Politique : Elle est où, notre opposition ?

7 November, 2019 - 00:04

Où est passée notre opposition démocratique ? Survivra-t-elle à l’arrivée de Ghazwani ? L’homme eut l’intelligence de se présenter en candidat indépendant, malgré la majorité dont disposait le principal parti de la majorité présidentielle fondée en 2009 par son alter ego, Ould Abdel Aziz. Mieux, il a tendu la main, dans son discours de candidature du 1er Mars 2019, à tous les Mauritaniens  faisant peu cas du parti et du gouvernement sortant. Ainsi réussit-il  à séduire  de nombreux soutiens dont des partis et personnalités de l’opposition partageant un même point commun : le ras-le-bol de la gouvernance d’Ould Abdel Aziz. Résultat immédiat : même s’il n’a pas été élu avec un score très honorable – 52% semble peu au regard des moyens et des foules qu’il a drainées – Ghazwani a apaisé la tension politique.

Les larges concertations avec les acteurs de la scène politique, en particulier ceux de l’opposition, surtout les plus radicaux, à l’instar d’Ould Daddah,  Ould  Maouloud, Birame ou Tawassoul ;  ont permis d’enclencher un processus de  normalisation  de leurs rapports avec le pouvoir. Tous les leaders qui ont rencontré le nouveau Président  ont tenu à exprimer leur satisfaction, saluant son  initiative à décrisper la scène politique, après de préoccupantes violences post -électorales.  Et les candidats, qui avaient rejeté les résultats proclamés par la CENI et le Conseil Constitutionnel,  ont quasiment tourné cette page, lui préférant l’attente d’actes concrets du nouveau maître du Palais gris.

Un charme compréhensible. Les relations avec le régime précédent furent plus qu’exécrables. Ould Abdel Aziz  méprisait publiquement  l’opposition dite radicale (FNDU et le RFD), traitant ses leaders de « moins que rien,  croulants,  corrompus », et ces derniers ne manquaient pas de lui rendre la monnaie de sa pièce. C’est à partir de ce sentiment de  détestation mutuelle que Ghazwani  a traduit en acte la volonté exprimée  en Mars dernier  au stade de la Capitale. Une main tendue que l’opposition ne pouvait décliner, elle qui soulignait sa disposition au dialogue, dès lendemain de la présidentielle, pour  dissiper les troubles postélectoraux.

 

Y a d’là rumba dans l’air…

Ce faisant, l’opposition semble aujourd’hui au pied du mur. Désuni en rangs dispersés lors de la présidentielle, le Front national pour la démocratie et l’unité (FNDU), principal rassemblement de partis d’opposition, syndicats et personnalités indépendantes  est depuis quasiment mort et enterré. Il sera difficile à ceux qui ont soutenu le candidat Ghazwani de reprendre pied dans l’opposition, même si certains le mettent déjà en garde contre la tentation de « faire du neuf avec du vieux ». Le président Ghazwani doit s’abstenir, insiste tel président de parti, de « recycler des caciques »  du régime d’Ould Abdel Aziz  pour en faire ses principaux collaborateurs. Allusion claire à ceux  de l’UPR qui s’agitent à la fondation d’un parti politique en faveur du nouvel homme fort de Nouakchott.

Depuis l’installation d’Ould Ghazwani aux affaires, l’ex-opposition reste silencieuse. Invités  au Palais ses principaux leaders n’ont pas plus pris le soin de se concerter avant d’y aller que de se retrouver après. Après avoir mis l’UPR en position inconfortable, depuis sa désignation comme successeur d’Ould Abdel Aziz, Ghazwani réussira-t-il à décimer ce qui reste de l’opposition dont de nombreux partis ont été dissous après les dernières élections locales ? « Tu cherches des morceaux d’hier, pépère, dans des gravats d’avant-guerre » (1)… Ho, l’opposition, tu ne peux donc pas la r’faire, ta vie ?

DL

 

(1) : Alain Souchon, in « Y a d’là rumba dans l’air », célèbre chanson française de 1977.