Covid19 n’a pas d’avion ou autre moyen de transport/déplacement pour nous envahir comme il l’a fait en si peu de temps. Nos déplacements, comportements et décisions sont les principaux responsables de sa propagation. Les moyens de faire face à ce virus inédit ne sont pas encore entièrement connus ni donc maîtrisés mais les informations sur son évolution nous inondent, chaque jour plus catastrophiques et inquiétantes les unes que les autres.
Des quelques dizaines de cas à Huang en Chine en 2019, on a atteint les chiffres, encore en progression, de 85,5 millions dans le Monde, dont 24,43 millions en Amérique Nord/Sud, 24,39 millions en Europe et 14.875 en Mauritanie. Le pourcentage de décès est de 2,16 % (1,85 million) dans le Monde, 2,15 % (525.933) en Amérique Nord/Sud, 2,28 % (557.378) en Europe et 2,42 % (360) en Mauritanie (1).
Mutant sans cesse, le virus est imprévisible. Ses dernières métamorphoses lui permettent d’infecter plus rapidement l’organisme humain, rendant la lutte encore plus ardue. Ses deux dernières variantes détectées en Angleterre et en Afrique du Sud ont révélé sa forte capacité à se propager et surtout à s’imposer à notre organisme. Il agit si rapidement qu’il prend de vitesse notre système immunitaire.
De simple virus localisé en Chine à un tsunami planétaire dont les conséquences ne peuvent être actuellement quantifiées, sa transformation en une seule année est impressionnante. Le compte macabre s’est accéléré d’une façon cataclysmique et, en Mauritanie, les efforts doivent être redoublés pour assurer la décroissance de sa courbe, ralentissant ainsi sensiblement son impact négatif sur nos populations. Il s’agira aussi de prendre les mesures nécessaires afin de sortir notre pays de la zone de turbulence sanitaire, socioéconomique et logistique durant une période suffisamment longue pour éviter et/ou atténuer toute nouvelle vague.
Comportements irresponsables
L’incertitude règne malgré les bouffées d’oxygène apportées par la capacité des systèmes sanitaires mondiaux et national à répondre plus rapidement à la prise en charge des malades, ainsi que par leurs efficacité et célérité à mettre sur le marché des médicaments et vaccins. Les comportements irresponsables mais aussi ceux incontournables (mouvements, déplacements, commerces, voyages…) restent l’une des principales causes de la propagation du virus. Les dirigeants font face à une situation qu’ils ne peuvent maîtriser seuls. Sous les diverses pressions – socioéconomique, politique et sanitaire… – on a manqué de patience et de planification ; tous les pays ont « déconfiné » hâtivement, forcés de reprendre une vie normale et les déplacements, en oubliant les caprices et les contraintes de Dame Nature, comme la simple variation saisonnière et la mutation des virus. L’Humanité a toujours connu des situations similaires mais, dans nos si urbanisées et mondialisées conditions actuelles d’existence, les systèmes sanitaires et surtout socioéconomiques se sont retrouvés débordés. Le prix sanitaire et socioéconomique de la pandémie est déjà élevé, il risque de l’être encore plus si l’effort est relâché.
Le climat hivernal est propice à la propagation des virus. Les trafics aériens, maritimes et terrestres sont d’autant plus à surveiller, notamment avec les pays voisins, surtout le Maroc qui a enregistré 26.021 nouveaux cas en deux semaines (2). Tout comme dans nos échanges avec certains pays occidentaux où la situation est encore plus grave : au cours des deux dernières semaines, 614.632 nouveaux cas au Royaume-Uni, 550.980 aux USA ; 382.618 cas en Russie ; 268.934 en Allemagne ; 135.990 en France…
En Mauritanie, le Gouvernement avait pris les mesures préventives les plus adaptées dès le début de la pandémie, avec une Armée nationale au rendez-vous et un comité interministériel qui sut réagir rapidement. L’Armée nationale fut l’élément moteur d’actions bien coordonnées et continues. Ses rigueur, discipline et maîtrise logistique ont fortement contribué à la lutte. Il lui est demandé de persévérer et, aux autres, de parvenir au même niveau de discipline et de rigueur en toute action préventive et curative pour atténuer les effets du virus. Le rôle de l’Armée, ainsi que celui de quelques ministères, surtout ceux regroupés dans le comité interministériel idoine, et de la Société civile, est à saluer au regard des diverses décisions et actions positives menées lors de la 1ère vague. Le ministère de Santé et le personnel sanitaire sont particulièrement à féliciter pour les efforts et sacrifices consentis.
