dialogue » dont les résultats engagent les parties et portent une large et solide légitimité politique. Je n'ai pas compris la peur du mot « dialogue » et son rattachement dans notre esprit à la crise, autant qu'il est lié à l'affirmation de la confiance, de l’entente et de l’élaboration des lignes du consensus national. La feuille de route relève de la compétence des auteurs de l'initiative, mais l'important, c’est de susciter l’opportunité pour tout le monde de participer, du moment que la question est nationale et aura son impact sur tous.
- Le pays a connu par le passé divers « dialogues politiques » organisés entre le pouvoir et l’opposition mais l’essentiel de leurs recommandations fut à chaque fois ignoré par le gouvernement. Pensez-vous que le dialogue en gestation pourrait connaître un sort différent ? Quelle chance lui donneriez-vous, alors que le président de la République et son gouvernement semblaient privilégier, en tout cas jusqu’ici, le dialogue « social »et des « concertations » avec les acteurs politiques au Palais ?
- Les dialogues passés ont donné lieu à une accumulation de matériaux pour redresser le processus politique et réduire le fossé de la différenciation entre les acteurs. Grâce aux dialogues précédents, nous disposons d'un énorme arsenal juridique apte à régler la plupart de nos problèmes politiques et sociaux. Lorsqu'il existe une volonté nationale sincère, vous constaterez qu'un grand nombre de problèmes ont été résolus et que nous avons seulement besoin d'améliorer et d'activer ces lois : le problème réside principalement dans leur application.
Quant à ce dialogue, son fondement est merveilleux en ce qui concerne le niveau de confiance entre les protagonistes. Partant, nous ne sommes pas devant une bataille politique ni une course aux gains personnels aux dépens de l'autre partie, puisque tout le monde recherche ici l'intérêt supérieur du pays. Ce dialogue devrait donc être remarquable.
- Mais il ne pourrait réunir, en l’état actuel des choses, que les partis politiques représentés au Parlement. Ne va-t-il pas laisser beaucoup de partis et autres mouvements en rade ? Quels sont, à votre avis, les questions urgentes qu’il lui faudrait régler ?
- Premièrement, un dialogue fermé n'a pas de sens et l'élite actuellement sur la place n'a rien de nouveau. On doit permettre aux nouvelles générations d’exprimer leurs ambitions pour le pays. Beaucoup d'opinions d’avant-garde manquent chez les pionniers de la scène, nombre d'entre elles ont disparu et se sont éloignées en raison de la médiocrité de celle-là qui convenait peut-être aux régimes précédents… et la domine toujours. Or il faut, aujourd’hui, que tout le monde soit impliqué. Deuxièmement, l'importance d’un dialogue tient à deux facteurs : le nombre de participants et les questions posées sur la table. La puissance des extrants et leur légitimité politique et sociale en dépendent, surtout lorsque nous voulons apporter des changements prématurés en certains domaines.
Le principal enjeu pour moi concerne les amendements constitutionnels, notamment en ce qui concerne la reconstruction et la relance de l'appareil législatif – avec notamment la restauration de la Chambre haute pour équilibrer celui-ci – la réduction du nombre de députés, cette salle populiste trop encombrée de membres inefficaces ; ainsi que la suppression des conseils régionaux qui ont alourdi le processus électoral et exercé une pression sur les autorités locales, rendant inconsistante la répartition des tâches et des pouvoirs. Des normes minimales doivent être fixées en ce qui concerne l'apprentissage et l'expérience dans n'importe quel domaine de la vie.
Il faut aussi dissoudre la Commission électorale nationale indépendante contraire aux lois et aux objectifs pour lesquels elle a été fondée – il s'agit d'un collège de sages affilié aux partis politiques dont la majorité est issue de la majorité au pouvoir – puis la reconstruire sur des bases de confiance et lui conférer des moyens et des pouvoirs qui soutiennent son indépendance. D'un point de vue financier et technique, elle relève de la tutelle du Ministère des Finances et de celui de l'Intérieur. En termes de personnel, ses membres sont des fonctionnaires de l’État, en relation limitée avec elle, dans le temps et pour l’avenir, tout en étant véritablement liés à leur emploi et à leurs départements respectifs. Par conséquent, la CENI actuelle est structurellement faible et peu crédible. Elle doit être ressuscitée dans une nouvelle version qui inspire confiance.
