La ville d’Aleg est depuis toujours cosmopolite. Des gens de toute origine y cohabitaient pacifiquement. Les enfants jouaient ensemble. Les familles solidarisaient. C’était d’ailleurs un peu comme ça partout en Mauritanie. La belle petite ville était bien « gardée » de tous côtés. Les habitants d’El Markez, aujourd’hui Taïbe, et ceux du village peul de Goural venaient chaque jour en ville pour leurs besoins. Les enfants accompagnaient les grands dans leurs parties de chasse. De véritables battues en quête de quelque gibier : lapins, écureuils et autres festins. Parmi les chasseurs de renom, Jibril Diallo, alias Bourly, était le fils de feu Louis Diallo qui fut lui aussi un très grand chasseur. Avec sa meute de chiens, Bourly connaissait par cœur tous les coins et recoins où se terraient les bêtes. Chaque jour de chasse lui faisait parcourir des kilomètres, avec ses enfants et ses chiens. La chasse aux oiseaux avait aussi ses spécialistes. Des amis et des grands frères réputés tireurs d’élite. Chaque quartier tenait ses professionnels en lance-pierres et pose de pièges, techniques de fabrication et moments de prédilection pour engranger les plus gros butins. À Liberté, Ndiaye ould Yargueyt, Ali Dia et Sid ould Sidi ould Jiddou étaient parmi les meilleurs. À El Jedida, c’étaient Mohamed ould Telmoudane, Ahmed ould Ahmed Dioule et feu Daouda Cissé. À Ehel Gda Ami (aujourd’hui Cham), Soueïdal ould Bangueyt (Sidi Mohamed ould Cheïbani), l’actuel inspecteur départemental de Chami qui ne venait d’ailleurs à Aleg qu’en vacances, en provenance de Mederdra où il habitait avec son oncle maternel Bedioura, un garagiste très connu à Sanga. À la Médina, il y avait certainement aussi des spécialistes mais je ne les connais pas. Les enfants de ce quartier jouaient tous bien au basket-ball car son terrain se trouvait entre leurs maisons. Nos amis étaient tous des virtuoses de ce sport. Eux et leurs grands frères, comme feu El Hady ould El Hadj, Kneïnou ould Mohamed ou les frères Ndiaye, fils d’un célèbre plombier nommé Thieytiel dont la fille Marième Ndiaye fut ma promotionnaire. Les petits Médinois, comme Alioune ould Mohamed, feu Mahfoud ould Saïd, un brillant professeur de français décédé prématurément, l’actuel premier maire-adjoint de la ville, Mohamedou ould Ahmed Taleb, affublé d’un surnom vantant son courage et sa témérité, Alioune ould Ahmed, Mohamed Lemine ould Bebana, Hamada ould Telmidi, Younes Dabo, et j’en oublie beaucoup, étaient tous non seulement de bons basketteurs mais aussi de bons footballeurs qui constitueraient, beaucoup plus tard, la redoutable équipe de l’ASOA, avec quelques autres amis et frères comme Diallo Aboubecrine, Abdou Sy ou feu Abdou ould Heïba. En ces temps-là, les étés étaient très chauds à Aleg. Les canicules très éprouvantes. Généralement, c’était la période des grosses pénuries d’eau. Les quelques robinets dont celui du marché et les deux à trois puits de la ville ne suffisaient plus à alimenter la population. Moments difficiles... Parfois les hommes et les femmes devaient chercher l’eau jusqu’à plusieurs kilomètres de la cité. Le puits du jardin officiel était envahi. Le vieux feu Mohamed ould Bilal qui l’entretenait réglait l’équitable distribution de son eau entre tous les nombreux quémandeurs. En ces moments, feu Mor Ciss (ainsi appelé affectueusement par les Alégois) jouait admirablement sa partition en dédiant son célèbre T46 à l’abreuvement de tous les quartiers de la ville, sans distinction. Tous les jours, le vieux patriarche se réveillait très tôt pour aller puiser l’eau et la distribuer jusqu’à la fin du jour. Feu Mor Ciss fut une figure emblématique de la ville d’Aleg. Comme lui, beaucoup d’autres personnalités de tous les horizons sont venues s’installer définitivement à Aleg et en sont devenus quelques-uns de ses véritables notables. Chaque quartier avait un groupe de ces hommes admirables venus en différentes circonstances. À Liberté, les familles Ehel Mersou (déformation intéressante d’Oumar Sow), Ehel Demba Faye, Ehel Demble, Ehel Mousse Ndiaye, Ehel Dembe Doumbie, Ehel Meïmed (Mamadou) Kati Camara, Ehel Meïmed Diallo, Ehel Louis Diallo, et je crains d’en oublier, sont des familles originales de la ville et parmi ses plus grandes fiertés. (À suivre).
Sneiba El Kory