Reconduction du ministre du Pétrole : « La » fausse note

21 August, 2019 - 09:31

La composition du premier gouvernement du président Mohamed oud Cheikh El Ghazwani était attendue avec beaucoup d’impatience, tant avaient suscité d’espoir les orientations du discours d’investiture du Président, en droite ligne du premier discours de candidature et de son programme « Mes engagements ». C’est justement avec la conviction que le Président fera credo du respect de son engagement, que ce premier cri d’alarme est lancé. La confiance établie entre le peuple et son nouveau Président ne doit être aucunement entachée. Après son élection, celui-ci a tenu parole, en confiant les affaires à un gouvernement alliant compétences, représentativité et souci de renouvellement politique. C’est un tournant historique, dans la mesure où, pour la première fois, un gouvernement mauritanien est formé en dehors des règles sacro-saintes du dosage tribal, ethnique et politicien. Espérons de tout cœur que ce soit, aussi, une rupture définitive avec les chantages et les pressions qui n’ont cessé de paralyser l’Etat et d’altérer, gravement, la culture et la pratique citoyennes.

Dans ce contexte d’engagement historique sacré et de rétablissement de la confiance, entre le peuple et ses dirigeants, il est regrettable qu’une note discordante – une seule – fragilise l’édifice en cours de construction : la reconduction au gouvernement d’une personne fort décriée. Résultat d’une sollicitation du Président sortant ? Il est certes indéniable que la fidélité en amitié est une vertu, comme la confiance en est une autre et non des moindres. Mais faudrait-il, à tout prix, sacrifier la confiance de millions de Mauritaniens et renier, ne serait-ce qu’en partie, ses engagements, sur l’autel de l’amitié d’une seule personne ? L’enjeu n’en vaut pas le coût.

‘’La récente reconduction du ministre du Pétrole, de l’énergie et des mines distord l’architecture gouvernementale mise en place pour la réalisation du projet de société porté par le nouveau Président et dont les soubassements sont la confiance dans les rapports sociaux, l’adhésion populaire et l’intégrité dans la gestion de la chose publique’’, témoigne cet observateur averti. Tous les initiés le savent et, s’il n’en est pas, le Premier ministre s’en rendra compte rapidement : les secteurs du pétrole, de l’énergie et des mines ont été minés par la corruption, le clientélisme et la mauvaise gestion, depuis que ledit ministre dirige ce département particulièrement stratégique.

La SNIM est au plus mal de toute son histoire. Elle est en crise, tant financière que sociale, et, même, productive (stagnation). En cette situation, la tutelle de l’entreprise ne peut qu’assumer sa part de responsabilité. La société devait rester le fleuron de notre industrie nationale et le principal atout de la politique d’attractivité des investissements miniers. Elle est, aujourd’hui, au bord d’une faillite aux conséquences dramatiques pour le pays. Des centaines, voire des milliers de permis de recherche minière ont été délivrés, sans engendrer, pour autant, le moindre investissement. Quant à Kinross, elle semble rencontrer les pires difficultés, en raison de pressions injustifiées, dans le choix de son personnel et de ses sous-traitants.

Dans le domaine énergétique, les ententes illicites, dans la passation des marchés, furent de règle, ces dernières années. On note la position excessivement privilégiée d’un proche de l’ancien Président, détenteur d’un quasi-monopole des réseaux de transport électrique interurbain : lignes Nouakchott-Nouadhibou, Nouakchott-Zouérate et Nouakchott-Tobène dont les procédures de passation des marchés ont été exceptionnellement accélérées, pour être bouclées en moins d’une semaine, au profit de cette même seule personne. Le souvenir d’autres marchés, passés dans l’opacité la plus totale, est encore vivace, dans l’esprit de tous les opérateurs du secteur. Ils ont donc renoncé à participer à tout appel dont le bailleur de fonds n’exige pas le respect des règles de la concurrence.

Concernant l’exploitation gazière, il semble que plus de 90% des effets induits attendus de cette industrie bénéficient à la seule partie sénégalaise : fabrication des massifs en béton pour la jetée, autres prestations et services, le tout se chiffrant en milliards d’ouguiyas. Les sociétés pétrolières feraient, elles aussi, l’objet de fortes pressions sur les choix de leurs sous-traitants.  Contrairement au Sénégal, aucune mesure de préparation efficace, en matière de formation du personnel technique, n’a été entreprise, alors que notre voisin a déjà fondé son propre centre de formation dans toutes les spécialités d’exploitation gazière.

Voilà, globalement, le peu reluisant bilan du ministre du Pétrole, de l’énergie et des mines qu’on vient de reconduire aux mêmes fonctions, dans un gouvernement qu’on voudrait pourtant sans tache. On ne voit malheureusement que celle si étourdiment laissée : dans un secteur aussi sensible et stratégique, elle est aussi visible qu’un nez au milieu de la figure. Dommage…

Ben Abdalla