Le pouvoir politique en Mauritanie (Suite)

24 October, 2019 - 00:18

I. Eux… le pays, le peuple, la Mauritanie

2° les militaires: les présidents successifs de leurs comités à la tête de l’Etat 1978 . 2007

Parce qu’il est possible et souhaitable que la Mauritanie échappe à son passé de rejet d’une démocratie propre à elle et à la contrainte d’un système sans nom, quels que soient les costumes et les procédures, il me semble nécessaire de comprendre ce avec quoi il faut rompre, pour ensuite imaginer – peut-être – du nouveau.

Le pouvoir politique en Mauritanie, qu’a-t-il été et selon qui ? Jusqu’à maintenant. Nous avons étudié

I - Eux... le pays, le peuple, la Mauritanie en première expérience : 1957 à 2005

1° Moktar Ould Daddah, et  en 2° les militaires, première version 1978-2005, période que nous terminons  maintenant avec Maaouyia Ould Sid Ahmed Taya et avec ceux qui le renversent (prochaine livraison)

Nous continuerons par II - Eux... seconde expérience. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et Mohamed Ould Abdel Aziz : 2007-2019

ensuite par III - La conquête et la dévolution du pouvoir (comment on y accède ?). parti, élection, coup de force. Réflexion-proposition-bilan pour l'avenir

et IV – Contraintes, possibilités, missions du pouvoir politique

enfin, V – ce qui dépend de vos questions à vous, chers et fidèles lecteurs. Elles me feront sûrement découvrir les vraies, et non celles que je me pose moi-même.

 

 

Le colonel Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, lui encore ancien aide de camp du père fondateur. Son don ? Toujours au bon endroit, mais presque toujours passif. Il est déjà chef d’état-major adjoint en Septembre 1977, dans le dernier organigramme du président Moktar Ould Daddah. Il fait partie de ceux qui le renversent le 10 Juillet 1978 et, présent à Nouakchott, au contraire du colonel Ould Haïdalla, visé par le  coup de main du 16 Mars 1981, on n’a jamais su s’il s’était constitué prisonnier ou s’il lui était favorable. Enfin, à huit jours du sommet de Bujumbura que les Français forcent Mohamed Khouna à honorer de sa présence,  Maaouya invite le général Jeannou Lacaze, chef d’état-major des armées françaises, à venir une nouvelle fois en Mauritanie ; coopération militaire (100 stagiaires, matériel, assistance technique), les 3 et 4 Décembre 1984...

 

Je l’ai croisé deux fois, silhouette ordinaire, presque effacée, en boubou, bleu à sa sortie d’une audience de François Mitterrand au sommet de francophone de Québec en Septembre 1987, et blanc, quand il remontait dans sa voiture, devant la mosquée des années 1960 à Nouakchott où s’était arrêté un instant le cercueil du président Moktar Ould Daddah (comme je l’avais été le 17 Juillet 2001, j’étais dans l’avion du retour, le 18 Octobre 2003) mais je ne lui ai jamais parlé. A Québec, c’eût été certainement possible. Je n’ai donc aucune impression personnelle sur l’homme au pouvoir, que celle procurée par les dépêches d’agences françaises de presse et de sa bonne relation avec Jacques Chirac. Mais, longtemps auparavant, nous avons échangé quelques mots tandis que dans le salon d’attente des audiences présidentielles, l’aide-de-camp « tenait la jambe » des visiteurs successifs : je fus un deux ceux-là et j’appris qu’en visites à l’étranger le Président n’arrivait pas, malgré les efforts Maaouya, à obtenir le lait tiède, ni froid, ni chaud donc, qu’il affectionne à son lever. J’en retins une figure silencieuse, timide ou réservée. Pas de biographie encore, sauf la notice wikipédia(1), mais rumeur de l’écriture de son autobiographie depuis 2012(2) sans indication d’éditeur (à ma connaissance). Silence depuis son établissement à Doha, d’où il téléphone à sa fille : il est inaccessible, sauf le hasard d’une rencontre dans un super-marché alimentaire le montrant très vieilli. Les Qatari refusent de l’ambassade de France, les deux messages que je lui ai adressés : j’aurais aimé l’interroger comme ses prédécesseurs, à peine moins galonnés mais surtout de bien moindre longévité au pouvoir, me l’avaient accordé, et qu’a publié Le Calame.

