A l’occasion de la fête Nationale des Forces Armées le 25 Novembre 2014: Quelles relations entre pouvoir politique et hiérarchie militaire? Par le Capitaine Breyka Ould M’Bareck*

27 November, 2014 - 01:59

Les rapports entre les militaires et le pouvoir civil constituent un thème large et brûlant que toute tentative de l’exposer en quelques pages équivaut à être taxé de prétention intellectuelle.

Il ne serait donc pas raisonnable d’entreprendre cette analyse sans tenir compte des risques et des pièges que cela comporte.

 

La volonté de gouverner les hommes ou d’orienter la politique en s’appuyant sur la force des armes s’observe dans de nombreuses civilisations.

 

Mais la science politique continue de faire du monde occidental le centre essentiel, sinon exclusif de ses préoccupations. Vouloir interpréter le phénomène que pose le problème des rapports entre les militaires et le pouvoir civil qui se pose aujourd’hui hors du contexte habituel serait en net décalage avec le monde tel qu’il a évolué jusqu’à nos jours.

 

C’est dans cette optique que j’ai jugé utile d’apporter ma modeste contribution en ma qualité d’homme du sérail. 

 

Aujourd’hui les deux questions essentielles qui interpellent la classe politique, le corps social et les leaders d’opinion sont : qui prend les décisions du  pouvoir politique ou de la hiérarchie militaire ?  Quel est le contrôle que le pouvoir politique peut exercer sur l’Armée ?

 

Il s’agit sans doute de questions inhérentes à tout régime démocratique qui souhaite la prééminence du pouvoir civil sur les militaires.

 

Pour éviter de tomber dans la dénonciation gratuite, et complaisante des dangers du « pouvoir militaire », il faut partir de deux préalables méthodologiques permettant et privilégiant l’observation et le suivi de l’armée, ses activités, ses croyances, la manière dont les officiers perçoivent leur rôle dans la société, l’origine sociale des élites militaires pour ne citer que cela...

 

 

 

A chacun son domaine

Le premier préalable est de ne pas se limiter à une observation  strictement et exclusivement  sociologique de l’armée -l’institution et les membres- ni de la manière dont le pouvoir civil conçoit son rôle par rapport aux questions de défense, la marge de manœuvre qu’il accorde aux militaires, les moyens dont il se dote et les méthodes qu’il utilise  pour contrôler l’armée.

 

Le second préalable est de privilégier  une démarche comparative investiguant objectivement  les rapports civils – militaires. Dans ce cas pour les comprendre plus aisément, dans le cas de la Mauritanie, il est impératif de les replacer dans la période historique se situant de l’ère coloniale à l’indépendance.

 

Les rapports entre le pouvoir politique et l’armée ont longtemps été régis selon des règles simples, non écrites : l’armée s’abstenant de s’immiscer dans la politique, en échange le gouvernement ne s’ingérant que très peu dans la conduite des affaires militaires.

 

Ce pacte non écrit accordait en réalité aux militaires une grande influence sur la politique militaire du pays.

 

Les dirigeants politiques, à quelques rares exceptions prés, intimidés par l’uniforme, s’en remettaient aux chefs militaires pour toutes  les  décisions  relatives  à la défense.

 

A l’époque, le président  de  la  République, en sa qualité de commandant  en chef  des  Forces  Armées  et  de  Sécurité  ne  manifestait qu’un  intérêt  intermittent  pour  les  problèmes  de défense,  déléguant  à  des  ministres  de  la  Défense  sans autorité  réelle, à quelques exceptions près,  le soin d’imposer  le  point  de  vue "approprié"  aux autres  membres  du  gouvernement. C’est pourquoi il y a eu une coupure entre la politique et les affaires militaires et la conséquence fut les conditions catastrophiques, en particulier  l’impréparation, de notre armée à la veille de l’engagement dans la "campagne du Sahara".

