L’ambassadeur des États-Unis à Nouakchott, Son Excellence monsieur Mickael Dodman, vient de remettre au Premier ministre un rapport sur la situation des droits de l’homme en Mauritanie. Selon les déclarations du diplomate et de plusieurs membres du gouvernement, la Mauritanie aurait fait de notables progrès dans le respect de ces droits. Grosse vague de satisfecit de toutes les structures en relation de près ou de loin avec la gestion de ce mandat propre à redorer le blason, très terni sur la scène internationale, d’un pays encore récemment objet des plus graves accusations. Ce rapport représente une vraie reconnaissance des efforts entrepris pour booster le respect des lois, conventions et chartes que la Mauritanie a signées dans les divers domaines afférents aux droits et à la dignité de l’humain. Le pays revient de loin. Tantôt accusé d’être un des pays les plus esclavagistes au Monde, au point que ces mêmes États-Unis l’ont suspendu des facilités commerciales que lui offrait l’AGOA ; tantôt mis au ban des nations pour violations flagrantes et répétitives des droits les plus fondamentaux. Les émissaires du gouvernement aux sessions ordinaires de Genève revenaient régulièrement porteurs de recommandations, libellées dans un discours diplomatique à peine voilé, demandant à la Mauritanie davantage d’efforts dans l’observance des droits et du respect des normes internationales auxquelles elle a volontairement adhéré. Certes, aucun pays au Monde y compris ces grands donneurs de leçons, cela va sans dire, ne peut prétendre respecter dans l’absolu l’intégralité des droits de l’Homme. Bavures policières et propos fort désobligeants de quelque de leurs très hauts responsables prouvent formellement l’étendue du chemin encore à parcourir partout en ce bas-monde. Inutile donc de pavoiser. Les gouvernants mauritaniens doivent bien se garder de toute politique de l’autruche et refuser de se laisser endormir par les flatteries tendancieuses de quelques cercles officiels et officieux dont beaucoup ne mesurent guère la dangerosité de leur flagornerie. Le Commissariat des droits de l’homme et des relations avec la Société civile, la Commission nationale des droits de l’homme, le Mécanisme national de lutte contre la torture doivent jouer leur partition en toute indépendance, afin de donner au gouvernement des informations lucides, objectives et fiables, bases indispensables à l’élaboration de stratégies et de programmes : garantissant la promotion des droits humains et le respect de nos engagements, d’une part ; réglant, d’autre part, les questions d’injustice sociale issues de pratiques rétrogrades comme l’esclavage ; et combattant, enfin, le racisme, la xénophobie et la haine intercommunautaire, véritables menaces contre la cohésion et la cohabitation entre les différentes communautés internationales. Il est vain – pire, toxique – de fournir des données tronquées déniant l’existence de cas d’esclavage en Mauritanie. La dénégation est la pire ennemie de l’éradication du phénomène. Mais avant de s’ingénier à débusquer de nouveaux cas, via un mécanisme douteux basé à Nouakchott, la Commission nationale des droits de l’homme devrait pousser les tribunaux à juger sans plus de délais les dossiers déjà constitués dont certains sont pendants depuis plus de dix ans. La vieille rengaine de l’existence de pratiques esclavagistes n’est plus d’à-propos, en ce que leurs séquelles : maladie, pauvreté massive, ignorance, état-civil déficient, accès interdit ou restreint à la propriété foncière et à la richesse… ; sont beaucoup plus dramatiques et touchent plus de deux millions de Mauritaniens. Le véritable défi est la capacité des structures en charge du règlement de cette problématique : Commission et Commissariat aux droits de l’homme, Agence Taa’azour et autre Commissariat à la sécurité alimentaire… ; à mutualiser leurs efforts humains et budgétaires pour concevoir de vraies politiques et d’efficaces programmes, tenir les engagements inscrits dans leur cahier respectif de charges, en prenant bien soin de respecter les fondamentaux de bonne gouvernance et gestion transparente des dizaines, voire centaines de milliards que l’État leur a alloués. Toute autre position ne serait que conjectures et perte de temps.
El Kory Sneiba