 

C’est pourtant à cet officier – putschiste du 10 Juillet 1978 – que la Mauritanie doit quatre de ses caractéristiques actuelles : 1° la tentative de renouer avec le passé fondateur (Mohamed Ould Abdel Aziz afficha son portrait en jumeau de celui de Moktar Ould Daddah pour sa première campagne électorale, en Juillet 2009), 2° la tentative d’éliminer physiquement l’élite intellectuelle et l’élite militaire d’une des populations mauritaniennes originaires de la Vallée du Fleuve (le mouroir de Oualata et les pendaisons de Jreida),  3° l’édification mensongère d’une « façade démocratique » avec des élections à tous niveaux à partir de 1986 et l’ouverture au multipartisme en Juin 1991, 4° la corruption non en initiatives personnelles (en tout cas, pas la sienne), mais au profit de la tribu d’origine, les Smassides et leurs alliés. Chacune de ces menées a eu son audace et ses succès : ponctuellement, ce fut l’établissement de relations avec Israël, à la faveur du « processus de Barcelone, ce fut – catastrophiquement – l’affaire du poste de Leimgheity qui provoqua son renversement, suivant le scenario qu’il avait choisi pour succéder à Mohamed Khouna Ould Haidalla : profiter d’un séjour à l’étranger de l’homme régnant, ce qui économise la violence. Originellement, la chose devait se perpétrer, aux mêmes dates, pendant une tournée dans les deux Hodhs. La durée du règne, presque égale à celui du « père fondateur », a été riche d’événements en tous genres, jamais répétitifs, toujours surprenants(3). Paradoxe, l’homme du nord mais pas du désert, passait pour le mieux renseigné des Mauritaniens, il fut doublé par celui qu’il avait chargé de les lui transmettre, le colonel Ely Ould Mohamed Vall.

 

