Le gaz naturel : une énergie fossile « propre »

5 February, 2020 - 23:26

La récente découverte d’un gisement gazier dans l’offshore (en mer) sénégalo-mauritanien et la signature, en 2018, du contrat de production, entre les gouvernements des deux pays et la société britannique BP, suscitent beaucoup d’espoir, aussi bien au sein de la classe politique que chez les populations. Car le gaz naturel, à l’instar du pétrole, est une énergie fossile très prisée et dont la production engendre beaucoup de revenus. Pour des pays tels que la Mauritanie et le Sénégal, cités régulièrement parmi les pays « en voie de développement » (un euphémisme pour ne pas dire « sous-développés »), l’exploitation d’une telle ressource pourrait avoir un impact significatif sur leurs économies et promouvoir leur développement.

Cependant, l’un et l’autre poursuivent déjà une ou plusieurs activités extractives (exploitations minière, pétrolière et/ou gazière) et force est de constater qu’aucune d’elles n’a impacté de manière conséquente sur l’économie ni généré développement ou prospérité. Au vu de la gouvernance jusque-là calamiteuse du secteur, débilitant toute perspective de développement et de prospérité axées sur les ressources extractives, il paraît donc lucide de relativiser les espoirs à propos de cette exploitation prévue en 2022. Mais, à ne s’en tenir qu’aux qualités intrinsèques du gaz naturel, il est clair que les attentes qu’il suscite sont légitimes. En d’autres termes, c’est une vraie aubaine pour les deux pays… s’ils l’exploitent et utilisent les revenus qu’il génère judicieusement !    

Dans ce qui va suivre, nous allons essayer de présenter les différentes qualités du gaz naturel, relater ses usages et examiner, enfin, l’exemple d’un pays qui a su faire, de cette ressource, un véritable levier pour sa croissance économique et son développement.

 

Le gaz naturel 

Tout comme le pétrole, le gaz naturel est une énergie fossile qui se forme à partir de la décomposition de matières organiques au fond des océans. Les deux produits suivent un processus similaire d’exploitation et il arrive souvent qu’on les trouve au même endroit. Cependant leur composition est différente. Le gaz naturel est constitué essentiellement de méthane (un hydrocarbure composé d’un atome de carbone et de quatre atomes d’hydrogène). Cette constitution lui offre un très bon rendement énergétique et des avantages environnementaux considérables par rapport au pétrole ou au charbon.

Sa combustion n'émet pas de poussières, peu de dioxyde de soufre (SO2), peu d'oxyde d'azote (NO2) et moins de dioxyde de carbone (CO2) que d’autres énergies fossiles. De plus, on peut réduire le volume qu’il occupe en le liquéfiant. Il est incolore et inodore mais on peut « l’odoriser » pour le rendre détectable (1).

 

Utilisation et contraintes

Le gaz naturel est une énergie à multiples usages. Contrairement au pétrole, il n’a pas de marché spécifique, il est plutôt en concurrence sur plusieurs, avec d’autres énergies. Mais ses caractéristiques lui en confèrent une part grandissante et il est vu comme un complément parfait des énergies renouvelables.

Usage domestique : l’usage domestique du gaz naturel représente une grande part de la demande de cette énergie fossile : 40% de la consommation du gaz naturel en Europe et 21% au niveau mondial (2). Par usage domestique, on entend cuisson, chauffage et, dans certains cas, climatisation.  Électricité : le gaz naturel représente une part énorme et croissante dans la production de l’électricité au niveau mondial. Les émissions de CO2 des centrales au gaz sont deux fois moins élevées que celles des centrales à charbon. Cette propriété donne au gaz un avantage concurrentiel considérable sur celui-ci (3) et sa part dans la production d’électricité mondiale est passée de 18 % en 2000 à 24 % en 2016 (4). Matière première dans l’industrie chimique, notamment la pétrochimie et le raffinage, il est aussi utilisé pour la fabrication d’engrais et comme carburant pour le transport (5). 

