En Mauritanie, la scission au sein des partis politiques est devenue une espèce de gymnastique dont semblent se délecter leurs responsables et leaders. Ailleurs, on parle de transhumance ; ici, de dédoublement. Après la CVE, l’UFP a suspendu divers de ses hauts responsables. Aujourd’hui, c’est au tour du Mouvement IRA et du parti RAG non encore reconnu d’enregistrer les départs de certains de leurs cadres. Les divisions sont plus fondées sur des intérêts ou des débauchages que sur des divergences idéologiques. Cette espèce de malédiction court depuis l’UFD, au début des années 1990, si on ne cite pas le cas du Parti des Kadihines.
L’onde de la présidentielle
Après avoir survécu malgré la défection de plusieurs de ses membres fondateurs, l’IRA et RAG ont obtenu des résultats satisfaisants lors des élections législatives de 2018 et la présidentielle de 2019 où leur leader Biram Dah Abeïd est arrivé second derrière Mohamed Cheikh El Ghazwani. Mais, une crise couvait, depuis cette dernière échéance. On sentait venir comme une fronde sur fond de rumeurs et accusations relayées périodiquement sur les réseaux sociaux. Le leader haratine qui a réussi, il le reconnaître, à faire franchir un grand pas à la question de l’esclavage, est d’abord soupçonné d’avoir reçu de l’argent du richissime homme d’affaires mauritanien Ould Bouamatou et de l’avoir caché à son entourage. L’affaire fit grands bruits sur les réseaux sociaux et au sein de la diaspora où Biram bénéficie de nombreuses sympathies. S’en suivit un déballage et les deux hommes se sont à jamais brouillés.
Après son audience au Palais, le député abolitionniste décide de se rapprocher davantage d’Ould Ghawani et apporte son soutien à son gouvernement. Certains y voient une manœuvre de positionnement. « La goutte d’eau qui fit déborder la vase », explique de son côté monsieur Bala Touré, un des responsables d’IRA et du RAG, devenu depuis quelques jours le coordinateur du Sursaut Populaire Démocratique, issu des rangs de ces deux organisations (voir son interview en page 6). Pour lui, rien ne peut justifier le soutien que Biram apporte au président Ghazwani car la gouvernance de celui-ci ne diffère en rien de celle de son prédécesseur Ould Abdel Aziz, envers laquelle il avait pourtant promis une rupture décisive. Et Bala d’ajouter le recul des droits de l’Homme, la régression de la liberté d’expression et de manifestation, le délitement du tissu socioéconomique, de l’école et de la santé… C’est pour toutes ces raisons et d’autres – notamment la manière dont le président Biram conduit le parti, en mettant et démettant à sa guise cadres et militants, sans cesser d’affirmer qu’il n’a de compte à rendre à personne – que Bala Touré et ses amis ont décidé de fonder leur propre mouvement avec l’objectif de contribuer à la refondation de la Mauritanie sur des bases éloignées de la tribu, de la région, de l’ethnie et de la race… Le SDP se positionne au centre de l’échiquier politique national.
En réponse à la sortie de ces « frondeurs », les amis de Biram tirent à boulets rouges. Bala Touré et ses amis sont accusés de rouler pour un homme d’affaires. Suivez mon regard… Sur les réseaux sociaux, on dément le ralliement de tel ou tel membre d’IRA cité dans les instances de décision du SDP : la bataille ne fait que commencer. Pourvu que les uns et les autres ne privilégient pas le futile au détriment de l’essentiel, à savoir l’intérêt de ceux qui croient en eux et, surtout, celui du pays.
DL
Encadré
Avenir bradé
« La femme est l’avenir de l’homme ! », clamait, il y a cent ans, Aragon le poète ; surréaliste, il est vrai. Mais on s’en inquiète tout de même, notamment en Mauritanie où nos douces moitiés – plus souvent nos rudes doubles, au demeurant – font si peu cas de l’avenir qu’elles ne consentent qu’à se lever fort tard, le matin, généralement après dix heures... Si tant est que ledit poète ait été réellement inspiré, à qui donc appartiendrons-nous, messieurs, ainsi abandonnés par nos très chères – hélas ! – épouses ? Jetés en pâture au marché, on craint le bradage…
Feylili