L’ouverture du règne est heureuse et, l’image de son prédécesseur étant très mauvaise alors, il est salué à l’intérieur comme à l’extérieur du pays(4) . L’homme commence par l’amnistie, y compris en faveur des rescapés de la sanglante tentative du 16 Mars (où son rôle a d’ailleurs été ambigu), il ratifie les conventions internationales protégeant les droits de l’homme et il sait gouverner autant avec ses pairs du comité militaire comme Cheikh Sid’Ahmed Babamine, à qui il confie les Affaires Etrangères qu’avec d’anciens ministres de Moktar Ould Daddah, et non des moindres. Abdoulaye Baro et Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Les grands contentieux : guerre du Sahara, sourd conflit avec le Maroc, ont été résolus et lui-même a été Premier ministre et aussi chef de l’état-major national. L’année 1985 est exemplaire de calme, ce que le pays n’avait plus connu depuis dix ans et la dernière apogée du « père fondateur » rallié par les Kadihines. Un discours tout à fait digne des exhortations de ce dernier ouvre à Néma la seconde année de ce règne. La mise en circulation  à Dakar d’un tract de plus de trente pages, reprenant l’appel des « 19 » en Janvier 1966 : le manifeste du négro-mauritanien opprimé, plonge Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya dans la plus grande perplexité. Les liens de cause à effet, la contagion de ces thèses dans certaines élites du pays, la découverte à répétition de complots soit de l’intelligentsia d’originaires de la Vallée du Fleuve, soit de crypto-baassistes, met le régime sous pression et sans que soient identifiées des relations entre ces mouvements, d’ailleurs antagonistes. Aucun n’est d’ailleurs explicitement dirigé contre l’homme au pouvoir. C’est la mise en question, peut-on croire, des fondements de l’unité mauritanienne. Le 7 Septembre 1986, sont arrêtés des opposants accusés d’atteinte à l’unité de l’Etat, parmi lesquels de nombreuses élites mauritaniennes originaires de la vallée du Fleuve, ils sont pour la plupart internés à Oualata, dans le fort-même où le président Moktar Ould Daddah vécut emprisonné pendant quinze mois.  Le 22 Octobre1987, sous prétexte d’un semblant de coup d’Etat militaire par des officiers Toucouleurs, commencent des exécutions. Apogée sinistre, le 6 Décembre 1990, une nouvelle tentative prétendue de coup d’Etat et, dans les semaines qui suivent, 500 militaires Toucouleurs sont massacrés. En pas trois ans, on passe d’un ennemi invisible à de prétendues tentatives de coups d’État, puis selon des circonstances habituelles qui soudain dégénèrent à un conflit ethnique, ouvert au Sénégal contre les Maures, et transplanté à Nouakchott et à Nouadhibou contre les Noirs. Les Toucouleurs, ethniquement caractérisés, sont pis qu’exclus de l’armée : massacrés. Les relations diplomatiques avaient été rétablies avec le Maroc, elles sont rompues avec le Sénégal. Les remaniements du gouvernement deviennent des purges, les soutiens du début, tant dans le comité militaire que parmi les coéquipiers des années fondatrices sont écartés. C’est alors que se crée le BASEP – bataillon prétorien, armé et organisé sur le modèle irakien qu’est allé, sur ordre, étudier un officier fort peu militaire de formation, Mohamed Ould Abdel Aziz, en 1987.

 

La très dangereuse spirale dans laquelle s’enfoncent le pays et son chef s’enraye pourtant quand Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya entreprend – sans que soit encore permise une véritable vie politique avec ses acteurs et ses partis – de faire entrer le pays dans un système électif. Les élections locales – les 7 et 14 Décembre 1990, ce sont celles des conseils municipaux - le servent et ce n’est pas le discours du président français, François Mitterrand, devant ses pairs africains réunis à La Baule et les appelant à la démocratie chez eux, qui le décide, mais – le 24 Mars 1991 - la chute d’un émule, le général Moussa Traoré, tombeur en Novembre 1968, de Modibo Keïta. D’abord prudent et restrictif, le 28 Novembre 1990, « loin des échos de l’actuelle campagne internationale, de l’improvisation, de la précipitation et de l’aventurisme générateur d’instabilité et d’anarchie », le putschiste devient l’inventeur d’une « voie mauritanienne de la démocratie », tout en maintenant le Comité militaire de salut national, à qui il fait approuver, le 9 Juin 1991, un projet de Constitution, aussitôt soumis à referendum (le 13 Juillet). Tandis que se multiplient les « émeutes du pain » en 1991 – la première, le 2 Juin à Nouadhibou – et donc les revendications sociales, la vie politique s’organise en partis, tout l’été, et la première élection présidentielle pluraliste a lieu le Janvier 1992. La vie nationale change soudainement de registre : aux très dangereux conflits ethniques qui sont d’ailleurs une discrimination raciale assassine plutôt qu’un débat d’égal à égal ou des revendications d’une meilleure considération dans l’ensemble national comme en 1996, succèdent – enchantement des urnes – des contestations circonscrites par de nouvelles institutions : un Premier ministre, le bicaméralisme, le multipartisme. Les oppositions ne sont plus celles que le pouvoir dénonce sur des bases ethniques, elles deviennent des combats pour l’Etat de droit. De nouvelles familles apparaissent, fondées sur des idéologies, ou en résurgence d’anciennes opinions, clandestines à la fin de la « période fondatrice » ou pendant les quinze années de dictature militaire prohibant toute association politique : ce sont encore celles d’aujourd’hui, fruit de la mue de 1991, mais commence la stérilité d’une « démocratie de façade » où le pouvoir est insubmersible jusqu’au chef d’oeuvre des 3-7 Novembre 1983, où l’un des compétiteurs, le colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla, est emprisonné avant le premier tour puis arrêté de nouveau dès l’élection remporté par le tenant du titre avec le rythme de fronts et de coalitions, encore d’actualité. La fraude s’était inaugurée en grand pour qu’Ahmed Ould Daddah n’emporte pas la première des nouvelles élections présidentielles (celles de son demi-frère Moktar n’étant que la consécration rituelle d’un consens préalable et extra-constitutionnel) : tous les procès-verbaux archivés au Conseil constitutionnel sont de la même main.

