Nouvelles d’ailleurs : Astaghfiroullah !

30 October, 2014 - 01:27

Je ne veux pas plomber l'ambiance mais il se passe apparemment des choses bizarres à Nouadhibou. Et quand je dis bizarres, entendez VRAIMENT bizarres, des choses qui effrayeraient le plus courageux des Tartatin de Mauritanie. Franchement bizarres ; bizarres à tel point que voilà emballée la machine à « investiguer ». Et comme le dit une amie : « Nous sommes le pays au million de détectives » ; attendons-nous, donc, à, un million de résultats d'enquêtes, au moins, menées t'bol battant. C'est pas rien, ça, cette propension à donner dans la « police technique et scientifique ». Ok, chez les Nous Z'Autres, enlevons et « technique » et « scientifique », dès lors que nous parlons du mauritanien soudain devenu Tintin détective au pays des mille et une rumeurs... En l'espace de quelques jours, la belle et douce capitale économique s'est réveillée avec une histoire de castration et de meurtres, une autre, encore plus croustillante, de pénis coincé, d'amants « collés », de partie de jambes en l'air mal engagée et mal terminée... A peine « l'info » diffusée, partagée à coups de « Oh ! » et de « Ah ! » et d'« Astaghfiroullah ! », voilà notre million de détectives en branle.

Les premiers résultats des enquêtes à la sauce Nous Z'Autres donnent, dans le désordre, comme au tiercé : il s'agirait – là, c'est moi qui emploie le conditionnel. Ok, ça casse le film mais, ça, c'est moi – d'une histoire d'adultère – Astaghfiroullah, astaghfiroullah… – entre un encore jeune et guilleret amant et une jeune et non moins guillerette amante – la rumeur nous dit trente et trente-trois ans – pris soudain de désir de « fornication » – Astaghfiroullah, astaghfiroullah… – et « punis », de leur partie de jambes en l'air, par une expérience fort douloureuse et inconfortable pour le couple d'amoureux : un pénis– Astaghfiroullah, astaghfiroullah… – refusant, catégoriquement, de sortir d'un vagin– Astaghfiroullah, astaghfiroullah, tfou, tfou, tfou, tfou... – Direction l'hôpital mais « on » ne nous dit pas de quelle manière le jeune couple amoureusement lié a pu être exfiltré de l'appartement. En tous les cas, astaghfiroullah, astaghfiroullah, et re-astaghfiroullah..... Et tfou, re-ettfou, et re-re-re-ettfou...

Vous vous demandez le pourquoi de ce nombre impressionnant d'astaghfiroullah ? C'est que je me mets à la couleur locale qui veut que tout ce qui touche au sexe et, surtout, au sexe adultère, provoque, chez ceux qui ouïssent ces mots, des crises subites de moralisme. Comme quoi vous voyez que je peux être sage et bon-chic-bon-genre, moi Z'aussi… De là à ce que je me mette à brailler, comme la vox populi émoustillée par cette croustillante affaire de pénis, vagin, « coinçage » et d'adultère : « Bien faiiiiiiit ! » ou « Ils [les affreux fornicateurs] ont été punis par là où ils ont péché ! » ; il n'y a qu'un pas.

Mais qu'est-ce qu'ils ont donc mangé nos Stéphanois ? On passe d'une affaire qui a tout de l'affaire d'honneur avec castration à un Penis Captivus. Moi, je vois un lien, entre toutes ces affaires de pénis parti et de pénis caché... Sûrement que le second a dû entendre parler de ce qui est arrivé à son malheureux confrère et qu'il a, catégoriquement, refusé de sortir...Vous seriez lui, vous feriez quoi ? Ok, j'exagère, vous n'êtes pas lui...Mais, avec un peu d'empathie et si vous étiez lui ?

De là à ce que Nouadhibou, auparavant fort tranquille, devienne Sodome et Gomorrhe, notre lieu à nous de tous les péchés et fornications, il n'y a qu'un pas... On finira, faites confiance à notre million de détectives, par connaître les dessous de ces deux affaires. Vu que, chez nous, rien ne reste secret, que tout est sujet à débats, interprétations, argumentations et contre-argumentations, nous en saurons le fin mot. A coup de « Wallahi, je te juuuuure ! Ce que je te dis est la vérité vraie, la seule, l'unique. Je la tiens du beau-frère du cousin de l'oncle du grand-père de la tata de mon frère-même-mère mais pas même-père » et de « Wallahi, mon imam a dit que... », « mon boutiquier... », « mon policier du carrefour X.... », « mon oncle planton à l'Hydraulique... », « ma sœur qui connaît la sœur de la sœur de la sœur de la fille de la bonne de telle... », nous arriverons, non seulement, à connaître les noms des deux « coincés », leur généalogie, la couleur du dentier de leur arrière-grand-père et les péchés de gourmandise de leurs mamans... mais, aussi, avec un peu de patience – et ça viendra, croyez-moi – la taille de l'objet du délit, lui qui ne demandait rien à personne et qui voulait juste rester tranquille et au chaud...

Bref, soyez sûrs d'une chose : rien, chez nous, n'échappe à rien. Rien. Car, en plus d'être le pays au million de détectives, nous sommes, aussi, le pays au million de bavards, rois du commérage, du cancan, du scandaleux, du jugement express de valeurs. Notre credo : ce qui se passe chez le voisin m'appartient. Nous sommes le pays qui ne possède qu'un œil immense et des oreilles encore plus grandes. Tout cela assorti à une langue fort bien pendue. Un gigantesque service de « renseignements à tous les étages, coquillages et dattes, expertises jour et nuit, moralité en prime ». C'est à ça qu'on nous reconnaît. En attendant les résultats du million d'enquêtes, je ne peux que déconseiller, au vu des mauvaises mœurs des Stéphanois, d'éviter cette ville apparemment saisie par le diable, ville de la fornication – Astaghfiroullah, astaghfiroullah – et de la dépravation. Si vous ne me croyez pas au sujet de la morale, pensez, au moins, à vos attributs. Salut !

 

Mariem mint Derwich