 

L’avènement du 10 Juillet 1978 opère un tournant majeur dans la relation entre le pouvoir politique et l’armée. L’ordre militaire prenant le pas sur l’ordre politique.

 

En 1991, l’acceptation de la démocratie par le pouvoir militaire de l’époque offrait l’opportunité à la classe politique mauritanienne  d’inverser le rapport de forces au profit de l’ordre civil.

 

Malheureusement, le boycott des élections législatives en 1992 par la très grande majorité de la classe politique n’a pas permis le partage des pouvoirs entre le pouvoir politique et les militaires, ce qui devait favoriser la mise en place de nouvelles règles.

 

En 2007, les Forces Armées réussissent une transition démocratique unique dans son genre en Mauritanie.

 

Malgré son élection au suffrage universel, le président ne maîtrisait pas les mécanismes pour assumer pleinement les responsabilités que lui confère la constitution en sa qualité de commandant en chef des Armées. Il devait subir un apprentissage  politique pour lui permettre de comprendre la psychologie des chefs militaires et surtout d’envoyer des clignotants pouvant les rassurer. Cette lacune à fini par créer un climat de défiance qui a favorisé la « rupture » entre le commandant en chef et la haute hiérarchie militaire, fer de lance de son accession à la magistrature suprême du pays.  Une hiérarchie militaire très vite déçue par le nouveau pouvoir politique qui « aurait failli à sa mission et frustré les responsables des Forces Armées qui ont respecté leur engagement en organisant des élections libres dans les délais » et permis au peuple mauritanien d’élire librement un président en 2007.

Nécessaire dialogue national

 

L’armée se dresse en 2008 ouvertement contre le pouvoir politique et clame son souhait d’une "rectification", seule capable à ses yeux de s’opposer à la dérive dangereuse « qu’aurait prise » le pouvoir civil issu des élections libres et transparentes organisées par l’armée.

 

Alain disait  à ce titre dans son Propos de politique (1934) : « Quoi tant d’hommes  pour mourir et si peu pour braver les pouvoirs »

 

Le président actuel Mohamed Ould Abdel Aziz, l’homme de la « Rectification» a été élu et réélu lors d’élections libres et démocratiques. Il ne cesse de faire appel à la classe politique et au corps social pour la mise en place d’une alternative crédible.

 

Toutefois les responsables politiques, les intellectuels et les leaders d’opinion continuent à privilégier la politique de la « chaise vide » et du boycott.

 

     Aujourd’hui la subversion et l’extrémisme ambiants ont poussé certains groupes à choisir comme mode opératoire « la violence » et partant la confrontation avec le gouvernement qui entoure Monsieur le Président  Mohamed Ould Abdel Aziz et les chefs militaires chargés d’assurer la sécurité des populations et l’intégrité du territoire national.

 

Force est de constater qu’après la stabilisation de  la situation sécuritaire garantissant la République Islamique de Mauritanie des infiltrations subversives, l’heure est peut-être venue pour  des changements fondamentaux, des tactiques et stratégies politiques

 

La majorité comme l’opposition,  les "personnalités indépendantes", les syndicats et  la société civile devraient s’asseoir à la table de négociations pour parachever le dialogue national déjà entamé pour aboutir à un compromis national responsable et  honorable et, surtout, salvateur pour le pays et notre peuple.

 

A tous ceux qui clament haut et fort que les militaires doivent retourner dans leurs casernes et qu’ils ne sont pas bien indiqués pour l’exercice du pouvoir, je rappelle à titre historique que durant toute la période du XIXème siècle et la première partie du XXème siècle  la définition des rapports entre la pouvoir civil et les militaires dans toutes les civilisations a reposé sur deux grands principes essentiels : d’une part une complète subordination du pouvoir militaire à l’égard de l’autorité du gouvernement légal  et sa conséquence : ce principe fondamental entraine logiquement la seconde règle essentielle  l’armée doit faire preuve d’une attitude de total apolitisme.