Le fait d’avoir abandonné rapidement le déconfinement et les quarantaines n’a pas permis d’atténuer la seconde vague, pourtant annoncée ailleurs. Nous avions eu la chance de recevoir la première vague en retard mais n’avons pas utilisé ce temps précieux pour recruter et former le personnel de santé, développer une stratégie de prévention globale et, surtout, acheter les équipements et médicaments nécessaires. Nous n’avons pas su tirer les leçons de la première vague et les mêmes causes continuent de produire malheureusement les mêmes effets. Il faudra tirer maintenant les leçons de la seconde car la troisième, annoncée plus virulente du fait de la mutation du virus, reste incontrôlée. Nous devrons fournir le maximum d’efforts pour qu’elle n’atteigne pas la Mauritanie, en espérant que la période de chaleur de Février et Mars en atténue l’éventuelle progression.
‘’Mal-gouvernance’’covidienne
Le comportement des populations et de nos entreprises est à plaindre. Les premières respectent rarement les gestes-barrières, s’agglutinent dans les hôpitaux, pharmacies, boulangeries, marchés et taxis… et les secondes, hormis les banques, ne protègent ni leur personnel ni leurs clients, alors que nombre de bâtiments n’ont pas été réalisés dans les règles assurant une aération permanente.
Autre leçon primordiale, il faut renforcer le rôle de l’armée pour contrôler, faire appliquer les mesures, sévir sans états d’âme contre les indisciplinés ; assurer la gestion, la coordination et la logistique. Ces derniers points sont à citer parmi leurs spécialités.
En conclusion, si le pays souffre des effets d’une dette colossale injustifiée car improductive, il est aussi handicapé par l’extrême pauvreté du tiers de la population, la prévalence de l’économie informelle qui fait vivre plus de la moitié de la population et qui se retrouve actuellement très perturbée, les troubles cycliques sociaux dus aux fractures sociales, les risques naturels… La corruption et la mauvaise gouvernance lui causent également des soucis. Il ne faudra pas que s’y ajoute la « mal-gouvernance » de la Covid 19.
Une « mal-gouvernance » caractérisée par une gestion catastrophique de l’achat, du conditionnement et de l’administration des vaccins, de la prise en charge médicale et de ses éventuels débordements, des mesures hésitantes et peu courageuses et autres effets collatéraux. Avec « la mal-gouvernance covidienne », il sera difficile d’amener le peuple à suivre et accepter les décisions gouvernementales, surtout celles impopulaires, contraignantes mais nécessaires, voire cruciales. Les pays asiatiques y sont, eux, parvenus, grâce à une population disciplinée, sinon la peur ou l’éducation, tandis que l’Occident dispose de citoyens éveillés mais agrippés à une liberté individuelle totale. En Mauritanie, ces conditions favorables n’existent que faiblement et nous y ajoutons notre désordre coutumier et nos comportements anarchiques, notre fatalisme et déni des réalités, adossé à la croyance inébranlable d’être super-protégés.
