Le mercredi 13 janvier 2021 s’est éteinte à Nouakchott une figure emblématique symbolisant le triptyque « charisme – patriotisme – nationalisme ».
Feu Mohamed Yehdhih Ould Breidleil fut un personnage hors du commun dont la pensée reflète la fermeté dans une conviction inaltérable au profit d’un idéal politique qui a inspiré tant de générations.
L’ayant côtoyé de près dans ma jeunesse akjoujtoise et ailleurs à d’autres occasions, je fus fasciné par « sa manière de voir et sa façon d’être »par référence au philosophe Merleau Ponty dans sa perception de la phénoménologie de l’esprit.
Le regretté Breidleil n’avait que peu d’intérêt pour l’argent et décéda sans posséder une richesse sauf celle de l’esprit.
Dans son idiosyncrasie, il oscillait entre tradition et modernité.
La tradition transparaît dans son mode de vie sédentaire, les récits et anecdotes dont il raffole dans ses moments de détente.
Ainsi il préféra s’éloigner des pesanteurs de l’urbanité pour conquérir un espace naturant de libertéet s’installa près d’un puits « سويهل’’ situé à 150 Km au nord-est de Nouakchott.
Domptant la nature dans sa splendeur originelle, auréolée d’un silence subliminal, il eut libre cours à ses réflexions, qui, au fur et à mesure s’enrichissent du temps dont les heures suspendent leur vol comme le dit Alphonse de LAMARTINE dans son célèbrepoème le Lac du BOURGET
Traditionnaliste dans ses veines, certes mais moderniste dans sa vision d’intellectuel engagé en faveur de l’émancipation de son peuple à travers la démocratisation des institutions et à la promotion des libertés et droits protecteurs du citoyen.
Durant son combat politique, il ne cessa de clamer une synthèse entre le nationalisme qu’il prône, fustigeant ainsi le chauvinisme et l’étroitesse de l’esprit en vantant les vertus de la diversité culturelle et le droit à la différence.
Feu Mohamed Yehdhih est par essence opposé aux préjugés et dogmes menaçant l’unité nationale et la cohésion sociale : pour lui, la société est une et indivisible et les citoyens sont nés égaux sans distinction de race ni de couleur.
Il murut avec cette ferme conviction que ceux qui ne le connaissent qu’à distance ignorent,en le considérant comme unfervent défenseur de la doctrine du baath et fidèle continuateur de Michel Avlaq.
Loin de renier son appartenance à l’école baathiste il réfléchissait, néanmoins, à repenser la vision politique afin de l’adapter aux réalités du terrain et spécificités du contexte international dont les bouleversements telluriques ont induit des transformations des systèmes classiques de perception en déstructurant les idéologies dominantes et approches existantes.
Face à ces mutations de l’ordre international, il trouve à l’instar du philosopheJacques Derrida qu’une déconstruction du modèle politique est nécessaire afin de parvenir à le refonder sur la base de nouveaux paradigmes susceptibles de secréter des valeurs nouvelles.
L’absence de conformisme à l’ordre établit le conduisit à subir l’enfer du séjour carcéral à des époques différentes de son combat politique.
Je lui rendis visite, après sa convalescence, accompagné d’un frère, Abdallahi SIDATY, pour nous enquérir de son état de santé suite à l’opération chirurgicale qu’il a subie en Tunisie ; il semblait apaisé et comme d’habitude, il ne laissait apparaître aucune sensation perceptible.
Au cours de notre discussion, il confessa que lors de son séjour médical, le Président de la République, Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a fait preuve d’une très grande bienveillance à son égard.
Toisant la maladie avec courage et dignité, sa disparition retentit comme l’extinction d’une flamme aux firmament des idées qu’un homme s’est résolument engagé sans compromission aucune à promouvoir en exprimant par l’encre indélébile d’une plume alerte et saisissante des convictions intangibles dans le logiciel des consciences politiques.
L’homme nous a quittés, mais ses idées, son humanisme et son civisme restent immuables.
Qu’Allah - le tout puissant - l’accueille dans son paradis