Actuellement à la retraite, M. Ball Mamadou a été successivement Interne des hôpitaux de Dakar, Assistant des CHU de Dakar et de Bordeaux, Professeur à la faculté de médecine de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar avant de devenir conseiller au bureau régional de l’OMS à Dakar. Une fonction qui lui a permis de voyager à travers plus de 40 pays africains et l’occasion donc de connaître les systèmes de santé publique du Continent. Poursuivant sa carrière au sein de l’OMS, il devient ensuite Représentant de l’OMS dans plusieurs pays. Son dernier poste aura été la Côte d’Ivoire. Pr. Ball est aujourd’hui le président de la société mauritanienne de dermatologie et vénérologie qui planche sur un projet de télé-dermatologie.
De retour au pays en 2011, ce spécialiste qui a gravi le plus normalement du monde les échelons menant au professorat de dermatologie vénérologie a initié l’enseignement de la Dermatologie à la Faculté de Médecine de Nouakchott et a servi au service de dermatologie de l’hôpital National.
Le Calame : La Mauritanie vient d’enregistrer son 8èmecas de COVID19, ceci après l’annonce il y a près de dix jours, de l’absence de cas positifs dans le pays. Que vous inspire cette découverte ? Et quelles mesures les autorités doivent-elles prendre pour éviter de telles mauvaises surprises ?
Pr. Ball : La découverte d’un nouveau cas de COVID 19 montre que le système de surveillance mis en place par les autorités nationales fonctionne correctement. Cela montre aussi que les mesures de prévention édictées sont pertinentes et méritent d’être poursuivies.
Il faut se féliciter de la rapidité avec laquelle les mesures appropriées ont été prises par les autorités car ces mesures ont permis le bilan très favorable dont jouit notre pays. Bien entendu, chacun d’entre nous doit être conscient du risque potentiel que peut constituer cette affection et nous devons donc respecter scrupuleusement les mesures préconisées par les autorités en charge.
Il s’agit d’une pandémie et tant qu’il y aura des cas chez nos voisins et ailleurs dans le monde, la vigilance doit être maintenue.
Personnellement je fais entièrement confiance aux autorités nationales pour adapter les dispositions et mesures en fonction de l’évolution de la situation nationale.
- Le COVID 19 a dévoilé les limites de nos systèmes de santé. Quelles leçons doit tirer le gouvernement mauritanien de cette pandémie ?
-C’est un lieu commun que de dire que le COVID 19 a montré les limites des systèmes de santé des pays africains. Pourtant la situation dans nos pays en général, en Mauritanie en particulier est bien meilleure que celle dans beaucoup de pays développés.
Pour l’instant, les autorités nationales insistent en particulier sur la surveillance et la prévention. Chacun d’entre nous doit contribuer à l’atteinte de ces objectifs en respectant notamment les gestes barrières rappelés régulièrement par les radios, les télévisions et par les différents panneaux publicitaires à Nouakchott
-Quelle a été la contribution des dermatologues dans le combat contre le COVID 19 ?
-Les dermatologues sont disponibles et participent comme tous les médecins au combat contre le COVID 19. Je rappelle que dans la phase actuelle de l’épidémie, tous les citoyens ont un important rôle à jouer car si nous respectons les mesures édictées, notre pays vaincra le COVID 19.
La Société Mauritanienne de Dermatologie que j’ai l’honneur de présider est bien entendu disponible pour participer à cette lutte selon les modalités qui en seront fixées par le ministère de la Santé.
-Que vous inspire la querelle des spécialistes sur le traitement à administrer (chloroquine associé à l’Azithromycine, BCG...) aux patients atteints de COVID 19 ? Savez-vous s’ils ont été administrés à nos malades déclarés guéris ?
-Ces divergences que vous évoquez sont tout à fait naturelles s’agissant d’une affection nouvelle dont la connaissance se renforce tous les jours aux plans épidémiologique, clinique et thérapeutique. Chaque jour, de nouvelles explications concernant les mécanismes d’action du virus dans l’organisme sont données et en conséquence, des propositions en matière de traitement sont faites.
Il s’agit donc d’un phénomène normal qui devrait trouver une solution à plus ou moins brève échéance.
Notre souhait est que des médicaments accessibles en termes de disponibilité et de coût soient réellement efficaces.
-Vous êtes président de la société mauritanienne de dermatologie. Quelle est sa mission ? Qu’a-t-elle réalisé ou ambitionne de réaliser pour les malades?
-La Société Mauritanienne de Dermatologie a pour vocation la promotion de la Dermatologie et de la Vénérologie en Mauritanie. Concrètement cela veut dire contribuer en accord avec les autorités à la prise en charge de ces affections qui, il faut le rappeler, sont très fréquentes au niveau des structures de santé de base où selon diverses études menées en Afrique, elles en représentent le tiers.
