Calam(ités)

26 September, 2019 - 00:17

Comme avant lui tant d’autres de notre planète commune, le peuple tunisien vient d’envoyer un message fort et éloquent, au premier tour de son élection présidentielle, le dimanche 15 Septembre dernier. Vingt- six candidats y participaient et ce sont deux profils atypiques qui recroiseront le fer au second tour, dans quelques semaines : Kaïs Saed, un homme simple, usant de phrases simplistes pour se faire comprendre et écouter ; Nabil Karoui, un homme d’affaires en prison, accusé d’institutionnaliser la fraude fiscale, faire fuir les capitaux, user de contrebande et de blanchiment d’argent. Deux hommes sans aucun ancrage politique ni théorie idéologique prometteuse de lendemains qui chantent mais ne semblent plus en chanter aucun peuple. Déjà l’élection d’un homme comme Trump à la présidence des Etats-Unis d’Amérique ou d’Emmanuel Macron, en France, élu sans coup férir grâce à son Mouvement En Marche, a mis en évidence la déroute sans appel des partis historiques dont les discours généralement démagogiques ne font plus recette.Les gens sont de plus en plus  enclins à tendre l’oreille au spectaculaire populisme qui semble mieux prendre en charge leurs diverses et multiples revendications. Ce vent de « dégagisme » et de ras- le-bol avait déjà soufflé à quelques encablures de la Mauritanie (l’élection en 2012 du président Macky Sall en est une parfaite illustration) sans que personne ici, pas plus en notre soi-disant élite politique que de nos fameuses personnalités indépendantes n’y ait pris garde. Nos partis préférant continuer à s’enfoncer davantage dans leurs inextricables insuffisances et sempiternelles querelles de minaret et à s’engager, diaboliquement et sans aucune logique, en des pseudo-compétitions électorales dont ils se savent pertinemment sans aucune chance, ni de gagner, ni même de sortir honorablement. Des participations répétitives qui ne servent, finalement, qu’à légitimer des mascarades en forme de satisfecits du système militarisé dont les chefs ont l’outrecuidance de se passer la main, sans vergogne ni crainte. Un pays sans peuple. Sans élite. Sans opposition. Des trivialités que les gouvernements successifs ont très tôt comprises. Les Mauritaniens se « mangent » sur fond d’exacerbations intercommunautaires et débats idéologiques superflus… alors que leur pays se meurt. De prétendues élites étalent leurs comportements et petits calculs mesquins jusqu’à faire déchanter tous ceux qui avaient cru, un jour, en leur capacité d’animer le moindre changement. Les rares éclaircies qui purent entretenir le mirage ne sont plus que de vagues souvenirs ordinairement rapportés avec beaucoup d’imprécisions. Les deux présidentielles de 1992 et de 2007 ont embrumé les plus légitimes espoirs. Notre histoire contemporaine ne retiendra que de très graves et démocratiquement indéfendables positions de certains hommes sur lesquels beaucoup d’espérances étaient fondées. Dix ans durant, le régime de Mohamed ould Abdel Aziz a copieusement méprisé l’opposition démocratique et son institution. Complètement découragés, plusieurs de ses chefs « emblématiques » ont fini par répondre aux sirènes tentantes des fauteuils moelleux dont ils étaient privés, depuis des décennies. Ceux qui sont encore restés dans l’opposition (pour combien de temps encore ?) font du « gare à ta mère, ô dernier ! », vers le nouveau pouvoir de Mohamed ould Cheikh Ghazwani, et se télescopent, à la porte de la présidence et en ses salons, avec divers de leurs anciens camarades « convertis » depuis longtemps. On papote, on papote, et, presque deux mois après l’investiture du nouveau Président, rien de vraiment essentiel n’a été entrepris. Comme l’a déclaré le tonitruant porte-parole du gouvernement, c’est quasiment la continuité du système azizien. Et ce n’est pas la nomination de son très controversé ministre de l’Economie et des finances à un poste aussi important que celui d’administrateur directeur général de la SNIM qui démentira celui-là. Ghazwani a commencé à parler, voyage, nomme, reçoit à tort et à travers. Cela ne suffit évidemment pas : les Mauritaniens attendent encore et toujours le changement.

El Kory Sneiba