Autour d’un thé : Déclarez, déclarez, il en restera toujours quelque chose....

29 August, 2019 - 01:11

Dans notre imaginaire populaire, les animaux nous sont maîtres en sagesse. Pas seulement en cette histoire de phacochère ; je n’entre pas là-dedans, pas du tout, c’est du passé : les animaux nous ont appris à ne pas tirer sur les charognes. On peut les manger mais pas tirer dessus. Question de décence et de respectabilité. La roulette du phacochère, motus et bouche cousue, complètement, définitivement ! Maintenant, revenons-en un peu à ce loup qui précède le troupeau à l’étable ou cette hyène qui se roule (elle aussi ! Mais chut ! Ai-je dit…) par terre, toute en pleurs qu’on lui ait demandé de garder les animaux. Sur les raisons de son étonnant découragement, la très sage hyène dira, tout simplement, qu’elle sait que ça « n’est pas vrai en eux ». Quant à cette histoire, très à la mode, de déclaration de patrimoine qui vient, visiblement, après coup, le Président sortant a déclaré, hors du pays, qu’il en avait remis toutes les informations, dans une petite enveloppe remise à qui de droit, de la main à la main. Serait-ce que tout ce que les gens racontaient (opposition, presse, ennemis et autres criminels transfrontaliers…) n’était que diffamation ? Une petite enveloppe… Où sont alors toutes ces villas dont vous parliez ? Ces banques ? Ces comptes ? Ces sociétés de construction ? Ces bateaux de pêche ? Ces marchés de gré à gré ? Ces grosses fortunes accumulées ? Tout ça dans une si petite enveloppe ? Quand même, une seule feuille A4, même noircie recto/verso, ça ne peut pas décrire tout ce que vous racontiez ! Cette histoire d’avion loué pour quelques plusieurs millions d’ouguiyas, colis et personnel de maison ? Mais, quand on va, on ne part pas les mains vides ! Quelles conneries, tout ça ! J’ai, moi-même, un patrimoine que je m’empresse de déclarer : moi, tout d’abord et tout debout, 1,87 met quelques dizaines de kilogrammes. Une modeste – très modeste – maison, loin – très loin – là-bas vers « Rue Messaoud » acquise par je ne sais trop quelle grâce du Seigneur des pauvres, béni soit-Il. Un salaire aléatoire au Calame. Un compte rouge-sang dans une banque menacée de faillite. Zéro chèvre. Zéro vache. Zéro chameau. Zéro charrette. Zéro terrain. Zéro palmeraie. Zéro âne. Zéro cheval. Zéro boubou Ezbi. Zéro iphone. Les ministres sont comme le loup qu’on pense toujours rassasié. Mais si la pierre dit : « je suis mouillée » ; le morceau d’argile lui répond : « moi, je ne pipe mot ». Quand le ministre des Finances et de l’économie dit  qu’il n’a « presque rien » ; juste quelques petites choses, genre modeste maison à Magta Lahjar, quelques boutiques louées à Tevragh Zeïna ; deux voitures : une pour lui et une pour quelqu’un de la maison ; quelques petits terrains désespérément  nus ; à peine « quelques ouguiyettes » qui ne dépassent pas la vingt-huitaine de millions très anciens et quelques créances avec des gens au dos long ; cela veut dire que les autres anciens ministres sont presque comme moi ou « plus pires » même, pour parler bon français. Mais, quand même, la déclaration de patrimoine, c’est quand on rentre et quand on sort. Sinon ça veut dire quoi ? Si, quand tu viens, on ne sait pas ce que tu avais, à quoi ça sert de savoir ce que tu détiens quand tu pars ? Monsieur le nouveau Président, messieurs les nouveaux et anciens ministres, tous les messieurs et mesdames quelque chose, montrez-nous ce que vous avez aujourd’hui. Comme ça, nous pourrons juger, demain, si vous êtes bien ou mal partis. Les hommes doivent montrer ce qu’ils ont et les femmes aussi. Combien de comptes ? Combien de femmes ou d’hommes ? Combien de seconds bureaux ? Combien de terrains à Tevragh Zeïna ou en zones populaires? Combien de maisons ? Combien de boutiques louées ou pas louées? Combien de cheveux sur la tête ? Combien de grandes ou de petites palmeraies ? Combien de voitures et de quelle marque ? Combien égorgez-vous de moutons par semaine et combien de casse-croûte par jour ? Où passez-vous vos vacances ? Combien de boubous, costumes, paires de chaussures, cravates, sous-vêtements et téléphones ? Quels parfums, quelles cigarettes ? Combien d’argent en poche, en compte(s), dans les malles, sur et sous les tables ? Responsables de tous les gouvernements, déclarez, déclarez…on vous croira… peut-être. Salut.

Sneiba El Kory