Dans les prochains jours, ou semaines, les Nigériens vont connaitre le nom de leur nouveau Président. La particularité de cette élection demeure dans le fait que l’actuel Président en exercice, Mahamadou Issoufou, 68 ans, ne se représente pas à l’issue de ses deux mandats constitutionnels conformément à l’article 47 alinéa premier de la Constitution de la VIIème République du 25 novembre 2010. Ce sera une première dans ce pays, ou l’histoire politique est jalonnée de coups d’État depuis son indépendance, en 1960.
Après dix ans au pouvoir, Mahamadou Issoufou espère passer le témoin à son bras droit, Mohamed Bazoum, son dauphin, âgé de 60 ans et grand favori du scrutin. Il s’agit d’un de ses fidèles depuis la création du parti et un homme d’expériences qui a occupé plusieurs postes stratégiques dont les portefeuilles ministériels des Affaires étrangères, de la défense et de l’intérieur en plus de son statut de député de la « circonscription spéciale » de Tesker depuis la fin de Conférence nationale souveraine de 1991. Si 45 partis politiques adhérents à la Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN), ont apporté leur soutien à M. Mohamed Bazoum, le 21 novembre 2020 dernier, dès le premier tour de l’élection présidentielle ; cette « Coalition Bazoum 2021 » cache les dissensions qui ont émergé dans le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS).
Un choix imposé aux structures du PNDS par Mahamadou Issoufou
Le choix de Mohamed Bazoum pour l’élection présidentielle remonte à février 2019, soit quasiment un an et demi avant la date prévisionnelle prévue pour le Congrès d’investiture du candidat du parti. C’est suite au limogeage du ministre des Finances, M. Massaoudou Hassoumi, Secrétaire général du parti, que le Présidium du parti s’est réuni pour acter le choix du Président de la République en faveur du Président du parti. Certains ministres réticents, comme la ministre du Plan, Madame Aïchatou Kané, ou encore Monsieur Foumakoye Gado, Ministre du Pétrole, Monsieur Kalla Ankourao, etc., se sont ralliés à ce choix.
Ainsi, le 10 février 2019, le Présidium du PNDS a proposé le nom de Mohamed Bazoum au Comité Exécutif National, qui décida, le 16 février 2019, d’organiser un congrès d’investiture pour le 31 mars 2019 par les délégués du parti. M. Bazoum est donc depuis le 31 mars 2019 en campagne électorale qualifiée de « tournée de proximité » avec les moyens de l’État, puisqu’il était encore Ministre de l’intérieur. Ainsi, les caciques du PNDS se sont résolus à l’adouber ou du moins à observer de la bienveillance à son égard.
Toutefois, cette désignation peut amorcer un renouvellement générationnel de la classe politique par une promotion de la jeunesse comme l’illustre le choix de son directeur de campagne, M. Abba Issoufou, le fils de Mahamadou Issoufou, ou encore le choix de son porte-parole, M. Idrissa Waziri, etc. Il s’inscrit aussi dans une stratégie de continuité des programmes de la renaissance d’Issoufou avec une proposition d’un Acte III (2021-2026) après l’Acte I (2011-2016) et l’Acte II (2016-2021). En revanche, pour l’opposition et une partie de l’opinion publique nationale, cette candidature est loin d’être perçue comme un renouvellement.
Une opposition aux aboies
L’opposition tout comme une partie des citoyens souhaite toujours que la lumière soit faire sur les affaires de détournements de deniers publics dont notamment le dernier en date, les 110 millions d’euros du ministère de la Défense.
Mais également, l’opposition est en quelque sorte déstructurée depuis le rejet de la candidature à la présidentielle de M. Hama Amadou du Moden Fa Lumana, ancien Premier ministre, par la Cour constitutionnelle qui l’a considéré comme « inéligible », le 13 novembre 2020, au regard de l’article 8 du Code électoral nigérien, suite à sa condamnation d’un an pour un délit de « supposition d’enfants ». C’est grâce au ralliement de ce dernier que le PNDS a pu gagner les élections de 2011 et en 2016 il arrive deuxième au premier tour de la présidentielle et n’a pu faire campagne au regard de son emprisonnement pour le délit de « supposition d’enfants ». Notons que depuis 2011, le Niger connait une explosion de partis politiques qui sont passés d’une dizaine à 163 selon les informations de la Commission électorale nationale indépendante. Certains membres de l’opposition, comme l’ancien Président, Mahamane Ousmane, premier Président élu démocratiquement après la conférence Nationale Souveraine, voit dans cet excès de pluralisme une stratégie de la majorité du « diviser pour mieux régner ». Il a par ailleurs obtenu le soutien de Hama Amadou, empêché par la décision de la Cour constitutionnelle, pour la présidentielle en cours. Il s’agit donc d’un véritable chalengeur de M. Bazoum.
L’opposition a aussi essayé de faire écarter la candidature de M. Bazoum devant la Cour constitutionnelle en soutenant qu’il ne serait pas un « nigérien d’origine » conformément à l’article 47 alinéa troisième de la Constitution de la VIIème République du 25 novembre 2010. La Cour constitutionnelle a rejeté ces prétentions par trois arrêts successifs du 19 novembre 2020, du 8 décembre 2020 et du 17 décembre 2020.
L’opposition y voit un ralliement de la Cour envers la majorité, mais la Cour a tenu à démentir et à condamner le discrédit de l’opposition à leur égard par un communiqué, aussi rare qu’exceptionnel, du 17 décembre 2020.
Il faut dire que la Cour a déjà par un arrêt du 15 juin 2020 déterminé que « le Covid-19 est un cas de force majeure qui justifie la suspension de l’enrôlement des nigériens de l’extérieur au fichier électoral national biométrique » et dès lors « une dérogation temporaire à la mise en œuvre de l’article 37 alinéa 1er du Code électoral relativement au fichier électoral national biométrique, en ce qui concerne l’enrôlement des nigériens de l’extérieur, n’est pas contraire à la Constitution ». L’opposition y voit une forme de « hold up » électoral organisée puisque la diaspora nigérienne est majoritairement pro-opposition. Les nigériens de l’extérieur ne participent donc pas actuellement au processus électoral en cours dans leur pays. Le modèle démocratique nigérien est donc particulier et s’inscrit dans un contexte sous régional spécifique.
Une continuité démocratique à consolider
Si le Niger va prochainement connaître sa première alternance démocratique de l’histoire du pays, cette exception sous régionale cache une fragilité sécuritaire et développementale.
Le Niger est entouré de plusieurs foyers de tensions, Libye, Mali, Nigéria, avec des forces terroristes qui font souvent des incursions dans le pays. L’aspect sécuritaire demeure un consensus au niveau des 30 candidats en lice pour les présidentielles. Ils promettent tous de renforcer cette dimension. Mais le Niger fait face également à des défis en matière de santé, de la lutte contre le chômage, de sécurité alimentaire ou encore de dividende démographique.
Face aux défis économiques et sécuritaires du Niger, il est regrettable qu’il n’y ait pas eu de débats entre les candidats sur leurs programmes, mais surtout sur les conditions de transformation d’un pays qui a un véritable potentiel de « ressources humaines » et d’industries fiables. Mansour LY