C’est la question que tous les Mauritaniens se posent depuis l’annonce par la presse des convocations, pour jeudi prochain auprès de la commission d’enquête, de l’ex-président de la République Mohamed ould Abdel Aziz et de son ex-PM Ould Mohamed Laghdaf. Sitôt publiée, l’injonction disputait au coronavirus la primeur des conversations. Les Mauritaniens semblent bigrement intéressés de voir le Président Aziz arriver au Parlement pour faire face aux membres de la commission dont certains eurent à subir ses foudres. Et, le cas échéant, l’attitude de celle-ci. De fait, nombre d’observateurs doutent de ses capacités à produire des résultats vraiment pertinents, tant d’intérêts paraissant en jeu.
Composée de députés de la majorité et de l’opposition, ladite commission s’était a contrario crue tenue, lors de sa première rencontre avec la presse, le 14 Février dernier, de rassurer l’opinion sur le professionnalisme de ses membres et leur souci de placer l’intérêt national au-dessus de tout. Dans un communiqué publié pour l’occasion, on pouvait en effet lire : « […] Parfaitement consciente de la nécessité d’entreprendre un travail professionnel et impartial, [la commission] s’engage à fournir tous les efforts possibles pour faire la lumière sur ces dossiers de façon objective et considère que l’intérêt national est son seul mobile ». C’est peut-être dans ce cadre qu’elle a lancé un appel d’offres pour le recrutement d’un bureau d’études apte à l’assister dans sa mission.
L’ex-président de la République avait pour sa part indiqué, dès le 19 Décembre 2019, au cours d’un point de presse tenue chez lui dans des conditions particulièrement chaotiques, qu’il était certes riche mais n’avait rien à se reprocher, mettant au défi quiconque de prouver qu’il ait détourné un seul khoums des deniers publics. Une perche tout aussi tendue à ses détracteurs qu’à son successeur… Avait-il senti monter la menace ? Une partie de l’opinion (acteurs politiques et Société civile) s’était en tout cas mise à réclamer, haut et fort, la fondation d’une commission d’enquête sur sa gestion, ce qui fut fait fin-Janvier 2020.
La convocation intervient après l’audition, par la commission, de plusieurs cadres et hauts fonctionnaires ayant servi sous le magistère de l’ex-président et d’autres occupant aujourd’hui d’importantes fonctions. Citons ici l’ex PM Ould Béchir, actuellement ministre secrétaire général de la Présidence, Ould Abdel Vettah ministre du Pétrole, l’ancien PM Ould Hademine, l’ex ADG de la SNIM Ould Oudaa, l’ex DG de la SOMELEC… Et l’opinion de se demander comment, cités dans des affaires, de hauts fonctionnaires en exercice peuvent-ils rester en poste, même si elles bénéficient de la présomption d’innocence.
La commission a pour mission de « faire la lumière » sur la gestion des revenus pétroliers et miniers, la Fondation SNIM, les ventes du foncier public, l’attribution de concessions portuaires, les signatures de contrats dans les domaines de l’énergie et de la pêche ainsi que sur les conditions de liquidation de diverses entreprises publiques. Une limitation qui intrigue les observateurs qui auraient souhaité un champ plus étendu des dossiers portant à suspicion. Ce n'est en effet un secret pour personne que, sous le règne d'Ould Abdel Aziz, nombre de fonctionnaires et hommes d'affaires se sont bien sucrés sur les marchés et autres sources de lucre.
DL