Les principales contraintes qui peuvent rendre difficile le développement des gisements de gaz naturel sont liées à son coût de transport,  quatre ou cinq fois plus élevé que celui du pétrole par pipeline. Résultat : 2/3 de la production mondiale sont commercialisés au sein des pays producteurs. Et certains gisements ne sont tout simplement pas développables, faute de rendement potentiel après imputation du coût de transport.  Il existe cependant une méthode qui abaisse notablement la facture, surtout pour des longues distances. Elle consiste à le liquéfier (GNL). Un progrès technique qui permet de faire face aux différents défis et problèmes soulevés par le développement du gaz naturel et sa commercialisation. 

 

 Le gaz naturel dans le Monde

Contrairement au pétrole, l’exploitation du gaz naturel et sa commercialisation – dans une moindre mesure, sa consommation – n’intéressent pas tous les pays. Les quantités à ce jour prouvées de la ressource n’en concernent qu’un nombre réduit. « La production et les ressources de gaz naturel, sous toutes ses formes, se concentre sur un petit nombre de pays extrêmement spécialisés en cette matière… La Russie (18,1% des réserves mondiales), l'Iran (17,2%) et le Qatar (12,9%) en sont les trois pays les mieux dotés, concentrant, à eux trois, plus de la moitié des réserves prouvées de gaz naturel de la planète » (6).

Paradoxalement, aucun de ces pays ne domine le classement des pays producteurs : ce sont les États-Unis qui en tiennent en tête (20% de la production mondiale mais seulement 5ème plus grande réserve prouvée au Monde). Ils sont suivis de très près par la Russie (17.3% de la production mondiale). Outre ces deux pays, on peut citer d’autres importants producteurs : l’Iran et le Qatar au Moyen-Orient, le Canada et la Bolivie en Amérique et, en Afrique, l’Algérie et l’Égypte.

Nombre de ces pays ont une économie très dépendante de cette exploitation, on peut même dire que c’est grâce à cette ressource, alliée à de bonnes stratégies, qu’ils ont pu connaître une ascension économique fulgurante, développement et prospérité. C’est notamment le cas du Qatar et de la Bolivie. Mais le Qatar semble celui qui a le mieux su l’exploiter à bon escient et en faire un levier de la croissance économique, du développement et de la prospérité qu’on lui connaît aujourd’hui.   

 

Le Qatar           

Jadis petit pays voué au commerce – 47 000 habitants en 1960 – le Qatar est aujourd’hui l’un des pays les plus riches du Monde. Organisateur de la Coupe du Monde 2022 et propriétaire d’un des plus grands clubs européens de football, il détient également une des plus grandes compagnies aériennes de la planète et se distingue, encore à l’échelle mondiale, en de nombreux autres investissements mais c’est surtout grâce à ses relations diplomatiques, acquises par sa richesse et son positionnement géographique, que le pays joue un rôle-clé dans la géopolitique actuelle. 

Sa croissance économique fulgurante et son niveau de vie extrêmement élevé sont à mettre, à coup sûr, au crédit du gaz naturel. Il en possède la 3èmeplus grande réserve prouvée qu’il commença à exploiter après son indépendance et la nationalisation de la compagnie pétrolière. Le Qatar mise alors sur le GNL, afin de le commercialiser dans des pays tiers et gagner ainsi le marché asiatique, américain et européen. Il devient, en quelques décennies, le principal exportateur de GNL dans le Monde et son économie connaît en parallèle une croissance exponentielle.

Mais le petit émirat ne s’arrête pas là : il adopte très rapidement une politique de diversification, en investissant tous azimuts les capitaux issus de l’hydrocarbure. Allant de l’industrie à la finance, en passant par le sport, ses placements sont de plus en plus massifs et diversifiés. L’éducation fut aussi placée au cœur de la stratégie qatarie. Beaucoup de ressources furent allouées à la recherche et au développement, les plus grandes firmes mondiales y ont installé des centres d’études. Le pays compte ainsi s’imposer en d’autres secteurs et préparer « l’après-gaz ».

 

Laye Diop

 

 

NOTES

(1) : Tout savoir sur le gaz naturel_IFPEN.

(2) : IFP, énergies nouvelles.

(3) : Le charbon est l’énergie fossile qui produit le plus d’électricité dans le Monde.

(4) : IFP, énergies nouvelles.

(5) : GNL carburant.

(6) : Selectra, gaz naturel dans le Monde.