 

Mais deux nouveaux clivages contredisent cet établissement des structures démocratiques. Guère sincère, certes, elle était susceptible d’évolution : elle bute sur la question d’admettre ou pas des formations se réclamant principalement de l’Islam. Les militaires optent pour la négative jusqu’à l’avènement d’un civil à la présidence de la République, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, mais au prix d’emprisonnements arbitraires et de mise hors la loi. Surtout, l’armée se distancie d’un pouvoir qui n’est plus le sien. La tentative du 8 Juin 2003, celle des « cavaliers du changement », est le fait d’anciens cadres mais elle n’est matée que dans des conditions aujourd’hui encore obscures(5). Le pouvoir l’amalgame avec un prétendu terrorisme islamiste et se rassure : les assaillants ont fait « croire à une attaque terroriste ou de brigands contre la présidence de la République », « l’armée est restée loyaliste, républicaine et entièrement au service de la nation ». Cette tentative manque de se renouveler le 9 Août 2004 et l’on arrête un groupe d’officiers censés prendre le pouvoir à l’occasion du déplacement du président de la République, en France pour l’anniversaire du débarquement en Provence (prévu pour le 15 Août) (6). La chute est davantage présagée par le procès de Wad Naga qui tourne à la confusion du régime (tenu du 4 Janvier au 13 Février 2005) : l’opinion publique s’est formée et la pression pour un Etat de droit détermine la vie nationale, comme maintenant, et l’armée, dans sa haute hiérarchie, prend prétexte de nouveaux projets de purges en son sein, sur une base politique et non plus ethnique (progrès…) et d’une probable aventure militaire, à la suite d’un mystérieux coup de main : l’affaire du poste de Lemgheity, le  4 Juin 2005(7). Deux mois plus tard, selon le scenario  des putschs de 1978 à 1984 qui commençait d’être oublié, un Conseil militaire pour la Justice et la Démocratie met fin à un exercice du pouvoir très évolutif, mais d’une longévité approchant celle des années fondatrices. En réalité, s’inaugure un cours tout nouveau – et prometteur – de l’histoire nationale. L’étranger feint de croire que la légitimité constitutionnelle a été bafouée, en la personne de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, pour ensuite envisager que le prix Nobel de la paix soit donné au président du énième comité militaire mauritanien : le colonel Ely Ould Mohamed Vall, jusque là directeur de la Sûreté nationale.

 

à suivre

 

Bertrand Fessard de Foucault,

alias Ould Kaïge

(1) - 24 Août 2019

 

(2)          - www.dakaractu.com   - 16 Mai 2012  .  Mauritanie : Ould Taya écrit ses mémoires

             Après « la Mauritanie contre vents et marées » de Moktar Ould Daddah, Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya devient le second chef d’Etat mauritanien à publier ses mémoires. En exil à Doha (Qatar) depuis août 2005, Ould Taya met la dernière main à la rédaction de ses Mémoires .

