Il n’y avait pas de quoi paniquer, lorsque le ministre de la Santé, le docteur Nadhirou, invita les Mauritaniens à ne pas s’y abandonner quand les premiers cas ont commencé à éclore dans le pays. Mais les larmes ont coulé, depuis, et la peur commence à s’installer. Les appels à l’apaisement du président de la République et du même ministre de la Santé affirmant que la situation est sous contrôle n’y changent rien. Au contraire, la multiplication des cas commence à semer le doute dans l’esprit des Mauritaniens. Certains peinent à croire que les chiffres qu’expose, lors de son point de presse quotidien, le directeur général de la Santé publique soient réels. Le chiffre fatidique de mille cas désormais atteint, nul spécialiste ne saurait nous dire quand touchera-t-on le pic tant attendu à partir duquel la courbe se décidera à descendre. Le nombre de décès et de guérisons n’incite guère à l’optimisme. N’empêche, il faut vivre pour espérer voir nos soignants remporter la bataille et les Mauritaniens doivent d’autant plus les y aider que, ce faisant, ils s’aident eux-mêmes. Il s’agit donc de notre responsabilité, tant individuelle que collective, et le président de la République y a beaucoup insisté, dans son discours de l’Id El Fitr, en nous enjoignant à l’assumer. C’est dire que l’heure est grave, nous devons tous changer de comportements, nous adapter à cet étranger qui s’est invité chez nous. Appelés à vivre dorénavant avec lui, les Mauritaniens doivent observer un minimum de discipline et de civisme : il y va de leur intérêt et de celui de leur pays. Mais pas de panique, disent les responsables. A-t-elle d’ailleurs jamais aidé quiconque à affronter une difficulté ?
Dynamisme
Si les citoyens ont l’impérieux devoir de respecter les gestes-barrières, seules armes à ce jour connues pour endiguer la propagation du virus, le gouvernement doit, quant à lui, revoir rapidement sa stratégie de riposte. Le ministère de la Santé recadrer son dispositif médical et sa communication. Des erreurs sur les chiffres et les résultats des tests ne sont pas admissibles à ce niveau : elles donnent une impression de tâtonnements, pour ne pas dire incapacité. Les citoyens ne peuvent pas comprendre qu’on leur dise qu’un tel est malade ou mort de COVID et, quelque temps plus tard, affirmer le contraire. Le récent cas de Nouadhibou et la polémique qui s’en est suivie, entre les autorités municipales, administratives et le ministère de la Santé est révélateur de telles hésitations. La prise en charge des malades et la gestion des centres d’accueil des personnes mises en quarantaine ont suscité également de nombreuses critiques au sein de l’opinion, poussant des malades à rester chez eux, au lieu d’aller vers les structures de santé. Nombre de nos hôpitaux ont réduit au strict minimum leurs prestations, soignants et citoyens craignant d’attraper le virus sur leur lieu de travail. Le lancement, par le département, d’une campagne dite de « vigilance communautaire » contribuera-t-elle à changer les comportements ? Wait and see !
En attendant, le président de la République doit rompre le silence dans lequel il se mure depuis la fête. Sa parole est importante pour rassurer les citoyens dans une situation où la crédibilité du gouvernement est fortement remise en doute. Lui qui a assuré qu’aucune faute ne serait tolérée dans la gestion de la pandémie, il doit éclairer les Mauritaniens sur ce qui se joue réellement aujourd’hui. De l’avis de plusieurs observateurs, le gouvernement a beaucoup plus misé sur le volet économique et social que sur les mesures sanitaires et préventives. Il faut là aussi revoir la copie.
De son côté, le comité interministériel a montré ses limites ; il est aussi transparent que son président, le premier des ministres. Ses membres ne sont visibles quasiment nulle part sur le terrain et sa gestion du fonds spécial COVID laisse un goût amer chez nombre de citoyens en l’attente seulement de l’odeur du blé et de l’huile promis dans le cadre de ce fonds. À l’intérieur du pays, certains villages n’ont vu qu’à peine deux kilos de poisson. Ils attendent toujours. Qu’apportera la récente rencontre entre ce comité et les ambassadeurs des pays de l’UE ?
Enfin, le très grand vacarme qui accompagna le lancement du programme de lutte contre le COVID est en train de dégonfler. Les directs avec les walis offerts par la TVM ne convainquent personne, pas plus que le déploiement occasionnel des forces de l’ordre. Pas de panique, c’est évident. Mais est-ce une raison pour autant de s’endormir ?
Dalay Lam