 

« Le loyalisme de l’armée et son dévouement doivent être absolus! », enseignait-on à l’école militaire de Saint-Cyr au début du siècle.

 

Mais ces deux principes fondamentaux du code des rapports armée-pouvoir civil, déjà malmenés dans notre zone arabe (Egypte, Irak et Syrie particulièrement) et en Amérique latine ont été remis en cause, en France,  lors de la « chienlit », de mai 1958, qui a entraîné la chute des institutions de la IVème république.

 

En fait il s’est opéré une révision complète de certaines valeurs fondamentales au cours de ces dernières années dans beaucoup de milieux et consciences militaires.

 

Aussi avons-nous assisté à la répudiation, souvent douloureuse, de certaines conventions essentielles, l’abandon souvent déchirant de certains postulats  élémentaires qui guidaient, depuis plus d’un siècle, les règles de la morale militaire.

 

Dans ces conditions la très profonde mutation psychologique, intellectuelle et morale qu’à connue la société militaire dans le monde ne peut pas manquer de soulever d’importants problèmes d’analyses et surtout d’interprétations.

 

L’observateur objectif de l’évolution de la société militaire ces dernières années « ne doit-il pas  voir au contraire dans cette évolution une remise en question décisive, inéluctable et, peut être nécessaire-en tout cas logique- des principes essentiels sur lesquels reposaient traditionnellement dans un système de démocratie libérale les rapports du pouvoir civil et des militaires ».

 

Dans quelle mesure ces principes conservent-t-ils une valeur  d’efficacité pratique devant les tensions, les menaces et les conflits d’un type nouveau et auxquels doivent faire face les sociétés politiques contemporaines ?

 

C’est pourquoi est-il souhaitable de favoriser la naissance d’une classe politique et un corps social capables d’être une alternative crédible.

 

Pour cela, la politique de la chaise vide et le boycott ne sont plus les meilleures solutions.

 

Aujourd’hui, je lance un appel pressant en toute modestie, à tous les honorables responsables, ceux qui sont au pouvoir et ceux qui sont à l’opposition ou neutres d’accepter de s’asseoir sur la table d’un dialogue national constructif qui ne doit pas être un leurre. Mais plutôt confirmer notre capacité de privilégier l’intérêt supérieur de notre chère patrie et sa paix civile présente et dans celui des générations de mauritaniens de demain. Je terminerai mon propos en insistant sur la nécessité de la prise de conscience générale par la classe politique, la société civile et le leaders d’opinion indépendants que le monde actuellement est traversé par des tensions permanentes, des groupes qui imposent aux armées régulières une guerre assymétrique et des menaces d’un autre genre. Les forces armées demeurant le pilier de l’indépendance et de l’intégrité du territoire national. A ce titre elles méritent de la part de chaque citoyen respect et considération.

 

GLOIRE AUX FORCES NATIONALES

 

VIVE LE PEUPLE MAURUTANIEN

 

VIVE LA REPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE

 

 

*Ancien officier de tir de la première batterie d’artillerie sol-sol

 

-Ancien Commandant de la 1ère batterie d’artillerie sol-sol (Aousred)

 

-Ancien Commandant du Centre d’Instruction d’Artillerie Aoussred,

 

-Ancien Commandant du sous-groupement de combat

/baron unité (2ème région militaire-F’dérick)

 

-Ancien Commandant du Centre d’Instruction de l’Armée Nationale – Rosso

 

Ancien Commandant du Groupement Autonome Blindé - Fdérick

 

 -Ancien Commandant de la 2ème région militaire - Fdérick

 

-Ancien commandant de la  5ème  région militaire - Néma

 

-Ancien commandant de la 6ème région militaire – Nouakchott

 

DECORATIONS ;

 

A) citation à l’ordre de l’armée

b) citation à l’ordre de l’unité

c) médaille d’honneur de 3°classe