             Le diwan (Cabinet) de l’Emir du Qatar, Cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani, a mis à sa disposition une équipe d’écrivains biographes, rédacteurs professionnels, correcteurs, metteurs en pages, qui l’ont aidé dans la rédaction de ses mémoires. 470 pages retracent sa vie depuis sa naissance à Atar en 1943 jusqu’au coup d’état militaire qui l’a évincé du pouvoir en août 2005. Ould Taya se considère comme ''le père de la démocratie mauritanienne'', comme Feu Mokhtar Ould Daddah est à juste titre surnommé ''le père de la Nation mauritanienne ». Il défend le bilan de ses 21ans à la tête de l’Etat mauritanien (décembre 1984-août 2005). Ould Taya parle de ses relations avec les colonels Ely Ould Mohamed Vall et Mohamed Ould Abdel Aziz quand il était au pouvoir. Il consacre aussi un paragraphe à l’ancien président de la République Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Ould Taya évoque aussi dans ses mémoires « le contentieux avec le Sénégal en 1989 » et donne sa version sur les déportations et les atrocités commises contre des milliers de négro-mauritaniens en 1989 et 1990. Il revient aussi dans ses mémoires sur la candidature de l’ancien président Ould Haidalla en novembre 2003 et sur le putsch du 8 juin 2003 qui a vu l’assassinat de l’ancien chef d’Etat-major des armées, le colonel Mohamed Lemine Ould N’Deyane.

             D’aucuns y voient dans la publication de ses mémoires un imminent retour sur la scène politique nationale d’Ould Taya. Le mois dernier, au cours d’une émission à la Télévision de Mauritanie, le président du parti Wiam, Boydieïl Ould Houmeyd, a valorisé le bilan de Maaouiya Ould Taya comme président de la République. «Les gens oublient vite chez nous. Mais c’est bien Ould Taya qui a réussi la double modernisation économique et sociale de la Mauritanie », martèle Boydieil Ould Houmeyd qui a été plusieurs fois ministre avec Ould Taya. Par contre, pour Mohamed Ould El Kory, directeur de la communication de l’Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés (ANAIR) : «Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya est responsable des exactions contre la communauté négro-mauritanienne en 1989 et 1990-1991.

             Plusieurs plaintes ont déposées contre Ould Taya dont celles des deux militaires : Ibnou Diagana et feu Ousmane Dia. Une autre plainte pour crimes contre l'humanité a été déposée contre lui par Idy Yero à Bruxelles. Il y aussi d’autres plaintes contre l'ancien président Ould Sid'Ahmed Taya pour crimes contre l'humanité(...) En août 2008, le président Aziz a a pris la décision historique et courageuse de résoudre des questions nées de deux décennies d’injustice et du pouvoir d’Ould Taya. Le retour organisé et digne de plus de 24.000 déportés négro-mauritaniens au Sénégal et le règlement du passif humanitaire offrent aujourd’hui l’occasion pour la Mauritanie de s’ériger en exemple, d’être fière de sa diversité et d’accroître son rayonnement sur le plan international tout en fermant cette parenthèse tragique dans l’histoire récente de notre pays ». Mauritanie 24  - nota bene : c’est, de la part de Mohamed Ould Abdel Aziz, se parer des plumes du paon, car le retour des réfugiés et l’examen du passif humanitaire sont le fait du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi

 

(3) - chronologie de l’exercice du pouvoir par le colonel Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya

  12 Décembre 1984 :   prise de pouvoir du colonel Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, chef d’état-major profitant de l’absence du lieutenant colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla au sommet francophone de Bujumbura

         21 Décembre 1984 : Taya annonce « une amnistie générale en faveur de toutes les personnes condamnées pour des raisons politiques se trouvant à l’intérieur et à l’extérieur du pays »

         . Ould Saleck, MoD et Bneijara condamnés pour « atteinte à la sécurité de l’Etat et connivence avec l’étranger » en bénéficieront

         . restitution des biens confisqués aux détenus politiques

  . « aucune velléité de déstabilisation du pays ou visant à nuire à ses intérêts supérieurs ne sera tolérée »

  relance de l’économie nationale « freinée par le gaspillage, les détournements des deniers publics et le pouvoir personnel érigé en système de gouvernement »

