Depuis quelques temps, des « postings » infamants et diffamants inondent la toile, avec en prime des titres accrocheurs du genre : Scandale au Ministère des Finances : marché de gré-à-gré pour deux cents millions d’ouguiya, ou encore Ministère des Finances : Détournement de l’argent public : mode d’emploi. « Et qui est aujourd’hui au creux de cette affaire scabreuse ? Le ministre lui-même Thiam Diombar » pouvait-on lire.
Une titraille de cet acabit et des accusations aussi claires et précises ne peuvent laisser indifférent. Pour preuve, des records de l’audimat sont atteints. Seulement voilà. Le scandale annoncé était ailleurs. Une investigation journalistique rondement arnaquée. Le lecteur que je suis s’est senti floué, insulté et mené en bateau par une enquête qui n’en est pas une, parce que sans sources dignes de foi, sans preuve et surtout pétrie d’amalgames et d’ignorances névrotiques.
Retour sur l’histoire. C’est un marché, nous disait-on, qui a été fractionné. Faisons un petit calcul mental, rapide même pour les simplets. 200 millions, ça donne 20 marchés pour rester en dessous des seuils de passation autorisés (10 millions). Et comme ça ne colle pas, on va maladroitement chercher la procédure dite de gré-à-gré pour nous servir un mélange insipide de marchés et de cotations. Dans les textes pourtant cités en référence, on parle plutôt « d’entente directe ». Mais ce que l’auteur des articles ne comprend pas, c’est que même pour les ententes directes, l’avis des commissions compétentes est requis. Donc c’est une procédure parfaitement légale et juridiquement encadrée. Notre grand investigateur semble l’ignorer. Si c’est voulu c’est grave, et si ce n’est pas voulu, d’une certaine façon, c’est pire.
Mais la suite est à l’avenant (puisque qu’on parle de marché). On nous annonce : « Aucune publicité n’a été faite de ce marché par la Commission de passation des marchés pour les infrastructures, compétente pour ce genre de marché… Objection !, Monsieur Le Grand Limier. Non seulement l’avis de passation de marché n’est pas publié par la Commission de Passation des Marchés Publics (CPMP) mais par les soins de l’Autorité Contractante, mais aussi et surtout, la Commission de passation des marchés pour les infrastructures n’est pas compétente pour passer les marchés du ministère des Finances. Celle que vous êtes allés voir est compétente pour les marchés des secteurs de l’Equipement et des Transports d’une part, de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire d’autre part. Et notre Grand Limier de poursuivre : Nous avons poussé la vérification jusqu’à passer en revue tous les Pvs sur son site (www.cpmpsi.mr). Pas la moindre trace d’un PV traitant de l’attribution de ce marché de 200 millions d’ouguiyas par le ministre des finances. Rien ! Absolument rien. Arrêtons-nous un peu. Que vous ayez un gros et répétitif rien trouvé dans ce site, c’est normal, puisque cette CPMPSI n’est pas concernée. De là à en tirer la conclusion que le marché n’existe pas, c’est tout même osé ! Et puis, de quoi parle-t-on ? Un marché de 200 millions ou 20 petits marchés (cotations) cumulés de 200 millions ? Il y a là de deux choses différentes avec des structures de passation différentes et donc des trajectoires d’investigation différentes ! A moins qu’on ne veuille tout simplement noyer le poisson. Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Lisez plutôt : Rien encore du côté de la commission nationale de contrôle des marchés publics. Celle-ci n’a jamais autorisé ce marché de gré-à-gré comme le confirme son site électronique (www.cncmp.mr). ». Cette commission n’a jamais autorisé le marché de gré-à-gré, ce n’est pas son Président qui l’a dit, ni même un membre de cette honorable commission, mais, tenez-vous bien, c’est son site électronique qui l’a confirmé. No comment !
Notre Grand Limier nous annonce qu’il nous donne le mode d’emploi du détournement de l’argent public. C’est prétentieux, mais allons voir ! La grande trouvaille c’est la technique du fractionnement des marchés. Visiblement, notre Grand Limier confond Allotissement et fractionnement. Aux termes de la loi, l’allotissement veut dire « décomposition d'un marché en plusieurs lots pour des raisons économiques, financières ou techniques ». C’est donc une procédure parfaitement légale. Quant au fractionnement, c’est quand le coût d’un même service dépasse les seuils autorisés et qu’on décide de le fractionner. Or, ici, on est en présence de trois services demandeurs. Donc trois imputations budgétaires différentes. Sur les consistances des travaux, il s’agit non de construction, mais réhabilitation. Donc des corps d’état différents. A ce que je sache, aucune de nos entreprises des BTP, qui sont toutes des PME ayant des surfaces financières limitées à défaut d’être soutenues par des établissements bancaires orientés vers le développement, n’est outillée pour les marchés de tous corps d’état. Subséquemment, l’allotissement efficient est la seule bonne réponse aux faibles performances de nos entreprises.
Sur le fond de l’affaire, il s’agit de travaux de réhabilitation des locaux de trois grandes directions de l’administration financière : le Trésor, le Budget et les Impôts. Tout le monde sait l’état de dégradation très avancé des bâtiments qui abritent ces directions. Tout le monde sait aussi (notre Grand Limier se garde bien de relever une quelconque malfaçon sur les travaux achevés ou en cours) que les règles de l’art sont respectés.
Je me suis demandé, au fond, pourquoi cet acharnement contre un homme ? Veut-on, en se servant de Diombar, souiller l’élan de confiance dont est crédité notre système financier, à l’heure où des partenaires au développement acceptent de faire passer une partie de l’aide au développement par notre système de finances publiques dont les performances sont saluées par tous. Et là, les faits sont têtus. Diombar y est pour beaucoup. Ce diplômé de l’ENA et de l’Ecole du Trésor de Paris connait parfaitement le fonctionnement de toutes nos grandes administrations des finances. Expériences et hauteur de vue qui sont les siennes lui ont permis de conduire en douceur les réformes nécessaires, sans tapage, sans dérapage. L’orthodoxie budgétaire est strictement observée. Les impôts engrangent performances sur performances et la justice fiscale fait de grandes avancées. Le Patrimoine de l’Etat et les Domaines ne sont plus cédés à des clientèles ou bradés subrepticement. Evidemment, cela ne peut que déranger les routiniers de « l’industrie de prédation ». Et quand il s’agit de cibler Diombar et seulement Diombar, ça ne peut être innocent. Une odeur infecte d’un racisme répugnant en fuse. La chute de l’un des articles de Notre Grand Limier trahit d’ailleurs le fond de sa pensée quand il écrit : « Le comptable de l’ambassade mauritanienne aux EAU a été jeté en prison pour moins que ça ! ». Ah bon ! On peut détourner un sou et ne pas mériter d’en répondre ? On peut trouver des circonstances atténuantes pour des vols selon la couleur de la peau du voleur ou de la valeur du butin ? Etrange faculté qu’on certains, de jeter aux chiens l’honneur d’un homme, public de surcroît, gratuitement. Etrange faculté qu’avons-nous surtout d’accorder du crédit à une investigation d’essence névrotique, déprimée et obsédée et qui ne peut donner qu’un produit abscons. Soyons sérieux ! Respectez les lecteurs.
Brahim Ould Mohamed El Moustapha