La presse écrite mauritanienne se meurt. Elle rendra son dernier soupir sous peu, si des mesures salvatrices urgentes ne sont pas prises pour lui venir en aide. Fleuron des media, celle qui lutte, depuis son avènement, pour une Mauritanie juste, libre et égalitaire et que ni censures, ni saisies, ni brimades, ni privations n'ont fait plier, est en train de disparaître.
Face à la concurrence de l’audiovisuel, du Net et son corollaire, la chute drastique des ventes, l'exiguïté du marché publicitaire, l'absence de soutien des pouvoirs publics qui ne lui accordent que la portion congrue d'un fonds d'aide plus qu'insignifiant alors qu’il devait lui être destiné en totalité, la presse écrite vit les heures les plus sombres de son histoire.
Réunis en « comité de crise », la semaine dernière, des éditeurs ont tiré la sonnette d'alarme. Espérant trouver une oreille attentive à leurs doléances, ils ont décidé de prendre le taureau par les cornes.
Cet éditorial, commun à toute la presse écrite, est un premier jalon d'une vaste opération de sensibilisation sur les difficultés en tous genres que vit la corporation. Lorsqu'en 2006, les nouvelles autorités ont décidé d'abroger la loi sur la presse et d'en promulguer une nouvelle proscrivant désormais la censure, nous nous en sommes, évidemment, tous félicités, sans manquer, cependant, de clamer que la presse avait besoin de beaucoup plus, pour seulement survivre. Sans un soutien de l'Etat, elle est vouée à disparaître. Au Sénégal, au Maroc et en France, la presse est subventionnée, au même titre que les syndicats et les partis politiques. En Mauritanie, très faiblement. Certes, nous n'avons pas une culture démocratique et ceux qui nous dirigent admettent toujours très mal la critique, partant du principe de «qui n'est pas avec moi est nécessairement contre moi », variante guère plus sophistiquée du fameux « le chef a toujours raison»…
Mais nous l’avons dit et répété aux autorités : une démocratie n'a pas besoin d'un Quotidien national, les ressources et publicités qui lui sont allouées doivent être orientées, plutôt, vers la presse écrite privée. Celle-ci joue un rôle irremplaçable et garantit, à notre pays, une place autrement honorable, dans le concert des nations consacrant ainsi le principe de la liberté d'expression. Nous l’avons dit et répété, de même, aux partenaires extérieurs du développement démocratique de notre nation, notamment à ceux qui œuvrent pour l’ancrage d’une culture démocratique universelle: la presse indépendante est le poumon du débat républicain. Or, les uns et les autres n’agissent pas pour lui donner de l’air et du volume. Pilier incontournable de la démocratie et solide levier contre les entorses au développement, la presse écrite doit conserver la place qui est la sienne dans la consolidation des acquis démocratiques, notamment son rôle dans l’édification d’un Etat de droit. Pour ce faire, les pouvoirs publics, les partenaires au développement ; en somme l’ensemble des acteurs de la démocratie doivent au plus tôt assumer leurs responsabilités.