  13 Avril 1985 :rétablissement des relations diplomatiques avec le Maroc ; la Mauritanie ne revient pas pour autant sur sa reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique

  11 Décembre 1985 : le ministre de l’Intérieur annonce l’amnistie pour les survivants de la tentative de coup d’Etat du 16 Mars 1981

  5 condamnés à perpétuité pour coup d’Etat du 16 Mars 1981 sont graciés

25 Décembre 1985 :   *adoption du projet d’ordonnance autorisant la ratification des conventions concernant les droits de l’homme

29 Décembre 1985 :   remaniement ministériel

. entrée de collaborateurs de Moktar Ould Daddah

Sidi Ould Cheikh Abdallahi remplace Ahmed Ould Ghanallah comme ministre de l’Hydraulique et de l’Energie

  Abdoulaye Baro remplace Isselmou Ould Mohamed Vall comme secrétaire général du gouvernement

  Mars 1986 : discours Ould Taya à Nema : préserver « les différences culturelles légitimes (qui) enrichissent » le pays

  Avril 1986 : à Dakar, mise en circulation clandestine du « Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé »

  7 Septembre 1986 : arrestation d’opposants accusés d’atteinte à l’unité de l’Etat, parmi lesquels de nombreuses élites mauritaniennes originaires de la vallée du Fleuve

                       15 Septembre 1986 : communiqué du ministre de l’Intérieur accusant le groupe des opposants « personnes égarées  d’avoir pris des contacts extérieurs en vue de porter atteinte à l’unité nationale, appelé le peuple mauritanien au désordre et avoir en juin dernier produit et distribué à l’extérieur un document appelant au désordre dans le but de diviser notre peuple »

  « créer, depuis quelques mois, dans l’ombre, un climat d’intoxication et d’atteinte aux valeurs et aux fondements de notre société, c’est-à-dire de notre unité nationale, en répandant la haine et la confusion autant qu’il le pouvait »

  . document = « racolage de contre-vérités allant à contre-courant par rapport aux aspirations de notre peuple et aux intérêts supérieurs de notre pays »

  22 Octobre1987 : semblant de coup d’Etat militaire par des officiers Toucouleurs et trois exécutions

  25 Avril au 3 Mai 1989 : chasse au commerçant maure à Dakar puis dans tout le Sénégal, à laquelle répondent des massacres de Mauritaniens noirs et de Sénégalais en Mauritanie

  21 Août 1989 : rupture des relations diplomatiques avec le Sénégal (rétablies le 23 Avril 1992)

   6 Décembre 1990 :tentative prétendue de coup d’Etat et, dans les semaines qui suivent, massacre de 500 militaires Toucouleurs

  2 Juin 1991 : à Nouadhibou, premières « émeutes du pain »

  12 Juillet 1991 :referendum d’adoption d’une Constitution, permettant le multipartisme mais publiée avec un article supplémentaire 104 permettant de maintenir les lois d’exception

  24 Janvier 1992 : première élection présidentielle pluraliste, Maaouya Ould Sid Ahmed Taya, au pouvoir et à la tête du CMSN depuis sept ans, est élu président de la République ; Ahmed Ould Daddah l’aurait emportée, n’eût été la fraude organisée à la publication des résultats

  21 . 22 Janvier 1995 : nouvelles « émeutes du pain » ; pour la première fois depuis 1978, le président Moktar Ould Daddah sort de son silence

  12 Décembre 1997 : seconde élection présidentielle pluraliste, le président sortant l’emporte une nouvelle fois ; Moktar Ould Daddah a appelé à son boycott

  8-9 Juin 2003 : tentative de coup d’Etat militaire à Nouakchott

  15 Octobre 2003 : mort du président Moktar Ould Daddah au Val-de-Grâce à Paris ; ses mémoires paraissent le lendemain ; il est inhumé à Boutilimit le 18

