La semaine dernière, j'ai perdu quatre de mes plus proches connaissances. Il s'agit d'un ami qui était en bonne santé apparente, d'un voisin qui avait une insuffisance rénale et de deux parents, qui avaient parait-il une maladie cardiaque chacun...!
Un autre ami, hypertendu, frôle de peu la mort à chaque annonce ministérielle d’un nouveau cas de Covid 19 ; ses pics hypertensifs restant incontrôlables, quelques jours durant !
C'est pour dire, combien elle est lourde, l'atmosphère qui prévalait et qui prévaut encore !
Je vais alors, me permettre de l'aborder dans ce papier, un tout petit peu, en défrichant son contexte et ses conséquences.
Le contexte est dominé donc par l'apparition brutale et généralisée de cette effrayante épidémie. Il est également et surtout dominé par la mise en place des mesures individuelles drastiques et contraignantes à une échelle universelle. Ce sont des mesures exécutées avec un tracking collant et avec une maîtrise sans précédent. Du jamais vu...même au temps de Staline !
Agitation sans égal
Ceci étant, il est peut-être utile de rappeler que les épidémies que l'humanité a connues depuis la fin du siècle dernier, ont toujours effrayé démesurément...!
Nous avons tous en mémoire la décimation d'une précieuse partie du patrimoine bovin mondial et la perturbation de nos échanges commerciaux à cause d'une épidémie de vache folle. Nous avons également en mémoire les déversements répétitifs des cargaisons entières de volailles dans la mer à cause d'une grippe aviaire !
Le monde donc a l'habitude de s'agiter devant les épidémies. Mais son agitation actuelle est sans égal. Il ne manquait peut-être que ces smartphones et ces réseaux sociaux pour qu'elle soit à ce point, étouffante !
Je reconnais en fait que les épidémies sont effrayantes par leur histoire (la peste noire) mais aussi par leur brutalité et leur célérité. Mais cela n'empêche que nous devrons aussi reconnaître que leur mortalité a toujours été basse - pour celles qui sont contemporaines évidemment - comparée à celle des autres maladies.
Ainsi, en la rapportant à celle des maladies infectieuses endémiques, elle est en moyenne, d'un décès contre trente. Et en la rapportant à celle des maladies non-infectieuses, c'est-à-dire celles du cœur, le diabète, les accidents vasculo-cérébraux, le cancer etc.., elle est seulement d'un décès contre mille.
Il ressort de cette petite comparaison facile à faire, que la réaction de notre système de santé face à la maladie nous emmène à considérer l'existence d'un spectre à deux pôles. Le premier est celui des épidémies où l'angoisse et la mobilisation sont sans réserve aucune, dans le monde entier. Le second est celui des maladies chroniques, source sournoise de la morbidité (vulnérabilité) et de la mortalité. Là l'angoisse et la mobilisation ne sont pas visiblement de pair. Entre les deux pôles se trouvent celui des maladies infectieuses endémiques qui est à un niveau intermédiaire des dégâts et de prise en charge.
Ces deux pôles, en réalité, forment deux entités imbriquées. Ils ne manquent absolument pas d'effets réciproques malgré le grand fossé qui les séparent. L'un, en effet, est le terrain de prédilection de l'autre. On peut appeler cela un tropisme épidémique pour les malades chroniques fragiles. Ce tropisme mortel a vraisemblablement deux mécanismes : dans le premier l'épidémie peut tuer par sa propre physiopathogénie les vulnérables parmi nous ; dans le second elle peut tuer indirectement par la frayeur et l'angoisse qu'elles dégagent. Les malades fragiles, en effet, décompensent facilement !
Cette relation avec les maladies chroniques doit donc nous sensibiliser sur l'importance d'une réaction réfléchie et avertie face à toute épidémie. Cela permettrait certainement d'épargner un nombre incalculable des années-vies...
Surmonter la peur
Tout laisse en effet, à croire, en tout cas, que ce niveau de réflexion requis, n'est pas présent dans cet épisode actuel. Les champs sont laissés libres à la peur !
Les mesures appliquées vont utiliser les réseaux sociaux chaotiques pour passer des messages horribles et effrayants à longueur des journées, des semaines et des mois sans prendre en compte les spécificités sanitaires des populations fragiles. Ils vont aussi entretenir un stress ennuyant, maintenir une sédentarité morbide et favoriser l'installation d'une grave précarité. Ces champs de la peur vont donc produire un terroir idéal pour le développement des états prédisposant aux maladies chroniques, ils vont entraîner une augmentation de l'incidence de ces maladies là et enfin ils vont précipiter les complications de ces maladies...
Nous sommes donc probablement dans un cas de figure où, en cherchant à lutter contre un grave problème sporadique, nous altérons encore beaucoup plus gravement une situation sanitaire dans sa globalité : dans son étendue et dans sa durée.
C'est le lieu peut-être revenir aux décès qui m'ont affligé la semaine dernière et qui peuvent probablement être dus ne serait serait-ce qu'en partie au contexte de l'épidémie. Si c'est le cas, ne trouvez-vous pas que cet effectif funéraire, relevé à une échelle individuelle, est très alarmant ?
Et si cela était un décompte immédiat, quelle serait-il dans le moyen et long terme si l'on considère qu'il y aurait eu une augmentation de l'incidence des maladies chroniques et une aggravation de la précarité de nos populations ?
Entrerions-nous ultérieurement, dans un cercle vicieux encore plus miséreux...?
En effet, nous nous retrouvons dans une situation qui prête à croire qu'il faut à tout prix surmonter notre peur quitte à la monnayer par nos propres vies. Et cette attitude bien désinvolte, si elle s'avère plausible, m'emmène à me poser une autre question : La philosophie de la santé, son esprit et son essence, qu'est-ce qu'ils sont au juste ?
Sont-ils des outils d'assurance et d'accompagnement quand l'humanité va mal ou plutôt un appareillage remuant dans les plaies douloureuses ou diffusant la peur dévastatrice dans tous les sens ?
En résumé toutefois, il se peut que dorénavant, d'une part, nous prendrons conscience des effets collatéraux graves, liés aux mesures hâtives dictées par la peur face aux terreurs d'une épidémie et d'autre part, nous aurions une autre appréhension de la qualité des systèmes de santé en terme de raisonnement et de principes.