En outre, le Conseil Constitutionnel est un organe constitutionnel relevant du pouvoir exécutif et dont la nomination des membres n'est pas soumise à un système indépendant et transparent mais relève plutôt d’un régime de désignation. Sans rectification conséquente, il demeurera une pièce du système corrompu qui gère depuis des années les élections dans le pays. De même, il faut réactualiser la loi électorale et la répartition géographique, actuellement déséquilibrée. On devra également discuter les questions de l'éducation, de l'égalité des chances et de la construction de l’État de Droit.
- Quelle évaluation faites-vous de la gouvernance du président Ghazwani ? Est-elle différente de celle son prédécesseur ? L’avez-vous rencontré depuis son élection ? Quelle impression vous a-t-il laissé ?
- Afin d'émettre une évaluation objective de la période passée du mandat de Ghazwani, il est nécessaire de prêter attention à trois éléments : la situation dans laquelle il a trouvé le pays ; les nouvelles circonstances ; le temps écoulé depuis son élection.
En ce qui concerne le premier, le climat politique connaissait une ébullition de la taille d’un volcan. Sur le plan économique, le Président a trouvé le pays dans la zone rouge en termes de transactions en dollars car il s’était risqué dans des opérations et des transferts suspects, analogues à du blanchiment d'argent et suivis de près par les services monétaires américains dans la dernière décennie, l’empêchant de traiter en dollars. Les voyants étaient également dans le rouge en ce qui concerne la résilience économique, en raison d’une dette extérieure de l’ordre de cinq milliards de dollars, soit 104% du revenu annuel brut. En outre, il n’ y avait, dans le Trésor, plus que quatre milliards d'ouguiyas du produit des revenus de l'année, au jour du départ du Président sortant, et 50 millions de dollars transférés par le Fonds monétaire International dans le cadre d'un paquet de mesures d’appui à la performance de celui-là. D'un point de vue administratif et moral, Mohamed ould Ghazwani a reçu un État détruit et en proie à une crise des ressources humaines.
Pour ce qui est des nouvelles conditions, il a dû faire face au Corona qui a fait souffrir les puissances mondiales. Malgré toutes ces difficultés, il a su construire une grande confiance avec les protagonistes, marquant et moralisant la vie politique, tout en entamant des négociations pour renforcer la confiance avec les banques américaines, avec l'aide de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International. Grâce à la rationalisation et à la planification, il a pu mobiliser 500 millions de dollars de revenus pour soutenir les efforts du pays contre la pandémie, en maintenant des réserves exceptionnelles de près d’un milliard 500 millions de dollars, achetant environ 5,7 tonnes d'or et conservant 400 milliards d'ouguiyas pour le Trésor public dans les derniers jours de l'année écoulée. Le budget annexe de celle-ci a dépassé le budget de l'État de près de 400 milliards d'ouguiyas, avec des priorités visant à renforcer les capacités des secteurs de base et à mettre en œuvre un paquet de mesures et de décisions compatissantes, comme l’aide aux populations pour faire face à la pandémie et le soutien direct aux groupes vulnérables. Ajoutons à cela l'augmentation du budget de l'exercice en cours d'un quart du budget de l’exercice précédent.
Plus important encore, nous constatons sa ferme volonté dans le domaine de la séparation des pouvoirs... Quant à mon impression sur la personne, j'ai trouvé le Président fort différent de ce que j'imaginais et tout au contraire de ce qu’on disait de lui. Très loin d’être faible et dépendant :un homme sage, confiant en lui-même et en ses pas, agissant en pleine conscience, marquant tous ceux qui lui tiennent compagnie, franc et pur, excellent dans l’écoute comme dans la parole. Quand vous lui parlez, vous avez l’impression de toucher les cordes sensibles de son âme. Mais je l'ai trouvé surtout pleinement conscient des problèmes du pays pour lesquels il a des solutions, à sa manière et dans les délais qu'il s’est donnés, sans laisser à personne la possibilité de les influencer.
