La commission d’enquête parlementaire, de tradition fort ancienne, est l’un des instruments à la disposition du parlement pour contrôler le gouvernement. La création de telle commission illustre généralement la volonté des représentants du peuple de faire la lumière sur des malversations présumées commises dans la gestion des biens publics.
C’est dans ce cadre, que l’assemblée nationale mauritanienne a procédé à la création d’une commission d’enquête parlementaire instaurée le 31 janvier 2020, pour éplucher l’attribution des plusieurs marchés douteux sous le régime de l’ancien président.
Lors de la conférence de presse du 14 février 2020, la commission d'enquête parlementaire (CEP) sur de fortes présomptions de mauvaise gouvernance et de détournements de biens a annoncé son ambition d'instaurer une bonne gouvernance dans la gestion de la chose publique dans le cadre du contrôle de l'action du gouvernement par le Parlement.
L’opinion publique suit avec passion les travaux des neuf membres de la CEP, qui auditionnent ministres et hauts fonctionnaires sur dix dossiers de gestion controversée : le fonds des recettes pétrolières, la vente des biens immobiliers publics dans la capitale, le contrat avec la société de pêche chinoise Poly Hong Dong, la gestion de la Fondation de la Société nationale industrielle et minière (SNIM), le marché de l’éclairage solaire, le marché du terminal des conteneurs du port de Nouakchott, la liquidation de la SONIMEX, entreprise publique d’import-export de produits alimentaires, auxquels ont été rajoutés les marchés de l’électricité de la SOMELEC, ceux des infrastructures (routes, aéroport, ports, aménagements) et ceux de la SNIM et sa politique commerciale.
Monsieur Lemrabott Ould Bennahi, le porte-parole de la CEP, a assuré lors de la conférence de presse du 13 mars 2020 à l'Assemblée nationale que les membres de la CEP étaient déterminés à réaliser leurs enquêtes en toute impartialité, sans stigmatisation aucune ; effectivement, la commission a réalisé sa mission sans stigmatisation, et sans ingérence aucune, ni de la part du pouvoir exécutif, ni de la part du pouvoir judiciaire, selon cette même commission.
Après la remise du rapport sanctionnant les travaux de la commission d’enquête parlementaire à l’assemblée nationale, celle-ci a procédé à une analyse approfondie des faits constituant, selon elle, des violations aux procédures légales et aux règles de bonne gestion, elle a émis des observations et des conclusions. Celles-ci portent, notamment, sur une série de propositions de mesures correctives relatives aux lois et procédures de gestion, et sur la transmission aux autorités judiciaires compétentes du dit rapport jugé professionnel et précis afin de prendre les mesures qui s’imposent.
La remise à la justice du rapport de l’enquête parlementaire a donné lieu au changement du gouvernement en place depuis l’investiture du président Ghazouani le premier Août 2019, dont des membres y compris le PM sont concernés de près ou de loin par plusieurs faits de mauvaise gestion inclus dans ledit rapport. Ce document présente des faits de corruption, de bradage de sociétés d’État ou encore de malversation dans des secteurs clés de l’économie comme les mines, le pétrole ou la pêche.
Le président de la république Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani s’est engagé au nom du pouvoir exécutif de respecter le principe de séparation des pouvoirs, ouvrant la voie devant les autorités judiciaires compétentes pour accomplir en toute liberté leur noble mission, conformément aux lois en vigueur, en République Islamique de Mauritanie ; ce qui ne peut être que très apprécié par tous, tant au niveau national qu’international. Le parquet d’un tribunal de la capitale a fait savoir, mercredi, qu’il avait reçu le rapport. Il doit ouvrir une enquête au terme de laquelle une instruction sera éventuellement ouverte et a promis des investigations en toute impartialité.
Devant cette précédente historique, dans un pays peu habitué à la transparence dans la gestion des deniers publics, comme le nôtre, il incombe aux élites éveillées, et au peuple mauritanien, dans toutes ses dimensions confondues, de faire un sursaut national pour défendre et préserver les acquis de l'enquête parlementaire, considérés indispensables dans la lutte continue contre la corruption, qui constitue la colonne vertébrale de la gabegie, principal obstacle au développement du pays.
Ali Eleyouta, chercheur indépendant