La grâce présidentielle sans raison en Mauritanie
Vieille habitude à l'occasion des fêtes religieuses ou nationales, le chef de l'État publie un décret graciant un certain nombre de prisonniers de droit commun non liés à des crimes, notamment de sang, afin de les encourager à se repentir dans une vie d'honnêtes citoyens. Le choix est ordinairement établi à partir de critères bien déterminés par le ministère de la Justice : bonne conduite en prison et purge de plus des deux tiers de la peine, condamnation pour bagarre, petit vol ou escroquerie, voire homicide involontaire. Les grands bandits multirécidivistes – et meurtriers pour la plupart – n'ont jamais bénéficié de la moindre grâce ailleurs dans le Monde. Mais, en Mauritanie, malheureusement si.
C’est en toute bonne foi que le président de la République fait d’abord connaître sa décision globale de grâce et ordonne au ministre de la Justice de lui en présenter le détail ;ce dernier transmet l’ordre au Parquet qui en charge divers responsables judiciaires et pénitenciers – régisseurs de prison, greffiers et huissiers, tous censés techniquement compétents à bien cibler les prisonniers. Des avocats usent de leurs relations avec ces responsables avec le dessein de faire relâcher le maximum de leurs clients… pour la plupart des bandits et assassins de grands chemins. Les hauts responsables ne suivent donc pas directement la préparation de la grâce présidentielle et se contentent de croire les critères de sélection appliquées à la lettre. Mais les régisseurs et greffiers subissent toutes sortes de pressions de la part des parents, amis et collègues pour faire relâcher X ou Y condamné pour quelque abominable crime dont il n'a même pas encore purgé deux ou trois ans de peine. « Enregistre son nom dans la liste et le tour est joué ! » Une fois celle-ci complète, elle ne sera contrôlée par quiconque et publiée telle quelle. Voilà comment l'opinion publique se retrouve-t-elle, à chaque grâce présidentielle, scandalisée par le nombre de grands récidivistes libérés de prison. Et très inquiète car une recrudescence du crime va toujours s'en suivre. Celui qui découpa sa femme à la machette en 2014 venait d’être gracié la veille. Ould Varwi qui tua une commerçante au marché Capitale en 2016, avait été aussi relâché sur grâce présidentielle. Nombre d’autres meurtres ont été commis par de tels récidivistes qui n’auraient jamais dû sortir avant le terme de leur peine. Et tandis que les condamnés pour petit délit ou blessure involontaire ne profitent quasiment jamais du pardon, les lobbies et mafias qui protègent les vrais malfaiteurs ont tous les moyens pour faire gracier le maximum de ceux-ci...
Un voleur remet une arme à la police
Au cours d’une des dernières nuits, un appel masqué sonne au numéro vert de la permanence à la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). « C'est un voleur qui vous parle », annonce le correspondant. « Nous ne sommes pas là pour blaguer », répond l’agent. « Ce n’est pas une blague et ne cherchez pas à me piéger, je connais toutes vos astuces ». L'officier de permanence fait signe au policier de couper la communication. Ce dernier hésite et lui fait signe d'attendre un peu pour voir de quoi il s'agit. L'homme à l'autre bout du fil les informe alors qu'il a une importante communication à leur faire. « Vas-y, on t’écoute ! – Je suis le chef d'une bande de cambrioleurs. Il ya quelques jours, nous avons réussi un coup au domicile de telle famille au quartier Lycée Bouhdida. Je sais qu’il y a parmi vous un parent de ces gens ». Et le policier concerné de se rappeler alors dudit cambriolage. « Que veux-tu ? », demande-t-il au voleur. « Nous y avons trouvé une arme à feu, un fusil de chasse (Bouvelka). Je veux vous le remettre car je ne sais pas m'en servir et je crains que mes hommes l'utilisent mal. – Ok, amène-le, tu n'auras pas de problèmes. –Hé ! Tu ne m’auras pas comme ça, je t'ai déjà dit, mets-toi bien ça dans la tête ! – Comment vas-tu donc faire pour remettre l'arme ? – Le fusil est déjà déposé entre les branches d'un grand arbre au côté Est du lycée Bouhdida ».Et de couper sans plus tarder la communication. On téléphone aussitôt au commissariat de police Toujounine 1 qui envoie dare-dare des agents récupérer l'arme exactement à l’endroit indiqué par le voleur. La famille avait déjà fait la déclaration de vol audit commissariat.
Mosy