Codiv-19 : Faut-il confiner et dépister en Afrique ? /par DR SOULEYMANE OULD SIDI ALY

16 April, 2020 - 00:12

Le coronavirus est contagieux mais pas exceptionnellement virulent : Moins de 15 % des contaminés auraient des signes de maladie (fièvre, toux etc.) ; et moins de 5 % d’entre eux développent des problèmes graves de santé. Ce qui veut aussi dire que la plupart des gens ne sera jamais malade ou ressentira des symptômes mineurs.

C’est un virus qui paraîtrait moins tueur si le nombre des personnes guéries et l’estimation des porteurs sains figuraient à côté de la comptabilité des décès. Cela est mieux fait en Mauritanie qu’en Europe, en ce moment.

 

Confiner pour quoi faire ?

Une épidémie virale s’arrête lorsque 60 à 80 % de la population sont immunisés, soit parce que cette population a développé des défenses naturelles, soit par vaccination. En l’absence de vaccination, c’est la dissémination du virus qui met fin à sa propagation. Il en résulte un paradoxe : plus le virus se répand à grande vitesse, plus rapidement la population générale sera protégée. Plus il est fait obstacle à sa propagation, plus l’épidémie dure. Les mesures de confinement ont pour but de ralentir les contaminations par le virus et non de les stopper. Ce sont des éléments d’une stratégie de gestion de l’épidémie et non un moyen de l’éradiquer !

Quand une épidémie de grande amplitude survient pour une population disposant d’un système de soins accessible à tous, ce dernier peut être débordé pour un temps plus ou moins long. Le confinement cherche à éviter la submersion des moyens existants (les soins lourds avant tout), à limiter la casse liée au coronavirus tout en continuant à s’occuper des malades souffrants d’autres pathologies.

Lorsque l’offre de soins est structurée mais pas démocratisée, le confinement peut être vu autrement. Cela permet de mieux comprendre la première posture de Donald Trump : les lits de soins intensifs de son pays sont défendus par leur coût et les clauses de restriction des assurances maladie !

Pour une autre population, les soins disponibles peuvent être considérés modestes et les moyens lourds trop rares pour s’inquiéter de leur défense. Dans ce cas de figure, obtenir une dissémination lente du virus par un confinement contraignant fait redouter des résultats décevants au regard des sacrifices consentis.

Les moyens à mobiliser et les contraintes d’un confinement général de population coûtent cher en qualité de vie pour les gens, en crispation sociale et à l’économie. De sorte que la question du type de confinement et ses modalités se posent partout, sans réponse univoque. Quand la population est jeune et les ressources modestes, le confinement doit-il être général ou sélectif à préoccupations fonctionnelles ?

Si le confinement est toujours utile pour les maladies épidémiques, il n’en demeure pas moins qu’il doit lui être trouvé des objectifs réalistes en fonction de l’offre de soins, des conditions matérielles et organisationnelles préexistantes ; ce qui impose des arbitrages. Les arbitrages cherchent des objectifs clairs et congrus aux moyens existants. Les trésoreries sont à voir comme les autres moyens : faites pour être consommées ! Ce qui ne dispense pas de les asservir à des objectifs sanitaires ou économiques prémédités.

Par exemple, la dépense publique et les capacités à s’organiser trouveront toujours assez d’emplois pour les « confinés obligatoires de l’État » :

* Dans les prisons et les lieux de soins : les malades, pour une autre raison que Codiv-19, ne doivent pas être contaminés, et les patients Codiv-19 ne doivent pas contaminer les autres.

* Dans les forces armées et de sécurité, un optimum de forces opérationnelles doit être protégé.

* Dans le système de soins, il faut à la fois confiner les personnels en dehors des heures de travail, les protéger de la contamination au travail, tout en les maintenant au travail, s’ils sont contaminés mais pas malades !

* A titre de contre-exemple, les expatriés de retour chez eux, ont un comportement prévisible similaire à celui de la population générale et la notion de portage « qui proviendrait de l’étranger» devient rapidement toute relative pour une pandémie. L’intérêt d’un confinement dédié est incertain. Si néanmoins, on le décide, est-il prioritaire de venir en aide aux hébergeurs ? La réponse peut être encore oui, si l’aide garantit le maintien des emplois dans les hôtels pour une durée appréciable ou si elle s’inscrit dans un choix de sauvetage de l’hébergement de standing pour une capitale.

 

Dépister et après ?

Le dépistage n’est pas un outil diagnostic à proprement parler et encore moins un élément pronostic pour la gravité d’une maladie ! Le dépistage par prélèvement des mucosités et de cellules indique si quelqu’un porte le virus dans son nez ou au fond de sa gorge et c’est tout ! L’écouvillon de prélèvement ne va pas plus bas anatomiquement et ne dit rien de ce qu’il y a dans le sang. Sans compter les problèmes de maîtrise « bout à bout » des prélèvements et interprétations. C’est une raison pour laquelle il y a des personnes atteintes de codiv-19 qui ont un dépistage normal !

Les dépistages mobilisent beaucoup de ressources et plus d’organisation que ne laisse croire l’apparente simplicité des techniques.

A quoi sert, pour un individu donné, de savoir s’il est porteur de coronavirus ? En pratique cela ne lui sert pas à grand-chose ! Soit il est déjà malade et cela change peu la façon de le soigner, soit il n’est pas malade et il doit continuer les mêmes mesures de prévention. L’intérêt des dépistages est surtout épidémiologique !

Des moyens limités mais inscrits dans une stratégie d’ensemble, peuvent tirer profit d’un suivi épidémiologique qui a prédéfini ses objectifs.

Exemple : Si on décide de boucler les villes frontières et carrefours de plus de 50 000 habitants et d’y appliquer un confinement sélectif à préoccupations fonctionnelles ; alors, un peu de veille épidémiologique normée peut fait apparaître que certaines bourgades, sièges de zawiya, sont plus ou moins affectées pour une raison quelconque. Des moyens peuvent alors être ajustés.

L’épidémiologie et les dépistages aident aussi à construire des stratégies raisonnées de sortie du confinement, si toutefois, le confinement a été plus ou moins réussi.

Ce sont les affectations opérationnelles préétablies et l’usage que l’on veut faire de l’épidémiologie qui indiquent l’orientation et l’ampleur à donner aux dépistages. Pas seulement la disponibilité des kits de prélèvement.

En crise sanitaire, les soignants ne sont pas chargés de faire de la recherche ! L’établissement d’indicateurs prospectifs pour mieux connaître le coronavirus et son comportement est de première importance, mais ne fait pas partie de la gestion de crise sanitaire proprement dite.
La motivation de certains organismes pour le suivi prospectif du coronavirus doit être distinguée et facilitée. Mais leurs interventions ne doivent pas amoindrir ou dissiper les ressources propres ou les aides internationales dévolues aux soins. Cela inclut l’aide pour les soins de l’OMS par exemple.
Si un organisme comme l’OMS se trouve, de fait, en charge de l’ingénierie de la réponse à l’épidémie, le volet soins pourrait être affecté par de nombreuses originalités qui n’apparaîtront qu’après coup.

Distinguer et arbitrer ce qui incombe au système de soins et ce qui ne lui revient pas, en faire de même pour les autres intervenants sont des prérequis essentiels, au départ d’une crise sanitaire.

Faut- il confiner la population et faire du dépistage pour codiv-19 en Afrique ? Une fois la question tranchée, il faut en affiner la découpe.

 

Dr Souleymane Ould Sidi Aly