Recommandations
La courbe en Mauritanie de la Covid19 commence à baisser mais ce n’est pas le moment pour le Gouvernement de crier victoire : nous ne sommes pas parmi les mieux préparés à affronter des vagues successives, voire tsunamis, de ce virus planétaire. Sa dernière mutation nous invite à des mesures soutenues plus radicales et beaucoup de prudence dans les annonces et satisfecit. Les quelques recommandations suivantes vont en ce sens :
1. l’excèdent des onze milliards signalé par le ministère de l’Économie peut être épargné et réservé en grande partie à la lutte contre la Covid19, afin de parer à toute éventualité ;
2; encourager l’Armée à prendre un rôle encore plus important du fait de sa maîtrise logistique et discipline, peut-être l’arme la plus efficace en cette lutte (entrées et sorties des voyageurs, contrôle des respects des procédures de distanciation sociale, achats d’équipements et formation d’un personnel militaire déjà en place dans certaines fonctions, etc.) ; mettre en quarantaine de sept jours tout voyageur entrant en Mauritanie surtout ceux en provenance de pays à taux élevé de prévalence et/ou de contamination ; cette charge ne pourra être réalisée correctement que par l’Armée ;
3 avec cinq mille vaccins, le Gouvernement ne peut assurer qu’une couverture vaccinale limitée : commencer donc par le personnel de santé, les personnes à risques ou en première ligne ; la dette publique peut être mobilisée, ainsi que les fonds des projets Taazour et des bailleurs, des hommes d’affaires ou autres bonnes volontés ; idem pour les médicaments nécessaires au traitement de cette maladie et autres maladies chroniques, tous les équipements et produits ;
4 la Chine et les USA se distinguent par leurs avancées en certains aspects de la lutte ; il est donc recommandé d’acquérir auprès d’eux les vaccins, médicaments et/ou équipements ; on peut ici encore recourir aux services de la dette : le peuple sera prêt à l’accepter car cette dette est utile et servira aussi les générations futures ;
5 mettre en place un comité technique (scientifique, logistique, technique et socioéconomique, etc.) où différents experts peuvent associer leurs analyses et établir les synthèses et recommandations utiles au comité interministériel. Il est recommandé que celui-là soit dirigé par un militaire pour la rigueur, la transparence des décisions à proposer au gouvernement et le suivi de l’application de celles-ci, parfois impopulaires mais cruciales ;
6 La courte période hivernale et l’actuelle situation épidémique doivent inciter le ministère de l’Éducation à prolonger les vacances jusqu’à fin-Février, s’assurant ainsi de limiter les effets d’une éventuelle troisième vague en formation, en profitant plutôt du retour de la chaleur ;
7après l’établissement public d’entretien routier (ETER), il est recommandé de rétablir une société nationale en charge de gérer et d’assurer des stocks suffisants de produits de première nécessité (comme la SONIMEX mais en mieux). Les fonds du programme Taazour et des bailleurs de fonds, le privé et/ou les surplus du budget de l’année passée peuvent y aider ;
8 renforcer le rôle du Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA) pour les stocks de sécurité ;
9 de nouveaux hôpitaux de campagne doivent être installés au moins à Nouakchott, Nouadhibou, Rosso, Aïoun et Aleg et les équipements déjà en place dans toutes les wilayas sont à multiplier par trois ;
10 les moyens et équipements sont à tripler en mettant en place un Service d’Aide Médicale d’Urgence (SAMU) civil en première ligne et un SAMU militaire ;
11 il faut punir les comportements inconséquents des populations et des entreprises ; celles-ci doivent installer les barrières sociales, faciliter le port des masques, l’hygiène corporelle et physique et assurer l’aération des locaux susceptibles d’être des nids de contamination.
Ethmane BA
NOTES
1: Chiffres en date du 5 Janvier à 8h du matin. Le 6 à la même heure, ils avaient augmenté d’un million dans le Monde et celui des décès de 20.000 (7 en Mauritanie). Prions Allah de les accueillir en Son paradis et d’accorder la guérison aux malades, amine.
2: Entre le 21 Décembre 2020 et le 3 Janvier 2021.