Je crois que le gouvernement a compris que la presse, ce n’est rien. Pas plus que cela. Tout peut se passer sans elle. Des responsables peuvent ainsi fort bien se réunir sans la presse. Surtout cette presse indépendante qui se croit tout permis. Qui croit toute vérité bonne à dire. Tout mensonge bon à répandre. Cette presse machin qui tantôt vilipende, tantôt complimente, chante ou déchante, flagorne ou glorifie. Voilà que le Premier ministre a serré les journalistes indépendants et les journalistes résistants, sans que le ciel ne tombe sur la tête de quiconque, sans que la terre n’arrête de tourner, sans que rien ne se passe. Avec le ministre numéro un, seuls les journalistes dépendants de la Mauritanienne, de la radio ou de l’agence, étaient présents. Comme ça, les gens n’entendront que ce que le Premier ministre veut bien qu’ils entendent : le pays va bien. C’est la première fois que ça va bien. Le Président les aime et pense à eux. La preuve : après les colis de riz, huile, pâtes, sucre, lait, thé vert et je ne sais quoi encore, octroyés depuis trois mois, voici un mandat de 22.500 anciennes ouguiyas qui vous sera envoyé via des gens qui ne « mangent pas leur commission ». Incha Allah, incha Allah. Cependant, moi, journaliste indépendant dont « l’affaire est nombreuse », n’ai jamais rencontré, à ce jour, un citoyen reconnaissant avoir reçu le moindre rien de vos envois. Veuillez donc à vérifier à la source, à mi-chemin et à l’arrivée. Surtout que les populations ciblées, pompeusement, tapageusement et indignement appelées vulnérables, cumulent de très mauvaises expériences, avec la viande de Saoudiya, les terrains de l’ADU, les paniers et produits alimentaires du mois béni de Ramadan. Enfin, bref, discours du Premier ministre : Il y a le coronavirus ; mais al hamdoullilah, soit on en guérit, soit on en meurt. Et, selon le Premier ministre, il vaut mieux mourir à l’hôpital que chez soi. Comme ça, vous serez comptabilisé et ferez partie du bilan général que le ministère de la Santé diffuse chaque soir aux environs de dix-neuf heures. Avec le coronavirus, c’est comme dans un match de football. Ce n’est pas ce qu’a dit le Premier ministre (qui ne doit probablement pas être un grand footballeur) mais c’est tout comme. La situation était sous contrôle à la première étape de la pandémie : un à zéro pour les Mourabitounes. Puis égalisation à la deuxième mi-temps. Un à un. On est en prolongation. Incha Allah, la Mauritanie vaincra ! Incha Allah : qui disait que « Parler, parler, ce n’est pas bon » ? Le peuple mauritanien on ne sait pas « d’où est-ce qu’on lui vient ». Pour s’être exprimé juste trois à quatre fois en huit ou neuf mois, les gens commencent à dire que c’est trop ; que le Président parle beaucoup. Les Mauritaniens sont extraordinaires. Leurs présidents, ils les classent en roublard, méprisant, calculateur, manipulateur, va-t-en-guerre, machiavélique, doucereux, sardonique, baroudeur... Combien, au fait, des indépendances à maintenant ? Et puis, pour les Mauritaniens, toutes les choses et même les personnes sont, soit d’origine, soit de pacotille. Exactement comme les chargeurs de téléphone. Un Président d’origine et un autre directement venu de Taiwan ou de Chine, comme le coronavirus. Ainsi, il y a les présidents d’origine et les pas d’origine. Les ministres d’origine et les pas d’origine. Les députés d’origine et ceux de mauvais arrivage. Les journalistes d’origine (exceptionnellement peu nombreux) et les made in Taiwan de très mauvaise qualité qui jonchent les rues et tirent leurs brides. J’ai vu quelqu’un présenter le nouveau CEMAG des forces armées et de sécurité. Comme s’il tombait du ciel. Alors qu’il est là, macha Allah, depuis au moins quarante-quatre ans sous le drapeau. Pauvres de nous ! Il n’y a que trois manières de se rappeler de vous : bien mourir, bien monter ou descendre avec fracas. Salut.
Sneiba El Kory