Et si on faisait confiance à Ould el Ghazouani ?

4 August, 2019 - 01:01

Nous avons tous écouté attentivement  le discours du nouveau président de la République. Ce discours prononcé  dans une salle comble, devant  de nombreux témoins  (onze  chefs d’Etat et des centaines d’invités de marque),  renferme des mots clés  qui poussent à l’optimisme. Dans un article que j’avais  écris et publié sur ma page facebook avant le début de la campagne,  j’avais  dit que Ould Ghazouani et Ould Abdel Aziz  sont peut être  des amis  de très longue date  mais cela ne signifie  pas forcément  que les  deux personnes  sont   «pile et face» de la même pièce.  Je crois  -et je souhaite  que l’avenir  me donne raison-,  qu’Ould Abdel Aziz et les militaires qui ont proposé Ould El Ghazouani comme candidat à la magistrature suprême ont rendus un très grand service au pays. S’ils avaient porté leur choix sur cette personne  dans leur intérêt, en tous cas le discours d’investiture du nouveau président et les mots clés  tendaient  à rassurer  les citoyens  que son arrivée au pouvoir est  plutôt dans l’intérêt  de  tous les  mauritaniens que ceux-ci  soient compris dans les 52 % qui ont voté  pour lui  ou qu’ils soient compris  dans les 48 % qui ont voté pour les autres candidats.  Il a promis  sans le dire vraiment –peut être de peur d’offenser son ami-  que  rien ne sera plus comme avant. Ould Abdel Aziz a quitté le pouvoir    rendant  un  service inestimable  au  pays en acceptant  finalement une transition pacifique et démocratique. Il aurait pu jouer aux prolongations comme Kabila dont le pays est ravagé par une guerre civile. Se maintenir au pouvoir sans discontinuer  comme Danis Sassou  Nguesso  l’inamovible homme fort du Congo  que,  ni la limite d’âge,  ni la limitation des mandats ni la force de l’opposition  n’arrivent  à faire quitter le pouvoir. Il aurait pu jouer  au «politiquement »  increvable Paul Biya dont le pays fait face à des foyers d’incendies  allumés par des séparatistes dans le nord. Ould Abdel Aziz  aurait pu jouer à l’entêté Oumar El Béchir, renversé après trente ans de dictature et  qui fera face le 17 août à la justice de son pays. Ould Abdel Aziz aurait pu jouer au contesté El Sissi d’Egypte qui s’impose en faisant couler le sang de milliers d’innocents. Il pouvait aussi si il le voulait jouer  au «génocidaire » Paul Kagamé qui n’envisage pas de  céder sa place avant sa mort. Il aurait pu faire comme Alpha Condé de Guinée dont  le régime  finit en lambeaux mais qui malgré tout,  règne encore sans partage écrasant son opposition dans  la violence. Mohamed Ould Abdel Aziz n’a rien fait de tout cela.  Il a choisi la voix de la sagesse, même si ce choix n’a été fait qu’après une très  longue période d’hésitation marquée par des tentatives maladroites de briguer un troisième mandat. Donc, en acceptant l’alternance pacifique et démocratique Mohamed Ould Abdel Aziz a permis à  la   Mauritanie de gagner. Elle est sortie la tête haute et victorieuse d’une épreuve  à haut risque.  Nous devons tous rendre à César qui appartient à César et reconnaitre que  finalement  Ould Abdel Aziz est sorti du palais  par la grande porte, même si cette porte s’ouvre  pour lui sur de très nombreuses  inconnues. Que deviendra-t-il  maintenant ? Quelles seront les conséquences de ses agissements,  et où vont l’entrainer les dossiers bien ficelés qu’il a laissé derrière lui et qui  renferment   des affaires montées sur des fonds de corruption ou de gabegie ? Ce que  deviendra  Ould Abdel Aziz  après son départ et qu’est ce qui  va se passer pour  lui  dans l’avenir ne nous regarde pas. L’avenir que réservent à’   Ould Abdel Aziz ses agissements  n’est pas l’avenir de la Mauritanie. Nous le souhaitons  bonne chance et le  remercions    sincèrement d’avoir laissé derrière lui une Mauritanie qui a fait ses preuves et s’est illustrée  par  une bonne alternance démocratique. Les  questions  qui se posent  pour nous désormais sont celles  de savoir qui est réellement Ould El Ghazouani ? Est-il venu au pouvoir pour assurer l’intérim de l’homme qui s’est battu personnellement pour le faire élire  ou est-il venu au pouvoir pour exécuter un programme  de campagne qui apportera une solution définitive  aux problèmes réels des mauritaniens. Nous sommes en droit de nous poser ces questions. Nous sommes en droit de nous poser ces  questions   parce que l’avenir de la Mauritanie d’ici  à aout  2024  restera  entre les mains de cet homme   inconnu de la majorité des mauritaniens. Nous avons décidé dans notre majorité de mettre  la Mauritanie  entre les mains d’un  novice en politique qui a été catapulté  au pouvoir par des politiciens et des hommes d’affaires  qui tiraient seuls  profits de la richesse  d’un pays dont 90 %  de la population vit sous le palier le plus bas de la pauvreté et par leurs propres moyens.  