Nous organisons régulièrement des séances de formation post universitaire à l’intention de nos collègues non dermatologues afin d’échanger sur certaines affections d’observation courante en Dermatologie et aussi pour les tenir informés de certaines nouveautés ayant trait à notre spécialité.
Notre activité essentielle du moment est la Télé dermatologie. Il s’agit d’un projet tripartite entre le Ministère de la Santé, son service de Télémédecine en particulier, la Fondation Pierre Fabre qui est une fondation d’un laboratoire pharmaceutique et notre Société.
Ce projet vise l’amélioration du diagnostic et de la prise en charge des maladies de la peau en Mauritanie grâce à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication.
Ainsi donc, ce projet qui est présent dans les capitales régionales et les moughatas des willayas de l’Assaba, du Gorgol et du Tiris Zemour permet la consultation sur place de patients souffrant d’affections cutanées, le recueil des donnés par un personnel formé à cet effet, la transmission de ces données grâce à une plateforme sécurisée au service National de télémédecine où les différents membres de notre Société se relaient pour analyser les images reçues et proposer des conduites à tenir.
Grâce à l’appui du ministère de la santé et de la Fondation Pierre Fabre, nous espérons élargir nos domaines d’intervention afin de couvrir davantage de zones, ce qui permettra aux patients de zones éloignées de bénéficier de l’avis de spécialistes.
- Quelles sont les maladies dermatologiques les plus fréquentes en Mauritanie ? Comment sont-elles prises en charge ?
-On peut affirmer que toutes les maladies dermatologiques sont présentes en Mauritanie avec une plus grande fréquence des infections cutanées.
Les affections allergiques, celles liées à l’environnement et à la génétique sont tout aussi présentes. Celles liées au grand froid sont naturellement beaucoup plus rares. On a souvent tendance à penser au phénomène de la dépigmentation artificielle quand on pense dermatologie, mais fort heureusement ce volet ne représente qu’une faible proportion de nos malades, du reste d’accès limité aux ressources thérapeutiques.
-Vous avez initié l’enseignement de la dermatologie à l’Université de Nouakchott. Quelle évaluation vous faites de notre faculté de médecine et de la qualité d’enseignement qui y est dispensé?
-Je n’ai pas le sentiment que la qualité de l’enseignement dispensé dans notre faculté soit différente de ce qu’on observe chez nos voisins. Toutefois, une évaluation de la qualité de l’enseignement obéit à une méthodologie et à des critères internationaux bien établis.
Je suis sûr que le Doyen de la faculté de Médecine pourra mieux répondre à votre préoccupation.
-Vous avez été représentant de l’OMS en Côte d’Ivoire, poste que vous avez occupé avant votre retraite. Qu’avez-vous gardé de cette expérience ?
-Cela a été une expérience enrichissante à bien des égards. J’ai pu mesurer finalement que la médecine dite universitaire et celle dite de santé publique constituaient un tout indivisible.
On le voit bien maintenant au regard de la lutte contre le COVID 19 car en même temps qu’on se préoccupe des stratégies de santé publique telles la surveillance, la prévention, on discute parallèlement de physiopathologie, de schémas thérapeutiques et de recherche en général.
Mon expérience ivoirienne a surtout été enrichissante car elle a coïncidé avec une période de crise durant laquelle il y avait un gouvernement internationalement reconnu mais sans pouvoir effectif et un autre avec lequel il fallait travailler.
Je retiens surtout de cette expérience le privilège que j’ai eu de servir l’OMS dans ce grand et beau pays.
-Voudriez-vous nous dire les risques encourus par des personnes qui se dépigmentent la peau ?
-Il faut d’abord rappeler que la pigmentation de la peau est une donnée génétique. Aussi toute tentative de modification de cette donnée est vouée en définitive à l’échec, les résultats obtenus étant souvent incomplets, transitoires et malheureusement fort disgracieux
A ceci s’ajoutent diverses complications essentiellement esthétiques de traitement souvent difficile mais aussi infectieuses et de structure de la peau.
On a enfin signalé bien que plus rarement la possibilité de cancers de la peau.
Il faut espérer que ce phénomène qui touche toutes les couches et toutes les classes de notre société soit abandonné par les femmes (et plus rarement les hommes)qui le pratiquent.
S’éclaircir la peau quelque soit le moyen utilisé ne devrait pas être un objectif.
En rapport avec la Société civile, la Société mauritanienne de Dermatologie y travaille mais comme vous le comprenez, il s’agit d’un problème plus sociologique que médical.
Propos recueillis par Dalay Lam