Nous, on va continuer à tourner en rond jusqu’à quand ? Comme disent les bédouins « Chaque fois qu’un pied décolle, un autre s’enlise ». Ça veut dire ici que les Mauritaniens sont forts en gymnastique. Aussi bien ceux dans la cabine de pilotage que ceux en cabine arrière. Je vais m’expliquer mais, avant, je tiens à préciser que cela dure depuis longtemps : des indépendances à nos jours. Il y a quand même un problème. Et quand il est sérieux, on lui trouve généralement toujours un autre moins sérieux à lui opposer. Regardez cette histoire de résistance : armée ou culturelle ? D’une part les guerriers, d’autre part les marabouts. Seulement. Les autres, comme a dit un jour quelqu’un se prétendant président d’un parti de défense des droits d’une certaine communauté, ils n’ont rien fait. Comme si dépecer les moutons, les griller, les découper, apporter les gros plats, les distribuer, faire de bons zrigs, thés et galettes de mil dont raffole justement notre fameux négationniste n’était pas quelque chose. Comme si tout ça, en plus de planter les tentes, les défaire et les déplacer ; aller puiser l’eau et chanter le soir au clair de lune les louanges du Prophète ou déclamer de petits jolis « gavs » sur la « Chenna », ce n’était pas quelque chose. D’ailleurs, eywe, qui fabrique le fusil pour résister ? Qui fait la tablette pour lire le Coran ? Qui entretient les troupeaux ? Surtout de chameau et de chamelles au lait exquis et savoureux dont raffolent les guerriers et les marabouts… Un fils de « grande » tente m’a raconté qu’un jour, ils étaient une vingtaine de fils d’autant de grandes et spacieuses tentes partis se balader en brousse, comme ont souvent le temps de prendre les fils de grandes tentes. Vers quatorze heures, il fallait bien manger, puisque ils ne sont pas aussi anges qu’ils le pensent, les fils des grandes tentes. Ils avaient tout prévu pour leur excursion : thé vert, sucre, ustensiles, eau, sucre et même un gros cabri bien gras. Mais comme ils étaient tous des fils de grandes tentes, ils ont passé la journée en brousse « dans la brousse » : personne ne voulait, à cause de la grandeur de la tente de son père, procéder ni au dépeçage ni à la préparation du zrig ni du thé ni de rien. Les fils de grandes tentes passèrent donc la journée à se regarder affamés par la grandeur des tentes de leurs parents. C’est un peu suivant cette logique de grande ou petite tente, grande ou petite hutte, que ça se passe en tout. C’est suivant que tu es fils ou fille de grande ou petite tente que tu seras coopté pour tel ou tel poste. Que tu seras jugé ou absous pour tel ou tel forfait. Que ta tribu ou ta région va se mobiliser, quand tu seras dans le collimateur de la Cour des comptes, de l’Inspection générale voire, sait-on jamais, de la commission d’enquête parlementaire. C’est selon le volume de la tente de tes parents qu’on jugera ou non de citer ton nom dans les affaires ou les faits divers. Tantôt, c’est directement Bilal ou Mohamed qui a violé, volé ou est impliqué. Tantôt c’est « le fils d’une famille de renom aurait violé, volé ou serait impliqué ». Anonymat et conditionnel dubitatif… Comme quoi, selon que vous soyez… Imaginez, en cette histoire dite des « créanciers de Cheikh Ridha », que le malfrat fut fils d’une petite tente ou d’un minuscule hangar… Bref, tout cela, c’était pour parler un peu de la grosse polémique autour de la dernière loi votée par le Parlement. Une loi sur le droit des femmes et des filles à ne plus subir une quelconque violence. Toutes les filles et toutes les femmes des grandes, moyennes et petites tentes, des grandes, moyennes et petites huttes. Et la levée de boucliers suscitée par les propos d’une parlementaire justement par rapport à cette loi. Comme toujours, les ministres, les députés, les artistes, les bloggeurs et autres sont le petit mur, quand, tant pis pour eux, ils ne sont pas fils ou filles de grandes tentes ni de grandes huttes. Eywe, c’est comme ça ! N‘est-ce pas, Excellence Monsieur le Ministre des Affaires Islamiques ? Salut.
Sneiba El Kory