Je pense que ce qui lui manque le plus, c'est de trouver dans le pays quelqu'un qui partage la même vision et assume avec lui la responsabilité de mener à bien son programme. Sauf quelques rares de cet acabit, il doit changer le reste, car il y a un abîme entre eux.
- Le dossier de la décennie Aziz semble se « dégonfler » pour certains qui doutent désormais de la détermination du pouvoir à le laisser aboutir. Ils s’étonnent qu’on en ait retranché divers dossiers comme ceux d’Arise et de Poly Hondong. Et l’on ne comprend pas pourquoi il n’est toujours pas envoyé à la Justice. Partagez-vous ce scepticisme ? Pensez-vous que l’ex-Président Aziz sera jugé pour les faits qui lui sont reprochés par la Commission d’Enquête Parlementaire (CEP) ? Sinon, quelles pourraient en être les implications politiques ?
- Ce dossier reste abordé superficiellement par trop de gens, même par les personnalités qui inspirent l'opinion publique. Coupé de ses contextes objectifs, il apparaît soumis aux désirs et aux penchants des politiciens et des racailles. On rappellera débord que ce dossier fut initié politiquement à l'invitation des parlementaires, un appel rendu possible par la non-ingérence du pouvoir exécutif dans le travail du législatif, consacrant ainsi le principe de la séparation des pouvoirs. Mais cela ne doit pas cacher les carences liées à cette étape. Traité de manière non professionnelle, ledit dossier a subi de nombreuses pressions et interférences de ceux qui avaient des comptes personnels à régler et qui ont vécu les six mois d'enquête comme une occasion inespérée de se venger. C’est donc d’une manière déraisonnable que l’enquête a été ouverte dans onze affaires, ponctuée de trois cent dix-sept personnes interrogées, pour se voir au final transmise à l’aveuglette au département de la Justice.
La deuxième étape, en l’occurrence la phase judiciaire, est complètement différente de l'enquête parlementaire. Il a donc fallu tout reprendre à zéro en raison des procédures spécifiques et de poursuites en ce type d’affaires. Cela demande encore du temps pour établir des chefs d’accusation en bonne et due forme, étayés de divers compléments d’enquête. En passant d'un dossier politique à un dossier judiciaire, on a ainsi arrêté l'ingérence des parties en quête de vengeance et une nouvelle procédure a été suivie… mais l'opinion publique est restée confinée dans sa première vision, politique, du dossier. Or, désormais judiciaire dans le cadre de l'indépendance de la justice et soumis à sa procédure, il est aussi devenu celui de l'État, partie civile dans l’action, et non plus des politiciens ou des hommes d'affaires.
Les gens ne regardent pas les obstacles objectifs à l'ouverture du procès, notamment la collecte de preuves qui demande d’autant plus de temps que ce type d'affaires est nouveau pour notre police, notre justice et, plus généralement, tous nos pouvoirs publics. L'opinion publique mauritanienne n'a manifestement pas profité du procès de Sarkozy. Interpelé sur trois chefs d'accusation, il lui aura fallu attendre huit années pour se voir jugé sur un seul, dans un pays pourtant très expérimenté en la matière. Qu'en sera-t-il de nous qui avons ouvert une enquête d’une toute autre ampleur ? Bref, il y a beaucoup d'excès et de surenchères autour de ce dossier. Faudrait-il rappeler à ceux qui y voient un ciblage personnel d'Ould Abdel Aziz que celui-ci a commis, lors de la commémoration de l'Indépendance en 2019, des actes contre la légalité constitutionnelle qui auraient pu le conduire directement en prison, sans recourir au dossier des enquêtes parlementaires ? L’enjeu véritable de ce procès n’est évidemment pas personnel. Ce que veut le régime actuel, c’est bel et bien accompagner le peuple dans ses aspirations à construire un État d'institutions stables, à immuniser le pays à l'avenir contre les corrompus, à encourager les fonctionnaires à s’attacher à leurs pouvoirs et à ne pas s'en écarter sur simples ordres verbaux et autres instructions hors procédures.