  7 Novembre 2003 : troisième élection présidentielle, pluraliste mais contestée, du colonel Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya l’emportant au premier tour sur Mohamed Khouna Ould Haïdalla, Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheir

  4 Janvier . 13 Février 2005 : le procès de Wad Naga tourne à la confusion du régime

  4 Juin 2005 : affaire du poste de Lemgheity

 

(4) - extrait d’un entretien avec Abdallahi Ould Bah à Nouakchott, :

         Abdallahi, BOUCEÏF aurait rétabli le Président Moktar ou que ce serait-il passé ? D’après ce que j’ai appris, BOUCEÏF lui-même n’était pas mécontent de le faire, mais BOUCEÏF n’avait rien entre les mains, ce sont les officiers qui étaient avec lui, et très tôt sa famille, comme c’est une famille guerrière, une grande famille, lui ont dit que les honneurs, quelqu’un qui les abandonne, il est f… à jamais. Donc, il n’aurait pas abdiqué pour Moktar ! Il n’aurait pas abdiqué. Moi, celui que je pensais qu’il aurait abdiqué pour Moktar, c’est celui-là… je ne le connaissais pas… c’est Maaouya… après, je l’ai connu ! Il est très loin de çà. Quand il a succédé à HAÏDALLA, vous avez cru çà ? Oui, j’ai cru çà au début, et j’ai même parlé avec lui. Il m’avait convoqué, on a disvcuté longtemps, et l’on a parlé un peu de gens qui étaient arrêtés, de biens qui étaient saisis, moi je lui ai dit, çà ne sert à rien de libérer les gens s’il ne leur restitue pas leurs biens. Je préfère rester en prison, plutôt que de sortir… Oui, on ne peut pas vivre. Sans moyens de vivre. Au début, il m’a dit, mais non ! pas question. Si je fais çà d’ailleurs et si je remets en cause toutes les décisions qui ont été prises, il n’y a pas de raison que je m’arrête. Pourquoi ne pas vous remettre aussi le pouvoir ? J’ai dit : moi, je ne suis pas contre. Mais le pouvoir d’abord n’est pas la même chose que les biens que les gens avaient… qui ont été confisqués, dilapidés par des gens qui sont là. Après il m’a dit : moi, j’ai été très libre avec lui. Il m’a dit : franchement, je n’ai pas pensé à la question, mais ce que je vous garantis, c’est que je n’aime pas l’injustice, et que je ferai tout pour que la justice ait lieu. Il s’en est sorti comme çà, mais il m’a dit : je n’ai pas pensé à la question. Bon ! je pensais qu’il pouvait… je ne pensais pas d’ailleurs qu’il allait … Les autres sont difficiles à connaître ; je ne pensais pas qu’il allait aimer le pouvoir à tel point.  J’avais peur… Maintenant, cela fait dix-sept ans… il fera certainement… il va se présenter parce que se remettre en jeu devient de plus en plus difficile. Non ! il y a toute une bande, il dans un système d’intérêts très solide, et matériel ! Oui, d’intérêts. Il a un système avec des piliers très sûrs, pilier économique, pilier militaire, pilier familial. Il semble que le tribalisme est bien maintenant… Ah ! il est… on est en plein là-dedans, et tout est bâti sur çà, d’ailleurs. Lui, il fait tout pour que les gens se bouffent.

