Bientôt dix mois que le président Mohamed ould Cheikh Ghazwani est aux affaires. Avec son gouvernement de quelques dizaines de ministres, il essaie de réaliser quelque chose des engagements qui lui ont valu d’être élu par les Mauritaniens. Mais, à dire vrai, rien d’extraordinaire n’a été accompli. Aucun geste fort pour lancer une véritable volonté politique de rompre avec de vieilles et moches habitudes fortement ancrées par une quarantaine d’années de pratiques assidues. On relève, bien sûr, diverses actions ponctuelles… à classer sans débat au rayon « propagande démagogue ». Il est tout aussi évident qu’elles ne suffisent pas à susciter un réel espoir de voir enfin ce peuple, meurtri par tant d’années de mauvaise gestion organisée, mépris cinglant et souffrances multiples, sortir de la précarité ambiante, atteindre au droit fondamental de vivre dignement, en profitant équitablement des innombrables ressources que recèlent sa terre et sa mer. Ce peuple a besoin de vivre. Et cela impose de rompre définitivement avec les modes opératoires du passé. Depuis quand l’école est-elle en déliquescence ? Depuis quand le secteur de la santé agonise-t-il ? Depuis quand l’insécurité est-elle ambiante ? Depuis quand les prédateurs saccagent-ils impunément nos ressources nationales ? Depuis quand les plus de trois millions de pauvres du pays souffrent-ils le martyr, dans les plus choquantes conditions de vie ? Qu’une petite oligarchie s’accapare-t-elle sans vergogne de quasiment tous les biens du pays ? Que la méritocratie n’est-t-elle plus qu’un vain mot ? Depuis quand que le népotisme, le favoritisme, le tribalisme, le régionalisme et même le racisme et autre n’importe quel « isme » sont-ils à la base des promotions, généralement indues donc, aux plus hauts postes de responsabilité ? Que les exaspérations intercommunautaires et les ferments de tensions sociales sont-ils attisés par des groupes sataniques de tous bords, visant à rééditer quelque basse besogne profitable à des pyromanes malveillants à la solde d’on ne sait qui ni l’on ne sait quoi ? C’est depuis quand que l’économie se détériore ? La descente aux enfers de la SNIM, la banqueroute des établissements publics, les scandales répétitifs impliquant parfois jusqu’au président de la République, les affaires scabreuses des ports nationaux, de la Banque centrale, du Trésor public, l’opacité totale sur les mécanismes de recouvrement et de gestion de fonds des directions générales des impôts et de la douane, ou encore des procédures de liquidation des dossiers à la direction générale du Budget et des comptes de l’État ? Que la politique piétine ? Que fait la majorité, à part bénir continuellement l’action du Président et de son gouvernement ? Où sont les oppositions ? Sinon à attendre on ne sait quelle perspective ? Quarante ans, quarante longues et épuisantes années que la situation ne change guère ! Les constats ne suffisent pas. Il faut agir. C’est jusqu’à quand, par exemple, que les ministères chargés de la réforme de l’Éducation vont-ils attendre à passer aux actes concrets, déclinés en stratégies et politiques véritablement mises en œuvre par des staffs compétents, correctement choisis parmi les milliers de cadres dont regorgent ces deux départements et entamer, enfin, le sauvetage promis de notre système éducatif mauribond ? Quand donc les populations, pompeusement et démagogiquement appelées, par les gouvernants, « couches vulnérables » vont-elles sentir, concrètement, l’impact des programmes d’agences comme le Commissariat aux droits de l’Homme, Ta’azour ou autres institutions censées dédiées à la lutte contre la pauvreté et au bien-être de ses victimes ? Jusqu’à quand faudra-t-il se résigner à voir, comme au temps de Tadamoun, du Programme d’éradication des séquelles de l’esclavage ou du défunt Commissariat aux droits de l’Homme, à la lutte contre la pauvreté et à l’insertion, les budgets substantiels dévorés par des riches et facturés sur le dos des pauvres ? Les prévaricateurs continueront-ils à voler dans les ministères, les coordinations de projet, à la tête de gros établissements nationaux ? Les nominations et les promotions aux postes d’ambassadeur, administrateur, comptable public, conseiller, chargé de missions pléthoriques et autres hautes fonctions continueront-elles à se faire comme avant, c'est-à-dire comme il y a juste quelques jours ? Va-t-on continuer à endormir le peuple et à le détourner de ses vrais problèmes, via commission d’enquête parlementaire, loi sur le genre ; ou en faisant fuiter, de temps en temps, par le canal de quelque acolyte des renseignements, des enregistrements au contenu aussi nul qu’indécent ; ou, encore, en divulguant d’inquisiteurs rapports d’une société électrique en mal de remplir ses engagements envers ses clients ? Monsieur le Président, agissez ! Jusque là, ce n’est que du déjà vu !
El Kory Sneiba