Mohamed ould Ghazwani donne des garanties pour l'avenir de la gouvernance dans le pays. Je suis donc sûr que l'État poursuit sa position de partie civile dans l'affaire, que la justice continue sa procédure et que l'administration politique veut le succès du procès en soutenant l'indépendance de la justice, en empêchant l'ingérence de parties non concernées par le dossier et en ouvrant le procès devant l'opinion publique nationale et internationale, conformément aux procédures et à notre Constitution. Quant au rejet de dossiers comme ceux d’Arise et de Poly Hondong, il s'agit, pour autant que je sache, d'accords dont certains aspects douteux ont été corrigés. La plainte a été retirée en ce qui concerne le premier et des négociations entamées avec l'autre, ce qui a mis fin aux préjudices et aux poursuites judiciaires.
Revenons-en au procès d'Ould Abdel Aziz. Il existe deux interprétations de l'article 93.L’une estime que l’ex-Président peut être poursuivi pénalement pour ses actes distincts de ceux protégés par ledit article ;l’autre, que le 93 protège tous les actes du Président dans l'exercice de ses fonctions, qu'il peut être jugé au civil et non au pénal et que son procès pourrait affaiblir l'institution même de la Présidence. Les défenseurs de cet avis estiment utile que le procureur général demande au Conseil Constitutionnel sa lecture de l'article discuté. Mais, dans tous les cas, ce type de procès est lent et, je le rappelle encore, nécessite une collecte soignée de preuves. Ce n’est pas parce que l'opinion publique s'est chargée de prononcer son propre jugement en cette affaire que la justice devra automatiquement condamner les accusés. La question ne dépend ni de l'humeur ni des intentions, elle relève strictement de la justice et de la loi. Il n'est pas logique de réclamer une justice impartiale d’un côté et de l'ignorer de l’autre, en raison de nos positions politiques et de notre soif de vengeance.
- Que vous inspire, le report, par l’Assemblée nationale, de la mise en place de la haute Cour de Justice ?
- Je pense que c'est uniquement lié à l'ordre du jour du Parlement.
- Après le retrait du rapport de la CEP de l’affaire Arise et celle relative à la pêche (Poly Hondong), le dossier de corruption n’aurait-il pas perdu de son importance ?
- Si la corruption est prouvée, alors ces entreprises n'auraient aucun droit à travailler dans le pays. Car la corruption annule les contrats et met les marchés ou les accords hors-la-loi dès leur origine. Je pense donc que ladite preuve n'a pas été établie. On en discute encore mais les mots sont une chose et les preuves une autre.
- Partagez-vous le sentiment des Mauritaniens qui ont du mal à comprendre pourquoi le président Ghazwani continue à « recycler » des personnalités citées dans le dossier de corruption et d’autres tout aussi fortement décriées ? Ils éprouvent le sentiment que leur Raïs n’est pas pressé ou ne veut opérer les changements espérés ni même rompre avec les pratiques en cours depuis des décennies…
- Ce que je ne comprends pas, moi, c’est que l’opinion publique oppose son veto à certains des hommes qui soutiennent le Président et qui n’ont pas été condamnés pour corruption. Seul celui-ci a le droit de choisir ses collaborateurs et de les placer à l'endroit qu'il veut. Qu'ils soient réputés, voire reconnus, corrompus ou intègres, c'est lui qui en supportera les conséquences demain, quand il briguera à nouveau la confiance de l'opinion publique. La vérité que certains oublient, c'est que toute la question est liée à la volonté politique et au climat général de gouvernance imposé par le Président lui-même. S’il est sérieux dans la transparence et la bonne gouvernance et que des procédures sont mises en place pour assurer le respect de l'argent public, il n'y aura pas de corrompu. S’il est négligent ou corrompu lui-même, alors le choix d’hommes intègres sera vain. Deuxièmement, ce sont ces gens qui ont porté le Président au pouvoir suite à un pacte politique. Ils sont sa popularité, ses partenaires et ses grands électeurs : il ne peut pas les abandonner. Au lieu donc de parler des choix du Président, nous devons parler des procédures de transparence, de l'activation des organes du contrôle financier et poursuivre les enquêtes sur les abus de gestion. Nous devons nous fixer sur ce à quoi nous avons droit, là où notre réclamation est légitime et ce dont notre dénonciation est juste, et ne pas nous perdre en ce qui ressemble à de la polémique. Le corrompu à notre avis peut ne pas l’être aux yeux de qui l’a nommé, jusqu’à preuve du contraire. Quant au point de vue des gens sur leur Président – guère pressé, dites-vous, ou refusant de rompre avec des pratiques vieilles de plusieurs décennies – je ne le partage pas, comme en témoigne mon opinion personnelle susdite.