 

(5) - - la tentative des cavaliers du changement »

            8 Juin 2003

            * 01 heure du matin, début d’une sanglante tentative de coup d’Etat militaire, dirigée par l’ancien commandant Salah Ould Henena, radié pour avoir tenu des propos politiques et critiques en caserne contre Ould Taya ; soutien de l’adjoint du chef du personnel de l’armée, de la troisième personnalité du bataillon des blindés et de l’un des adjoints du chef de l’armée de l’air : trente officiers nasseristes, 15 blindés

            * le colonel Mohamed Lamine Ould Najyane, chef d’état-major de l’armée nationale tué dans des circonstances controversées

            * disparition d’Ould Taya : démenti qu’il se soit réfugié à l’ambassade de France

            9 Juin 2003

            * rumeurs d’une intervention de troupes spéciales israëliennes amenées à Nouadhibou par transports aériens américains

            * reprise des émissions radio en fin de matinée : « restez tranquilles chez vous, la situation est maîtrisée sous la direction éclairée du président Ould Taya »

            * Ould Taya annonce brièvement à la télévision l’échec de la tentative de coup d’Etat

            * Mustapha Ould Bedredine, SG UFD : « aucune force politique ne peut être derrière ce coup d’Etat… il s’agit d’un mécontentement interne à l’armée… trouver dans le climat politique actuel un élément favorable à leur projet »

            * les principaux putschistes en fuite

            * rumeur d’une aide du Maroc sollicitée par Ould Taya avec l’appui de Washington

            10 Juin 2003

            * conseil de crise des officiers supérieurs autour du Président de la République : l’armée a  été politisée à tort, réduite à son seul service, désormais dénaturée

            * Bouteflika propose à Ould Taya son expertise anti-terroriste

            * Haïdalla téléphone à Taya ses « condoléances pour toutes les victimes de cette violence regrettable »

            * bilan officiel de 15 morts et 69 blessés

            13 Juin 2003

            limogeage du chef de la gendarmerie depuis 1987, le colonel Né Ould Abdelmalek

            15 Juin 2003

            limogeage du chef d’état-major de la garde nationale depuis 1990, le colonel Wellad Ould Haimdoune, quoique supposé « celui qui a sauvé Ould Taya » remplacé par le colonel Aynina Ould Eyih, directeur du bureau d’études et de documentation (contre-espionnage), et du colonel Abderrahmane Ould Lekwar, chef de la marine nationale depuis 1984, remplacé par le commandant Cheikh Ould Baya.

            18 Juin 2003

            limogeages de proches parents du chef des mutins:

            Mohamed Ould R’Zeizim, gouverneur de Nouadhibou

            Mintate Mint Hedeid, secrétaire d’Etat à la Condition féminine

            Mahfoudh Ould Lemrabott, président de la Cour suprême

            21 Juin 2003

            arrestation du secrétaire fédéral du PRDS pour Nouakchott, Mohamed Mahmoud Ould Hamadi, également parent d’Ould Hanenna, remplacé le 23 par Sghaïr Ould M’Bareck, ministre de la Justice

 

(6) -  la tentative de 2004

       les colonels Mohamed Ould Baba Ahmed, Misqarou Ould Qweyzi, Cheikh Ould Ejdi, Tourad Ould Brahim, et les commandants Sidati Ould Mohamed Mahmoud Ould Hammdi, Dia Abderrahmane, Salih Ould Sidi Mahmoud, Brahim Ould Bakar Ould Sneiba, Hammad Ould Mohamed Ould Lemine

 

(7) - l’affaire de Lemgheity

 

            samedi 4 Juin 2005

            attaque à l’aube de la base militaire de Lemgheity : 15 mauritaniens et 5 assaillants tués, 117 blessés ; le min. Défense Baba Ould Sidi met en cause le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (le GSCP algérien, ayant fait allégeance à Al Qaïda), qui, le 6, revendiquerait sur internet l’attaque : « cette opération a été menée pour venger nos frères emprisonnés par le régime mécréant »

            6 au 26 Juin 2005

            Flintlock 2005 : manœuvres algéro-américaines dans l’Adrar Ifora

            8 Juin 2005

            contre l’attaque de Lemgheity, défilé de 50.000 personnes à Nouakchott ; condamnation unanime par tous les partis politiques

            auparavant, dans le courant d’Avril 2005, s’étaient inaugurées des consultations annuelles régulières à Washington entre Etats-Unis et Mauritanie