Offre de dialogue du pouvoir : Sérieux ?

19 September, 2019 - 01:43

Le président de la République et son Premier ministre viennent d’exprimer, publiquement et donc officiellement,  leur disponibilité au dialogue. Le premier en recevant  les partis politiques qui l’ont soutenu lors de la présidentielle  et une figure emblématique de l’opposition, Ahmed ould Daddah,   le second lors d’un dîner offert  aux députés de la majorité présidentielle, au lendemain de l’approbation, par  le Parlement, de sa déclaration de politique générale. Les choses sérieuses  vont-elles  donc  commencer ? De l’avis général, à commencer par le président de la République, si l’on en croit ses propos rapportés par ceux qui l’ont rencontré, le dialogue est une nécessité pour  permettre au pays d’avancer. Les onze années d’Ould Abdel Aziz à la tête du pays ont été marquées par une tension, voire une escalade,  entre lui et son opposition. Il faut tourner cette page dans l’intérêt du pays.

La dernière présidentielle a démontré que le pays connaît de sérieux problèmes  politiques, économiques et  sociaux.  Tous les candidats ont abordé, dans leur  programme de campagne,  les questions de l’unité nationale – nécessité de la consolider et de la renforcer –et de l’esclavage, contre lequel un arsenal juridique a été  adopté mais toujours en attente des effets escomptés. La preuve est là, avec un cas d’esclavage présumé récemment  porté à l’opinion mauritanienne.  Autres  questions centrales, la gestion des ressources et la répartition équitable des  profits qui en sont tirés. Tous les candidats ont déploré l’état lamentable des secteurs de  l’éducation, comme ils ont épinglé la formation professionnelle et le taux endémique du chômage des jeunes. La  nécessité de mettre en place une armée républicaine véritablement nationale, ouverte à tous les fils du pays, a été abordée par certains candidats. Pour la première fois, la question du  vivre ensemble s’est invitée au débat et les résultats de l’élection ont démontré l’existence d’un fossé entre  les composantes du pays : Maures et Négro-africains doivent – c’est une urgence – s’affranchir de leurs  préjugés, de leurs perceptions  souvent négatives des uns des autres,  comprendre qu’ils sont condamnés à vivre ensemble en ce  pays qu’ils ont bâti contre vents et marées… La présidentielle a dressé un  tableau trop surchargé, il faut tout ou presque  effacer… et recommencer. Evitons  la politique de l’autruche et la fuite en avant ! Ce n’est possible qu’à travers un dialogue inclusif, sérieux  et crédible dont le format restera à définir entre les partenaires. Le gouvernement ne peut plus être juge et partie ; il ne peut pas décider seul de qui doit y prendre part ; les états généraux de la Transition 2005-2007 doivent servir d’exemple et d’appoint mais avec la garantie de mettre réellement en œuvre les résolutions.

 

Mauvais signal

A cet égard, on connaît les limites de la commission de suivi des accords de dialogue entre le pouvoir et l’opposition  sous Ould Abdel Aziz. Le  dialogue politique  avait été remis au goût du jour le lendemain de la  présidentielle du 22 Juin, mais  une  controverse,  pour ne pas dire  quiproquo, est venu vite le couvrir, une fois encore, d’un hideux voile. Les rencontres, entre le président d’IRA,  le député  Biram Dah Abeid, et le président de la commission de suivi de l’UPR ; puis  entre  Kane Hamidou Baba, président du CVE, et Mohamed ould Abdel Aziz, à quelques jours de son départ du Palais ; sont restées sans effet. Normal, puisque Ould Abdel Aziz s’apprêtait à débarrasser le  plancher, lui qui passa dix années à(dés-)organiser et vivifier (enterrer ?) le dialogue. Nombre d’observateurs se demandaient  d’ailleurs à quel jeu Ould Abdel Aziz  se prêtait, à quelques jours de son départ du pouvoir.

De son côté, le président Ghazwani  s’était suffi  à exprimer  sa disponibilité au dialogue, lors de son discours d’investiture, le 1erMars dernier, avant de se murer dans son silence  habituel,  s’abstenant même  d’en parler  lors de sa prestation de serment, le 1er Août. Aujourd’hui, il  prend officiellement position pour le dialogue. Encore dans l’expectative  depuis qu’il  a pris le pouvoir, les Mauritaniens  l’attendent au tournant. Près de quarante-cinq jours qu’il occupe la place de son prédécesseur, toujours rien  ou presque ne présage l’avenir, rien à initier ne serait-ce qu’un début de satisfaction des nombreuses attentes des Mauritaniens, à commencer par ceux qui ont contribué à l’élire à la présidence. On peut trouver les Mauritaniens pressés, attentifs à leur adage : « un plat qui s’annonce succulent doit sentir bon avant d’être servi ». Mais, à cette heure, on tend en vain le nez…

Enfin, si Ould Abdel Aziz fut qualifié de sourd aux  plaintes des Mauritaniens, dix ans durant, Ghazwani,  à l’orée, lui, de son premier mandat, les laisse interrogateurs sur ses véritables intentions. Ceux qui l’ont rencontré  le trouvent même « déroutant ».  Et sa  récente décision de nommer l’ancien ministre des Finances Ould  Djay  à  la tête de la SNIM a fait l’effet d’une douche froide. Elle est interprétée comme un mauvais signal, tant par ses soutiens  que  par les observateurs avertis. Que mijote donc le général ?

DL