- Le président de la République s’est engagé à mettre en place une école Républicaine...
- C'est l’école où nos enfants reçoivent la même éducation, s'assoient aux mêmes tables et reçoivent les mêmes valeurs. Elle renforce les relations entre les composantes de la société, éliminera la forme impudente de l'inégalité et sapera les disparités. C'est la première pierre angulaire pour unifier la société et instaurer la confiance entre ses générations.
- On enregistre depuis quelques semaines la baisse de la courbe des contaminations par le COVID 19. Comment évaluez-vous la gestion de cette pandémie, notamment des fonds mobilisés pour y faire face ? Ne pensez-vous pas que le gouvernement gagnerait en crédibilité en commanditant un audit indépendant des fonds, puisqu’il entend lutter contre la gabegie ?
- Quel est le plus important dans ce cas : l'argent ou le peuple ? Nous devons partir tout d’abord de l'important succès des mesures prises pour faire face à cette épidémie, puis suivre les procédures normales de suivi dans la gestion de l'argent public ; quelle que soit sa destination : il n'y a aucun denier public plus important qu’un autre. Nous vivons, en Mauritanie, dans la hantise de l’inspection, alors que l’inspection constitue l’exception à la règle de la dépense dans l’intérêt public. Elle n’intervient qu’au constat, voire la suspicion, d’irrégularités et n’enquête pas systématiquement sur chaque ordre de dépense.
- Il y a quelques semaines, les prix des produits vitaux ont connu une forte hausse venue s’ajouter aux conséquences du COVID. Pour endiguer le phénomène, le gouvernement a pris un train de mesures dont les effets tardent à se traduire sur le terrain. Serait-il incapable de faire respecter l’accord signé avec les importateurs ? Le mois de Ramadan ne risque-t-il pas d’être très difficile pour les ménages ?
- Il y a des raisons fondamentales à la hausse des prix, d'abord liées au climat et au volume de la concurrence, puis à la hausse des tarifs douaniers, des prix à la source des produits et à l'augmentation du prix du transport. Pour notre pays, la catastrophe s’est nouée, dans les faits, lorsqu’Ould Abdel Aziz a voulu entrer, disent certains fournisseurs, dans le commerce des denrées alimentaires, éliminant la SONIMEX qui luttait contre le monopole, protégeait la concurrence et sécurisait le stock national de produits de première nécessité. Il a également fait pression sur le reste des grands fournisseurs du pays au profit de sa société et de ses partenaires à qui il a accordé tous les marchés des produits alimentaires liés à l’État, comme le programme EMEL (42 milliards par an) ou le programme de rupture du jeûne. Ces privilégiés obtenaient leurs besoins en devises et jouissaient de divers avantages, fiscaux et autres. Cette situation a abouti au monopole du groupe Ehel Ghadda aux dépens des tous les autres fournisseurs, finissant par dominer notamment le marché des produits de base, y imposant les prix. Toujours selon certains fournisseurs, c’est cette situation qui engendra la hausse des prix des produits alimentaires, ce qui a été dévastateur lors de la récente sécheresse où le prix du blé a bondi de 2.300 ouguiyas le sac à 12.000 dans les zones éloignées. Voilà comment l'État a perdu la capacité de contrôler la concurrence et de maîtriser les stocks, devenant le maillon le plus faible qui implore les commerçants –disons plutôt : les « partenaires d’Aziz »… – et, bien que de nombreux produits de base aient été exonérés, les prix augmentent. L'idée toute faite est toujours la faiblesse des secteurs gouvernementaux qui gèrent ces services et leur incapacité de produire des solutions ou des alternatives à cette situation. La question des prix sera le danger imminent pour le régime qui devra porter les fardeaux des forfaits et échecs de tous les régimes précédents, s'il ne reprend pas l'initiative. Auquel cas, oui : le Ramadan de cette année sera plus sévère pour le peuple que tous les précédents.
Propos recueillis par Dalay Lam