Les affaires d’achat de l’avion présidentiel et du marché d’achat d’armes ont causé récemment une grave crise entre le Mali et ses bailleurs de fonds, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) qui ont menacé de suspendre leurs financements en faveur du Gouvernement, soupçonné de corruption.
Des affaires similaires qui ont pourtant été dénoncées en Mauritanie par la presse et à l’Assemblée nationale, n’ont cependant pas choqué outre mesure les experts du FMI et de la BM. La similitude entre ces ‘affaires africaines’ est pourtant frappante pour celui qui veut bien la voir.
Il s’agit notamment du don saoudien de 50 millions de dollars, dépensé hors de toute procédure budgétaire et de passation de marchés publics pour l’achat d’armes et d’équipements militaires, et de l’acquisition dans l’opacité la plus totale de 3 avions B737 au profit de la compagnie publique de transport aérien, dont la principale utilité est d’assurer les fréquents déplacements du Chef de l’Etat, dont l’un des plus récents était à destination du Sri Lanka (!).
Le régime mauritanien a encore fait ‘mieux’ que le Gouvernement malien, puisqu’il a signé toujours dans l’opacité et en violation de toute légalité, un marché relatif à la création d’une usine de montage d’avions « made in Mauritania » et à l’achat d’une dizaine d’avions facturés 4 fois le prix catalogué. En application des dispositions du contrat, le Gouvernement a immédiatement versé près de 7 millions de dollars à un obscur partenaire américain, un certain Tom Gibson, disparu des radars depuis lors.
Au cas où ces experts hyperconnectés seraient passés à côté de ces affaires, peut-être ont-ils eu connaissance d’autres faits tout aussi graves dont on pourrait citer par exemple :
-l’enrichissement exponentiel ex nihilo en un temps record de la première famille à l’aide d’un petit groupe d’intermédiaires choisi exclusivement au sein de la parentèle du Chef de l’Etat, désormais à la tête d’un groupe tentaculaire opérant dans les secteurs des hydrocarbures, de la banque, des assurances, du ciment, de l’immobilier, de la logistique minière, de la location de camions et d’engins lourds, du BTP… ;
-les enregistrements d’Accra qui n’ont pas encore délivré leurs secrets et qui n’ont fait l’objet d’aucune enquête judiciaire, alors que le Chef de l’Etat a reconnu qu’il s’agissait bien de sa voix que l’on entendait dans la conversation enregistrée avec le mystérieux partenaire irakien à propos de mystérieuses malles contenant des ‘billets’;
- les dizaines de milliers de lampadaires installés à profusion dans tout le pays, acquis en dehors de toute procédure...
Et il est aussi difficile de ne pas citer dans cette liste illustrative le fameux marché de l’aéroport international de Nouakchott, passé sans appel d’offres, et dont le coût est indéterminé. Les estimations du coût de ce marché vont en effet du simple au quadruple, et pour aider l’entreprise à réaliser les travaux dans les conditions financières les plus confortables, l’Etat lui accordé, par l’intermédiaire de sa vache à lait qu’est devenue la SNIM, un prêt de 30 millions de dollars.
Ce qui a tant choqué les experts du FMI et de la BM au Mali n’a apparemment pas ému plus que ça leurs collègues chargés de la Mauritanie, pour des faits beaucoup plus graves. Au contraire, et au lieu de dénoncer toutes ces malversations et d’exiger que la lumière soit faite quant à leurs tenants et aboutissants comme cela a été le cas au Mali, ces experts se fendent périodiquement de communiqués et de déclarations dithyrambiques louant la bonne gestion et les bons résultats économiques du Gouvernement mauritanien, érigé en modèle de bonne gouvernance.
En fermant les yeux sur autant d’affaires qui ont coûté à l’un des pays les plus pauvres du monde des centaines de millions de dollars, ce qui excède le concours financier cumulé des 2 institutions, les experts du FMI et de la BM ont-ils reçu quelques ‘cadeaux’ et ont-ils pensé que ce régime n’est pas éternel et qu’ils pourront valablement être poursuivis, notamment auprès de tribunaux américains, par le peuple mauritanien pour complicité de détournement de deniers publics et de blanchiment ?
Et ils ne pourront pas prétendre pour leur défense qu’ils n’étaient pas au courant, toutes ces affaires ayant été largement publiées dans la presse (souvent avec documents à l’appui) et répertoriées dans un récent document de l’opposition transmis à toutes les chancelleries et aux représentants résidents (honorables correspondants) du FMI et de la BM.
Tout comme ils ne pourront recourir à la justification classique des bourreaux et des tortionnaires au service des dictateurs « qu’ils n’ont fait qu’exécuter les ordres de leur hiérarchie », une hiérarchie aveuglée par ses obsédants soucis de guerre contre le terrorisme et de lutte contre l’immigration, au point de sacrifier tous ses principes de lutte contre la pauvreté, de démocratie, et de transparence, clamés et revendiqués à toute occasion. Ces experts ne sont pas d’incultes sbires au service du chef : il s’agit-là de hauts diplômés sortant des meilleures universités internationales, grassement rémunérés, astreints contractuellement aux principes de déontologie et de rigueur les plus stricts et connaissant parfaitement les objectifs de leurs Institutions, notamment en matière de lutte contre la pauvreté et de chasse aux malversations.
Ils doivent donc dès à présent mobiliser leurs départements juridiques pour trouver une autre défense, non seulement pour eux mais aussi pour leurs dirigeants : leur complicité de crimes envers un des peuples les plus pauvres du monde ne peut rester impunie.
Mohamed ElBoukhari