Nous sommes en droit de savoir celui qui a remplacé  Ould Abdel Aziz,  le remplace à quelle fin ?  Pour jouer  dans une  comédie le rôle d’un militaire maquillé en civil, ou le rôle d’un civil maquillé en militaire ? En tous cas  la Mauritanie a beaucoup souffert de la comédie de ses dirigeants.  Elle a beaucoup souffert de cette comédie qui  faisait croire que la justice est indépendante, alors que les magistrats ont les mains liées et les bouches cousues pour les  empêcher de dire le droit, de statuer en toute indépendance entre les justiciables.  La Mauritanie a beaucoup souffert de cette comédie d’état  qui  donnait  l’impression que le pays  luttait  contre l’esclavage alors qu’il ne faisait rien  pour  briser les chaines qui rattachent ces esclaves contre leur volonté à leurs anciens maitres.  La Mauritanie a beaucoup souffert de cette comédie d’état  qui chante l’unité  et la cohésion nationale alors que les noirs sont défavorisés et  sont sous représentés dans toutes les instances dirigeantes du pays et quasiment absents dans la hiérarchie supérieure militaire. La Mauritanie a beaucoup  souffert à cause de cette comédie d’état  qui cache la réalité des inégalités entre les différentes composantes du peuple. La Mauritanie a beaucoup souffert  de  cette comédie d’état   qui donne l’impression que le pouvoir  s’ouvre au dialogue politique avec l’opposition alors que des portes blindées  sont fermées devant cette opposition.  La Mauritanie souffre à cause de cette comédie d’état qui n’est en réalité qu’un cumul de mensonges d’Etat.  Mohamed Ould Cheikh Ahmed Ould El Ghazouani  ami, frère ou compagnon d’arme de Mohamed Ould Abdel Aziz est avant tout  un mauritanien.  Et comme tel,  il  connait parfaitement  comme chacun d’entre nous  et parfois mieux que nous, les forces et les faiblesses qui ont caractérisés  les dix années de pouvoir de Ould Abdel Aziz. Dix années qui ont été marquées  par beaucoup de réalisations dans différents domaines et  dans différents secteurs  même si ces réalisations n’avaient en réalité qu’un bût lucratif qui profitait  au président sortant par personnes interposées ou qui  profitaient à son entourage.  Ould El Ghazouani sait également comme nous tous d’ailleurs,  que les  dix années  du président sortant   ont été marqués  aussi  sur le plan de la démocratie, de la justice et du social par beaucoup d’insuffisances,  beaucoup de maladresses et beaucoup de tâtonnements. De ce fait Ould El Ghazouani  doit être conscient qu’il hérite de son prédécesseur, donc de  son ami,  une situation économique du pays très confuse et quelques fois  très désastreuse. Il  doit donc quelque soit la gravité de cette situation poursuivre le travail de son prédécesseur  en complétant les insuffisances et en corrigeant les tirs qui n’ont pas atteints leurs cibles. Mais il doit surtout éviter les erreurs commises par son ami durant ses deux mandats pour concilier le  pays avec une image d’une nation où  il fait bon de vivre où tous les mauritaniens dans leurs diversités se retrouvent, se respectent  dans la paix et la non violence.

Un pays, -et c’est comme cela partout ailleurs – n’est pas géré par le président seul. Il est géré par un groupe  collégial  composé de collaborateurs et de proches.  Mais quand un président dirige un pays il doit toujours avoir à l’esprit qu’il ’est un homme sur lequel  chaque citoyen fonde un espoir. Quelques soient les relations qu’il nouera avec ses proches, ses parents et ses amis, Ould El Ghazouani  ne doit jamais oublier  qu’à travers le pays  il y’a partout des milliers de pauvres anonymes qui vivent  en dessous du seuil de la pauvreté et qui sont souvent  incapables de donner un repas par jour à leurs enfants. Devant Dieu et devant les hommes le premier responsable du pays est comptable de ses actes. Il doit donc Poursuivre le chemin du  progrès et du développement en évitant de tomber dans les erreurs de son ami qui a été détourné de ses engagements et de son objectif initial par un entourage qui  l’a dévié de son chemin pour son  propre  intérêt.

 

Mohamed Chighali

Journaliste indépendant.